Par soner du
Rubrique : Portraits de Famille
Date : 01 mars 2010
Le terme de rétroclone désigne la reproduction la plus fidèle possible d'un jeu ancien. Lorsque le matériau d'origine est largement modifié, on parle plutôt de quasi-clone selon les définitions de Daniel Proctor (voir plus bas). Nous utiliserons donc le terme générique de clone pour regrouper rétroclones et quasi-clones.
Ce mouvement des clones est également surnommé OSR (Old-School Renaissance ou Old-School Revival), mais pour certains ce terme englobe aussi certaines tendances à l'ancienne de jeux modernes, comme l'exploration de mégadonjons remplis de pièges, monstres et trésors...
Le principe du rétroclonage se base sur le fait que seuls le texte et la présentation des règles de jeu peuvent être protégés par le copyright, mais pas les règles du jeu en elles-mêmes. Selon la jurisprudence, le contenu d'un tableau peut être considéré comme un texte, c'est pour cela que les rétroclones modifient légèrement les tableaux originaux, en modifiant quelques termes ou chiffres, ou en rajoutant ou retirant quelques lignes ou colonnes.
Les premiers rétroclones (OSRIC et Swords & Wizardry) sont britanniques, et se basent sur la loi et la jurisprudence britanniques. Pour les autres pays, il y a certainement un flou juridique, voire contradiction avec le droit d'auteur français... mais aucun recours en justice n'a encore été intenté contre les rétroclones, étant donné que la plupart se conforment aux règles de l'OGL, en sus des principes énoncés précédemment, promesse d'un beau casse-tête juridique !
Selon les professions de foi des différents créateurs, l'intérêt d'un véritable rétroclone par rapport aux anciennes règles est :
La démarche des créateurs de quasi-clones est un peu différente, visant généralement à une amélioration de systèmes plus anciens, tout en cherchant à en retrouver quelques principes fondamentaux.
En ce qui concerne l'intérêt de ces systèmes anciens, le jugement est forcément subjectif, mais on peut faire ressortir en ce qui concerne D&D notamment :
Passons maintenant à un petit historique du mouvement et de sa relation à l'OGL créée pour Dungeons & Dragons 3e édition, avant de conclure sur une petite liste de clones.
Lorsque Wizards of the Coast publia Dungeons & Dragons 3e édition en 2000, ce fut sous une OGL (Open Gaming Licence) permettant à des éditeurs tiers de publier des suppléments pour ce jeu, sans avoir à payer de droits, du moment qu'ils respectaient certaines conditions. La plupart des publications de la période 2000-2003 furent des suppléments estampillés d20 System, nécessitant (théoriquement) la possession du Player's Handbook de D&D3 pour être joués. Quelques jeux complets sortirent cependant, basés sur l'OGL de Dungeons & Dragons 3e édition mais non désignés d20 System, comme Mutants and Masterminds, Engel, etc.
Note : un article fort détaillé du GROG explique les concepts du d20 System et de son OGL, et traite de leur impact sur la période 2000-2004.
Sur cette période, il n'y eut pas réellement de clones complets, mais le Project74 de Chris Gonnerman fut sans doute la première tentative affichée de réconcilier le d20 System avec les anciennes versions de D&D, constituant une prémisse des clones à venir. Il s'agissait un système complètement révisé pour les anciennes versions de D&D : uniformisation des bonus de caractéristiques, utilisation de bonus à l'attaque plutôt que du THAC0 de AD&D2 ou des tables d'attaques, système de résolution générique, multiclassage libre, etc. Le jeu n'était pas tout à fait complet, nécessitant de récupérer les sorts, monstres et objets magiques dans les anciennes versions de D&D.
En 2003, avec la sortie de D&D3.5, Wizards of the Coast modifia de manière sensible la licence du d20 System, imposant notamment un droit de regard sur les produits des éditeurs tiers. Ce fut l'une des raisons pour lesquelles plusieurs choisirent d'abandonner la licence d20 pour se rattacher à une OGL moins contraignante. C'est ainsi que certaines gammes anciennement classées d20 System devinrent des jeux OGL : Spycraft, Babylon 5, World of Warcraft, etc. De nombreuses gammes OGL originales virent le jour : Lanfeust, Loup Solitaire, Conan, etc. C'est également à partir de ce moment que fleurirent les D&D alternatifs, jeux recyclant de manière plus ou moins modifiées les règles du d20 System pour leur propre version OGL d'un système médiéval-fantastique ou générique : Arcana Unearthed puis Arcana Evolved, dK System, True20, Iron Heroes, etc.
Parmi cette foule d'alternatives, l'une d'entre elles, Castles & Crusades, se démarqua dès 2004 par la volonté de transformer la base du d20 System en un système simplifié et pratiquement compatible avec AD&D1. Le Project74 fut abandonné en 2005, l'auteur Chris Gonnerman se consacrant à un nouveau jeu qui serait une sorte de synthèse de toutes les éditions pré-D&D3 de D&D : Basic Fantasy. En 2006, naquit OSRIC, un jeu qui choisit de faire renaître une ancienne édition (AD&D1 en l'occurrence), en paraphrasant quasi-complètement ses règles, dans les limites autorisées par la loi et en tirant bénéfice de l'OGL. Initié par Matthew Finch et finalisé par Stuart Marshall, le véritable rétroclone était né.
Dans le sillage d'OSRIC, d'autres créateurs se lancèrent dans le clonage d'anciennes éditions : Labyrinth Lord de Daniel Proctor pour BD&D (boîtes rouge et bleue des années 80), Swords & Wizardry de Matthew Finch pour OD&D (boîtes blanche puis bleue des années 70). OSRIC, qui en 2006 n'était qu'un manuel des joueurs cloné, devint en 2008 un jeu réellement complet avec une imposante V2 de presque 400 pages clonant l'essentiel des trois livres de base d'AD&D1. Parallèlement à cela, d'autres D&D alternatifs à l'ancienne continuèrent de se développer, comme Castles & Crusades qui bénéficia de la collaboration d'auteurs historiques de D&D, comme Gary Gygax et Jim Ward.
Aujourd'hui, Dungeons & Dragons est pratiqué de manière extrêmement variée, et les variantes continuent de naître et de se développer. La sortie de D&D4, ne proposant plus de licence OGL, n'a pas freiné la sortie de nouvelles variantes du d20 System désormais abandonné par Wizards of the Coast : Pathfinder, FantasyCraft, Trailblazer, e20 et autres Peryton prouvent que la boîte de Pandore de l'OGL, ouverte en 2000, n'est pas prête de se refermer.
Du côté rétro, les purs rétroclones (OSRIC, Labyrinth Lord, Swords & Wizardry) se concentrent chacun sur une édition différente et ont trouvés leurs publics respectifs. Ils ne se concurrencent pas vraiment les uns les autres, et on retrouve souvent les mêmes auteurs et illustrateurs à travailler sur ces jeux. Si le supplément Advanced Edition Companion rajoute des éléments de AD&D dans Labyrinth Lord, il ne change néanmoins pas le coeur du jeu et ne crée pas une copie d'OSRIC.
Côté quasi-clones, basés sur le d20 System ou non, la concurrence semble plus rude. Castles & Crusades a gardé ses adeptes, Basic Fantasy et le récent Spellcraft & Swordplay remportent des succès essentiellement critique. Les autres clones (Redbox Fantasy, Dangers & Dweomers, Epées & Sorcellerie...) restent bien plus confidentiels. Très récemment, Goodman Games s'est lancé dans le projet d'un clone maison, Dungeon Crawl Classics RPG.
Le terme de rétroclone s'est peu-à-peu imposé pour désigner ces jeux reproduisant des jeux plus anciens. Ce terme fut créé par Daniel Proctor, qui par ailleurs a établi une classification générale des clones :
Les véritables rétroclones de Dungeons & Dragons sont les suivants :
Pour l'instant, aucune rétroclone de AD&D2 n'a encore été publié, mais il existe au moins trois projets en cours :
D'autres jeux ont également eu le droit à d'authentiques rétroclones :
En quasi-clones, on trouve :
Parmi ceux-là, on trouve aussi les différentes versions du d20 System, généralement dépouillées du système de dons et compétences :
En néo-rétros, on peut citer les deux remarquables canulars :
Espérons que cet inventaire vous aura éclairé sur le phénomène des clones, dont le but est de garder vivants des systèmes de jeux souvent indisponibles, en permettant de les réemployer librement dans le cadre de licences ouvertes, généralement de type OGL.
Le mouvement des clones est en plein essor, même si pour l'instant il reste essentiellement cantonné à la langue anglaise. Certains clones ont réussi à s'imposer durablement comme références, d'autres finiront sans doute par être abandonnés. En tout cas, ce mouvement prend de l'ampleur, et il est témoin d'un intérêt vivace pour les bases de notre loisir.
Si la nostalgie n'est qu'un des composants de ce mouvement, elle est importante. Wizards of the Coast prépare d'ailleurs pour septembre 2010 une version D&D4 de la boîte rouge, avec une présentation extérieure clonant celle de son ancêtre...
Le schéma des types de clones date de fin 2008 et est issu du blog de Daniel Proctor. Utilisé avec l'autorisation de l'auteur.
Voici quelques sites intéressants (en anglais) concernant les rétroclones :
Voilà quelques sites intéressants (en anglais) sur les anciennes éditions de D&D :
Voilà deux blogs influents (en anglais), parmi des dizaines :
Et voilà un excellent article de James Maliszewski (en anglais) sur l'histoire des rétroclones :
Nous n'avons pas traité dans cet article (même s'ils sont parfois évoqués) :