Ma structure génétique fut modifiée à l'âge de 5 ans lorsque j'ai vu la première moitié du King Kong original. En calculant ça a dû se passer vers 1960. L'aspect magique de l'île et des dinosaures m'avait frappé. Une curiosité pour de nouveaux mystères commença à devenir une obsession créatrice. Après avoir vu ce que j'ai pu de cette aventure pleine d'action dans un monde fantastique, je voulais aller à l'Ile du Crâne. Il m'a fallu un an pour voir le film en entier, grâce à une maman vigilante. Merci maman.
J'ai su tout de suite que des adultes avaient fait ce film, et que si c'était une carrière possible il fallait m'embaucher. J'ai commencé à dessiner et à sculpter des dinosaures, et à lire tout ce que je pouvais sur les films, les dinosaures et les monstres à la bibliothèque de l'école. Je suis devenu assez bon en recherche. Crétin et stupide également. En tant que l'un des "enfants de Kong" je suivais une routine similaire qui semble maintenant inscrite au sein de certains spectateurs de ce film. Le premier "papa Kong" était Ray Harryhausen. Bien entendu il a influencé des générations de réalisateurs qui font aujourd'hui des scènes auparavant impossibles.
Ce qui me touche le plus concernant les créateurs de Kong et Sinbad et l'armée de spécialistes d'effets spéciaux, c'est la portée des compétences techniques et artistiques qu'ils possèdent. Ils dessinent, peignent, sculptent, peuvent modeler leur sujet dans des matériaux variés. Ils peuvent photographier, animer, faire des fonds et réaliser des chefs-d'oeuvre avec des éléments filmés séparés. Mais avant tout ils savent aussi raconter des histoires. Le cinéma rassemble plus de disciplines artistiques et scientifiques que n'importe quelle autre forme d'expression. J'ai été attiré par ce défi. J'ai acheté ma première caméra 8 mm à 11 ans, et j'ai commencé mon éducation solitaire en effets cinématographiques.
J'ai animé des cyclopes et des dinosaures d'argile, et j'ai vite vu les avantages du fil de fer et du caoutchouc mousse. J'ai aussi changé en lutins les enfants du voisinage qui passaient autour du jardin familial. Les acteurs s'asseyaient par terre et je prenais une vue, puis ils avancaient de 30 cm environ et je prenais une nouvelle vue. J'ai piqué l'idée à une émission populaire. Les enfants ont tous usé leur pantalon.
Au lycée j'ai commencé à prendre le dessin très au sérieux après avoir découvert les oeuvres de Frank Frazetta. Encore un maître populaire de son dessin et de son art. Surtout connu pour ses couvertures de Conan le Barbare et Edgar Rice Burroughs, j'ai trouvé que c'était un dessinateur qui faisait tout bien. Il connait toutes les règles et comment les transgresser. Il sait aussi comment faire un dessin qui frappe ! Alors j'ai étudié Frazetta et j'ai acheté toutes ses couvertures sur lesquelles je tombais. Mes centres d'intérêt ont depuis toujours été partagés entre l'illustration et la réalisation de films. J'aime les points communs aux deux compétences, et j'alterne entre elles chaque paire d'année. Au milieu des années 70 j'ai commencé à faire des dessins de comic pour Power Comics à East Lansing.
J'ai fait un peu de dessins de super-héros, et les illustrations pour les histoires "Figure of Mystery" qui furent éditées. La balance penche du côté du dessin. J'ai rencontré des apprentis réalisateurs à Jackson (Michigan), et j'ai fait quelques posters, peintures et sculptures pour aider à promouvoir leur film - jamais réalisé - intitulé "le Cri de Cthulhu". Par contre cela attira l'attention de Cinefantastique et Starlog, et tous deux publièrent mes dessins avec leurs articles.
La balance penche du côté cinéma. Mon épouse Penny entra à l'université de l'état du Michigan, aussi nous avons déménagé à East Lansing, et là-bas j'ai rencontré Sam Raimi, Rob Tapert et Bruce Campbell, et le reste de leur équipe de création. Nous nous retrouvions, mangions des pizzas et nous nous montrions nos films en super 8. Ce qui a amené à des collaborations diverses. J'ai fait quelques effets sonores de tablettes de poison qu'on lâche dans un breuvage pour la comédie long-métrage de Sam "It's Murder !".
J'ai fait les titres pour le court-métrage noir de Sam, "Clockwork", et une paire de posters pour les projections de leur film sur le Campus de l'université de l'état du Michigan. Sam écrivait un scénario qui s'appelait "Book of the Dead", et il était assez discret à son sujet. On me posait des questions techniques bizarres comme "est-ce que tu peux faire un visage de femme en feu tandis qu'elle parle, en gros plan ?" J'ai répondu, "certainement". Peu après on m'a demandé de fournir les accessoires et dessins pour les effets spéciaux de "Within the Woods". Sam, Rob et Bruce cherchaient à faire un clip financier démonstratif à des bailleurs de fonds potentiels. J'ai sauté sur l'occasion malgré mon manque d'expérience et de matériaux appropriés. En transformant Bruce en tueur possédé mutilé je l'ai poussé sans le vouloir au-delà du "point de latex".
C'est ce qui se passe quand faire des films n'est plus "drôle". Bruce survécut et "Within the Woods" fut payant, en novembre 1979 nous étions partis pour faire "Book of the Dead", qui s'appellera plus tard "Evil Dead". J'ai créé un certain nombre d'accessoires dont j'ai les droits, comme pour "The Book of the Dead" et la Dague. J'ai aussi créé les maquillages des morts-vivants et les accessoires sanguinolents. Ma séquence préférée est le fondu-enchaîné de l'arrêt final. J'ai eu l'occasion de créer et réaliser la scène seul, comme Sam et compagnie étaient à New York pour faire éditer le film. Il y eut une collaboration satisfaisante avec Sam et mes associés pour la mort de Bart Pierce à la fin. Le résultat final est toujours très drôle à voir. Cela a pris trois ans pour voir sortir Evil Dead. Il fit un résultat consternant dans le hit-parade aux Etats-Unis, car il n'était pas coté. Cela veut dire que la plupart des journaux n'en faisaient pas la publicité. Ce qui n'a laissé que les annonces publiques de projection. Bien sûr ceux qui le virent et qui en rirent firent passer le mot et élevèrent Evil Dead au rang de culte. Merci.
Mon épouse et moi avons déménagé à San Francisco avant la sortie de Evil Dead. Je n'avais encore aucun crédit cinématographique ni photo de mon travail sur le film. Pendant la réalisation de Evil Dead (alors Book of the Dead) j'avais pris neuf rouleaux de 36 poses illustrant toutes les phases du tournage et la vie des réalisateurs. Malheureusement je n'avais pas de quoi faire développer les films, aussi Renaissance Pictures prit les pellicules. Les photos leur appartenaient et je devais en avoir une copie. Par malchance les rouleaux ne quittèrent jamais le coffre de voiture de Renaissance Pictures avant la fin de l'été, et la chaleur détruisit les images. Obtenir un boulot dans le cinéma devint impossible, et me voilà sur la terre de Industrial Light and Magic (la compagnie d'effets spéciaux de George Lucas qui fait les films de Star Wars et autres films cultes à effets spéciaux). J'ai travaillé dans un service artistique et comme illustrateur, pour faire les dessins d'un jeu de rôle ayant pour base les écrits de H.P. Lovecraft (L'Appel de Cthulhu). Et me revoilà à faire des dessins.
En 1985 j'ai entendu dire que le tournage de Evil Dead 2 allait commencer. Sam m'a demandé si je voulais faire les accessoires spéciaux. Non, je voulais faire les maquettes pour scènes d'animation des morts-vivants volants, et autres petits trucs, et pendant dix mois j'ai fait ça et plus. Evil Dead 2 s'ouvrit à une nouvelle vague de fans et j'ai fini par travailler sur La Mouche 2ème partie pour Chris Walas Productions. J'ai commencé à sculpter des modèles du nouveau personnage de la Mouche, avec une pleine batterie d'employés de CWI.
On m'a ensuite demandé de rester et j'ai eu la chance de sculpter avec de vrais professionnels, faire des moules et apprendre beaucoup en avant-production. Cinéma à nouveau. Je découvrais que plus grosse était la production cinématographique sur laquelle je travaillais, moins on me demandait de contribution artistique. Je suis retourné à Michigan et j'ai repris le dessin d'illustration. Pour travailler dix ans de plus pour Chaosium, Inc., à faire des dessins pour leur jeu de rôle lovecraftien L'Appel de Cthulhu.
J'ai décidé de me lancer sur le marché en éditant mes propres dessins et modèles, et au bout du compte divers autres projets créatifs. Ainsi nacquit DARKAGEPRODUCTIONS. Mon vieil ami Pat Reese, qui est un génie de l'ordinateur avec un diplôme en techniques de fabrication, et moi, nous avons commencé à travailler sur la création de copies de mon Book of the Dead. Depuis un moment les copies se vendent bien sur eBay. A présent Evil Dead est plus populaire que jamais et j'ai été invité d'honneur à plusieurs conventions de films d'horreur. Aussi Pat et moi avons-nous monté mon Musée Tom Sullivan de souvenirs du cinéma, comprenant mes accessoires, dessins et photos de mes expériences de Evil Dead. Pat est maintenant (fin 2002) un historien aimé des fans de Evil Dead. J'ai toujours eu comme ligne de conduite de garder les dessins originaux et les droits d'auteur de l'ensemble de mes dessins et peintures. Et j'ai un vaste catalogue de dessins et autres que personne n'a jamais vus. DARKAGEPRODUCTIONS publie des dizaines d'impressions de qualité "archive" (160-200 ans avant de jaunir ou s'effacer) de mes dessins lovecraftiens ou d'Evil Dead.
Traduit d'après le site de l'auteur, avec son aimable autorisation.
Cette bio a été rédigée entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2009. Dernière mise à jour le 21 septembre 2014.