Je dessine depuis aussi longtemps que je me souvienne, depuis que je suis assez grand pour tenir un crayon, au sens propre. Pendant mon enfance, c'était mon principal loisir. J'ai appris à dessiner tout seul, en faisant mes propres BD sur papier pour machine à écrire ; c'était un excellent entraînement, dessiner les mêmes personnages, objets et décors des tas de fois à la suite. Cela a développé mes talents de conteur en même temps ; j'avais vraiment en tête de raconter des histoires. Plus tard cela a évolué en parties de Donjons et Dragons : j'aimais beaucoup être maître du donjon avec mes amis. C'était presque toujours sur des thèmes de science-fiction ou fantastique.
Pour devenir dessinateur, il ne faut pas que ce soit quelque chose de secondaire. Si vous n'êtes pas passionné par une carrière de dessinateur, je vous garantis que vos rivaux le seront. Etudiez, dessinez, travaillez en groupe, dessinez, peignez, étudiez, dessinez, allez au musée, prenez de l'instruction, dessinez, peignez, et allez à des expositions. Et dessinez.
J'ai appris à dessiner dans ma tête, en observant tout autour de moi. J'imagine que vous aussi. Arrive un moment où vous vous dites que ce qu'il y a dans votre tête n'est pas assez précis. Je fais des brouillons des gestes pour obtenir les actions et mouvements voulus, puis je prends des photos de modèles aussi proche que possible (sans les forcer à faire quelque chose de pas naturel) pour me donner des détails et des nuances d'ombre et de lumière. Il y a des dessinateurs qui font tout de tête ; Jeff Easley est l'un d'eux, mais ça se voit. Il y arrive car il a vraiment le sens de l'action et un style spécial. Je ne pense pas que la plupart des dessinateurs devraient essayer. Je le fais de temps en temps quand le personnage n'est pas très gros et l'éclairage assez direct, mais je ne le conseillerais pas, sauf si vous avez quelques années de dessin derrière vous. Rick Berry en est un autre, dont les silhouettes sont fantastiques. Je jurerais qu'il a un modèle dont il se sert régulièrement... ce type a juste une incroyable perception des formes et textures, et des jeux de lumière. Je le déteste. :°)
J'ai aussi un fichiers de "morceaux" ou de "fragments" que je me suis fait avec les années. Je garde tous les magazines qui me tombent entre les mains, et puis ensuite je découpe les images et je les classe par catégorie. Je trouve rarement ce que je cherche exactement, mais je trouve toujours quelque chose d'assez proche de ce que je veux - un ciel, une texture de tronc d'arbre, une formation pierreuse - pour en faire une copie crédible. Je me suis aussi abonné au Wildlife Fact File il y a quelques années : chaque mois ils envoient environ huit "Fact File Cards" avec plusieurs photos chaque de différentes espèces animales. A présent cela fait plus de 500 fiches, et c'est quelque chose que je consulte tout le temps pour avoir le bon angle d'une aile, ou la patte d'un chat qui m'aide à voir la forme du muscle en-dessous, etc. Ils ont commencé une nouvelle série de fiches que je me procure ; pratiquement la même chose, mais en plus grand et plus d'images... inestimable. Les magazines de mode peuvent être une bonne source d'inspiration de vêtement, ou de bonnes photos de femmes à défaut d'autre chose, si vous avez besoin de quelque chose de basique. Les magazines de maillot de bains peuvent être bien également : les poses sont généralement moins bizarres que dans d'autres revues. Les magazines pornographiques - même "soft", comme Playboy - ne servent presque jamais à rien.
J'utilise un miroir, également, tout le temps. Surtout pour contrôler mes dessins. C'est un bon truc pour vous prendre en défaut avant de faire une grosse bêtise. Quand vous regardez le reflet, vous dépassez vos notions préconçues de ce que vous faites, et vous le voyez tel qu'il est. Très utile. Vous pouvez aussi le regarder à l'envers et de côté ; particulièrement bon pour vérifier l'équilibre et l'arrangement. Un autre bon truc, que j'ai découvert dans un livre intitulé "Dessiner avec le côté droit de votre cerveau" : un exercice, vraiment. Vous prenez une photo de magazine, n'importe quelle photo, et vous la mettez la tête en bas. Puis vous la dessinez à l'envers. Ou vous la prenez à l'envers, mais la dessinez à l'endroit. Dessinez aussi avec la main gauche de temps en temps. Je fais ça quand je butte sur quelque chose, et ça ne rend pas bien. Vous le mettez de côté, vous faites ces exercices, puis vous y revenez. Pan ! Ça marche à chaque fois. Ça réveile la partie du cerveau qui voit les choses comme elles sont, pas comme vous avez appris qu'elles sont.
Un ami à moi (Donato), quand on lui posait des questions sur les écoles de dessins, disait ceci :
"Je ne suis pas un grand fan des écoles des "beaux-arts" (l'Ecole des Arts Visuels, FIT, l'Ecole de Dessin de Rhode Island, l'Ecole de Dessin Ringling...) ; après avoir enseigné dans deux d'entre elles, tout en étant un professionnel en exercice, je me demande ce que deviennent chaque année les MILLIERS d'élèves qui obtiennent le diplôme. Année après année je commence à apprécier l'éducation du "dessin libre" à laquelle j'ai autrefois participé, et les quelques cours que j'ai eu, pendant ma formation à Syracuse. La technique aide beaucoup, mais avoir l'esprit capable de travailler sur de nouveaux concepts amène plus loin encore. Je crois plus en un apprentissage avec un professionnel en exercice."
"Ceci étant dit, je vous recommande des écoles qui ne sont pas seulement des écoles de dessin, pour que le programme d'études soit structuré autour d'une formation plus large."
"Syracuse et l'Ecole de Dessin de Rhode Island (avec comme option la prise de cours à l'université Brown juste à côté) sont les seules avec lesquelles je sois familier (directement). C'est un choix difficile car la plupart des écoles ont d'horribles programmes de dessin. J'ai attendu six ans et demi avant d'avoir mes diplômes, et ces deux ans et demi de cours en plus ont fait une ENORME différence. Le facteur principal quant au choix d'une école de dessin n'est pas celui de l'école, mais si la personne veut être dessinateur."
C'est vrai : l'attitude est bien plus importante que n'importe quoi d'autre. Il faut vouloir apprendre - et jamais s'arrêter. J'ai vu beaucoup de dessinateurs avec une splendide formation, qui n'allumaient aucune passion chez le spectateur. Et j'ai vu des dessinateurs sans formation conventionnelle, capables de vous estomaquer.
Dans tout ce que je fais, ce que je préfère, c'est le fantastique et la science-fiction, mes deux sujets de représentation préférés, avec les mythes, les femmes, les cieux... J'y prends beaucoup de plaisir, car j'invente des choses que personne d'autre n'a jamais vu, des choses qu'on ne peut photographier puis manipuler avec Photoshop. Je dois explorer mon propre fonctionnement tout en gagnant ma vie. C'est un travail très gratifiant. J'ai joué à D&D pendant presque vingt ans avant d'arriver à ce travail, alors c'est comme un jeu. Presque.
Traduit d'après le site de l'auteur, avec son aimable autorisation. De nombreux conseils techniques pour les apprentis dessinateurs sont disponibles là-bas, qui n'ont pas été traduits ici.
Cette bio a été rédigée entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2009. Dernière mise à jour le 12 janvier 2010.