J’ai découvert le jeu de rôle au collège, par un premier contact plutôt raté avec AD&D (ça s’est arrangé ensuite grâce à Ravenloft et Al Qadim...) puis par un coup de foudre pour L’Appel de Cthulhu, Stormbringer et Paranoïa. J’ai commencé à écrire des scénarios pour mes amis, sans jamais arrêter de jouer, mais sans être non plus un rôliste très assidu. À la fin supposée de mes études (Sciences Po + Celsa), j’ai eu envie de me frotter à la sociologie en proposant une recherche ethnographique sur ces jeux à Luc Boltanski. Ce DEA (un M2 recherche aujourd’hui) a été la base de mon livre Jeux de Rôle : les Forges de la Fiction, paru en 2007 chez CNRS éditions.
L’ouvrage m’a permis de rencontrer d’autres rôlistes intéressés par ce que le GROG appelle Documentation et Études : Daniel Dugourd et Jérôme Larré, avec lesquels nous avons créé l’éphémère Pinkerton Press pour le recueil Jouer avec l'Histoire ; Coralie David qui bouclait sa formidable thèse et fomentait déjà la collection Sortir de l'Auberge chez Lapin Marteau ; les équipes organisatrices des colloques et conférences sur le jeu de rôle qui ont fleuri à Villetaneuse, Strasbourg, Lausanne ou Metz, aboutissant à la publication d’une dizaine d’articles de ma main. On trouve en ligne bon nombre de conférences liées à ce parcours universitaire, dont un mémorable dialogue avec Jean-Philippe Jaworski en 2016.
C’est le projet Adventure Party qui m’a fait passer du seul domaine des études à la création. Franck Plasse, Pierre Pinault et Frédéric Henry avaient besoin d’un texte pédagogique pour le livret de découverte de la gamme et j’ai d’abord produit ces quelques pages. Puis on a discuté scénarisation autour d’un kebab, et j’ai fini par signer une boîte entière, Cap sur les Caraïbes, et son extension Sur la Piste d'El Dorado, avec mon fils Arthur. Loin de chercher à vivre du jeu de rôle – je suis enseignant-chercheur et cela remplit entièrement ma vie de passion, de rencontres et de paquets de copies – je réponds avec plaisir aux équipes qui viennent me chercher sur des projets de toutes sortes. Avec les 12 Singes, j’ai signé des one-shots dans la gamme D6 System et créé une faction pour Abstract Donjon Steampunk. Avec Monolith Édition, j’ai d’abord créé des scénarios pour le jeu de plateau Batman, avant de m’embarquer dans l’équipe du jeu de rôle Batman Gotham City Chronicles. Avec Nicolas Texier et Mahyar Shakeri, nous avons produit le Livre d'Aventures de cette gamme, en dialogue avec les équipes de Warner Bros et DC Comics.
Et puis, même si « C’est pas du jeu de rôle », c’est sur le GROG qu’il faut en parler. D’abord, j’ai co-créé avec Guillaume Albin la BD Donjon Service, qui paraît dans Casus Belli depuis le n° 19. Des salariés elfes, nains, squelettes, qui préparent les aventures des PJ et qui nettoient derrière eux les débris d’épée incassable et la tripe de monstre. Strip après strip, on chronique la vie du milieu rôliste sans se prendre au sérieux, avec des clins d’œil à la déferlante Fortnite, à la pénurie de papier, à l’arrivée des IA génératives, etc. Ensuite, j’ai prototypé avec Iron Castle et l’appui technique des Éditions Volumique des romans interactifs audio avec reconnaissance vocale. C’est passé relativement inaperçu, mais c’est peut-être ce dont je suis le plus fier, parce qu’il s’est agi, à partir d’une idée de Frédéric Henry et de Marc Nunes, de créer un format de fiction entièrement nouveau.
Mes jeux préférés ? En nombre d’heures et en poids sur l’étagère, L’Appel de Cthulhu, avec un bonheur sans cesse renouvelé par la richesse des gammes. En plaisir de jeu et d’écriture, Batman et Château Falkenstein. Ensuite viennent Maléfices, Deadlands, James Bond 007, Fiasco, World War Korea, Hellywood, COPS, Vampire, Bloodlust, Ravenloft, Yggdrasill et une foule d’autres que j’oublie. Le jeu de rôle fonctionne comme une pratique « carrefour » dans laquelle toutes mes autres passions peuvent se croiser, à commencer par le cinéma, le roman, la série TV et la bande dessinée, mais aussi les voyages, l’histoire et la géopolitique. En jeu de rôle, on peut passer sans transition d’une intrigue shakespearienne à une référence aux Sopranos ou à Brooklyn 99, tout en ayant une vraie énigme à résoudre et des gens formidables autour de la table. Ça n’arrive nulle part ailleurs.
Actuellement (mars 2024), je travaille sur deux jeux de rôle situés dans Paris, l’un dans un passé récent, l’autre dans un futur proche. Je commence donc à devenir bizarrement érudit sur les anciennes carrières et les puits artésiens de la capitale, sur les sous-sols du Palais de l’Élysée, sur les artistes de Montmartre et de Montparnasse, sur les groupes colombophiles et l’apiculture urbaine, sur la longueur des péniches et sur les dégâts des crues centennales. Bref, sur des trucs de rôliste.
Cette bio a été rédigée le 10 mai 2009. Dernière mise à jour le 10 mars 2024.