Biographie

Je suis venu au monde dans l'aride cité d'Ankara, en Turquie. Ma relation avec le dessin remonte à ma petite enfance. C'était le temps où il n'y avait qu'une seule chaîne de télévision en Turquie, aussi il n'y avait pas une grande variété de dessins animés à regarder pour un enfant. Cependant, ceux que je pouvais regarder se distinguaient vraiment et étaient des produits de qualité comme Clémentine et Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson. Au souvenir de ces dessins animés, on ne peut s'empêcher de se sentir triste pour les enfants d'aujourd'hui. Bien qu'il y ait une grande variété de dessins animés à regarder, seule une poignée est de bonne qualité, et particulièrement riche.

Quoi qu'il en soit, ce manque de dessins animés amena à la découverte des bandes dessinées grâce au premier magazine pour enfants que mes parents m'achetèrent. Comme il n'y avait pas beaucoup de programmes télé dont l'audience était les enfants, j'ai beaucoup aimé lire ces bandes dessinées dans des magazines comme Spirou et Fantasio, Les Aventures de Tintin, Astérix et Lucky Luke. Puis, un jour, alors que j'attendais mon tour chez le coiffeur, mon père m'acheta une bande dessinée à une boutique d'à côté pour que je ne m'ennuie pas. Cette bande dessinée était l'album Savage Sword of Conan, dont la couverture me sidéra, mais la phase de stupéfaction ne faisait que commencer car dès que j'ai commencé à lire l'album, j'ai su que c'était bien différent de tout ce que j'avais lu auparavant.

Ne vous méprenez pas, j'adore les vieux trucs belges aussi, mais voir Conan découper des gens comme un fou affecte naturellement un enfant de 7 ans de manière différente. Après ça, je demandais toujours des Conan à mon père, j'ai même essayé d'autres produits Marvel et j'ai commencé à acheter d'autres BD de super-héros comme le Surfer d'Argent, l'Araignée ou Hulk, mais bien sûr ils ne pouvaient me donner le même plaisir que les livres de Conan. Avec l'âge arriva la recherche du réalisme, et donc je suis entré dans la phase des BD italiennes qui commença par Mr No et continua avec d'autres délicieuses BD comme Martin Mystère, Tex et Ken Parker. Le goût des BD européennes grandissant, j'ai commencé à suivre les oeuvres de gens comme Enki Bilal et Milo Manara. Je suis toujours en harmonieuse relation avec les bandes dessinées, et je ne peux pas même commencer à décrire les bénéfices qu'elles m'ont apportés.

Etant aussi intéressé par les bandes dessinées, ça n'est que naturel qu'un enfant ait un penchant pour le dessin, qu'il ait des dispositions ou pas.

Tous les enfants qui sont dans la BD sont d'une manière ou l'autre impliqués dans le dessin. J'étais l'un de ces enfants :) Nous avons encore des crises de rire à regarder mes dessins de jeunesse. Ces jours me manquent vraiment où je pouvais me voûter au-dessus de mon papier avec ma grosse tête d'enfant et mon monde de fantasy sans limite et ne faire que dessiner sans retenue sans jamais me soucier des règles de base comme la composition, les valeurs, les formes, les ombres, les lumières et la pose. Maintenant quand je dessine, mon cerveau commence inconsciemment à calculer, je pense que la joie de dessiner sans retenue s'achève avec l'enfance.

En tout cas, c'était le genre d'enfant que j'étais, qui dessinait toujours chaque fois qu'il s'ennuyait, et en grandissant j'ai acquis une capacité à dessiner qui venait de toute cette pratique. A ce stade j'essayais d'imiter les dessins d'artistes comme John Buscema et Frank Frazetta, et c'est alors que j'ai réalisé que quelque chose s'améliorait en moi parce que j'apprenais de nouvelles choses avec chaque dessin que je copiais. Au lycée ce loisir continua, si ce n'était avec la même intensité ; avec le début de la sécrétion de testostérone, ce fut une époque où je réalisai qu'il existait des choses plus importantes dans la vie que le dessin :)

Egalement à cette époque, les éditeurs de bandes dessinées en Turquie commencèrent à fermer à cause de la crise économique. Aussi l'idée de faire cela professionnellement ne me traversa jamais l'esprit car il n'y avait pas de domaine capable de fournir de l'argent à des dessinateurs. A ce stade, comme cela devenait une profession très populaire à l'époque, la publicité et le graphisme attirèrent mon attention, et à l'âge de 18 ans, je décidai de faire des études dans ce domaine.

Je fis quelques tests de capacité et je m'intéressai à quelques écoles, parmi lesquelles je choisis l'université Gazi, section graphisme. Ce fut sans doute le plus mauvais choix que j'aie jamais fait. Bien sûr, je ne vais pas m'en plaindre ici, mais en bref : je commençai les études avec beaucoup d'enthousiasme et je les finis en les détestant. Non seulement cela ne m'apprit rien sur le boulot, mais cela m'en prit beaucoup...

Je continuais quand même à dessiner à l'occasion, j'essayai la caricature un moment, puis je découvris Giger et il eut alors une grande influence sur moi. Mais les études me dégoûtaient toujours... Cependant, en pensant "que l'école soit horrible ne veut pas dire que le boulot soit aussi dégueulasse", je commençai mes stages dans des agences de publicité. Je travaillai comme graphiste pendant une paire d'années, et j'eus 22 ans et l'école était finie, quand je réalisai que ce n'était pas la profession que je souhaitais. A cette époque de ma vie, je m'occupais avec des boulots absolument absurdes, et je ne touchai même pas à un crayon pendant cette période.

Puis, avec les personnages Marvel qui visitaient les cinémas à la fin des années 90, la publication de JdR et de romans de fantasy avec la série du Seigneur des Anneaux, l'industrie de la bande dessinée commença à relever la tête en Turquie (bien sûr je ne parle pas d'une production locale).

Aussi, j'ai commencé à acheter de nouveau des bandes dessinées. Comme toutes les BD que j'achetais enfant étaient en noir et blanc, les pages en couleurs étaient une expérience entièrement nouvelle pour moi. J'étais particulièrement intéressé par le coloriage des livres Marvel et DC et j'entendis que certains d'entre eux étaient faits numériquement, mais je ne comprenais pas comment cela pouvait se faire.

De toute manière, un jour que je cherchais sur la toile avec des soucis en tête concernant mon avenir, je suis tombé sur le site internet GfxArtist. En voyant la précision et la qualité des dessins sur le site, j'ai ressenti la même chose que lorsque j'avais 7 ans en voyant ma première couverture de l'album de conan.

A ce moment, tous mes soucis et questionnements furent partis. Je savais à présent ce que je voulais faire pour le reste de ma vie. Ce fut ma prise de conscience. Avec les effets du Seigneur des Anneaux je me suis aussi intéressé aux romans de fantasy, je me suis mis à lire les livres de Dragonlance, des Royaumes Oubliés, en particulier la série de l'Elfe Noir de Salvatore.

En tout cas, dans les parties de description sous le dessin sur internet, je vis un outil  qui s'appelait "tablette graphique", et je fis un peu de recherche à ce sujet. Bien sûr je n'avais pas l'argent pour en acheter une, et le chemin fut long avant de seulement penser à acheter de tels outils. Il a fallu que je réapprenne complètement à dessiner. Aussi, je me fis un calendrier et un programme d'études et je dessinai pendant un an, quittant rarement la maison.

Cependant, je n'avais pas dessiné pendant des années et je manquais sérieusement de pratique. Pour dépasser cela, je pratiquai en non-stop et puis je fis mes premiers essais de coloriage, qui se finirent par de véritables cauchemars. Comme je n'avais pas de tablette, je devais travailler avec la souris, et bien que ce fut assez fatigant, j'appris beaucoup en travaillant avec. Je connaissais Photoshop suite à mes années de graphiste, mais dessiner était une toute autre utilisation du logiciel, aussi mes premiers essais étaient-ils abominables. Cependant, je savais que je m'améliorerais si je pratiquais plus, comme dans mon enfance, aussi je continuai à essayer. Avec l'argent que j'ai gagné de mon premier boulot en freelance, j'ai acheté un Intuos 2, et depuis j'ai travaillé professionnellement pendant trois ans. Je pense que laisser le graphisme de côté fut le meilleur choix que j'aie jamais fait. Mon seul regret est d'avoir pris la décision un peu trop tard. Parfois, je me sens vraiment furieux des années que j'ai gaspillées, mais je sais que d'être jeune signifie naturellement faire de mauvais choix. L'important c'est d'apprendre de ses erreurs et de ne pas les refaire. Maintant, je fais le boulot que j'aime et je pense que c'est la clé du bonheur et de la paix intérieure.

Traduit (octobre 2009) d'après le site de l'auteur, avec son aimable autorisation.

Pour en savoir plus :
- http://kerembeyit.deviantart.com/
- http://www.2dartistmag.com/artists/issue004_apr06/kerem_beyit_785478.pdf
- http://www.imaginefx.com/02287754331334207221/kerem-beyit.html
- http://www.cgchannel.com/news/viewfeature.jsp?newsid=4690
- http://www.3dtotal.com//team/interviews/Kerem_Beyit/kerem_beyit_01.php