Livre de 316 pages au format 16 x 24 cm.
L'ouvrage commence par un titre intérieur, les crédits et mentions légales et la table des matières. Après quoi Les bases (13 pages) puis Les actions (8 pages) décrivent les bases du jeu, introduisentt les archétypes de personnage, les règles et le but du jeu.
Les livrets de personnage (76 pages) donnent ensuite le détail de chacun des archétypes possibles :
Chacun est décrit de la même manière : une introduction de quelques lignes d'ambiance, le choix du nom du personnage dans une liste, l'apparence du personnage, le choix des attributs, les manoeuvres (moves), l'équipement, la détermination du Hx initial (attribut de chaque personnage) lors de la création du groupe, le mouvement spécial qui s'applique quand le personnage a des relations sexuelles, les améliorations du personnage et les règles de troc. Le chapitre se termine par la liste des manoeuvres de base accessibles à tous les types de personnage.
Création de personnages (12 pages) explique au meneur de jeu ou Maître des Cérémonies (MC) comment gérer la séance de création de personnage : description des archétypes aux joueurs, explications sur les attributs, rôle du MC et des joueurs, introduction des personnages, détermination de la Hx de départ entre les personnages et, enfin, comment sélectionner un attribut d'un autre personnage afin que celui-ci marque de l'expérience quand il l'utilise.
Après quoi Le maître de cérémonies (16 pages) explique le rôle du MC en détaillant les principes du jeu, les manoeuvres (moves) du MC, la préparation nécessaire et quelques conseils finaux. Puis La première partie (12 pages) détaille au MC ce qu'il doit faire avant, pendant et après la première session de jeu pour lancer une campagne d'Apocalypse World. Les Fronts (16 pages) décrit ensuite la création des "fronts", les menaces qui pèsent sur le groupe de personnages. Les fronts sont à la fois des groupes de personnages non joueurs, des monstres, des éléments de décor, des idées non développées.
Actions en chaîne (9 pages) montre un exemple de séance avec un échange de moves entre des personnages et le MC. Chaque action est détaillée dans les règles et avec l'ambiance du jeu. Vient alors Dégâts et soins (19 pages), qui décrit les dégâts, leurs conséquences sur les personnages joueurs, les personnages non-joueurs ou les véhicules, et les moyens de les soigner / réparer.
Améliorations (12 pages) gère l'expérience des personnages : comment elle s'attribue et ce qu'on peut en faire. Après 5 avancements d'expérience, des options supplémentaire apparaissent pour utiliser l'expérience : changer de personnage, jouer deux personnages, changer d'archétype, améliorer les manoeuvres de base.
Les actions de base (26 pages) décrit en détail chacune des manoeuvres de base. Ce sont les manoeuvres les plus utilisées en jeu et elles sont chacune présentées avec de bons et mauvais exemples, à la fois en terme de règle et d'ambiance. Puis, les actions des personnages (22 pages) précise les manoeuvres des archétypes qui en ont besoin. Ce sont encore une fois des exemples appliqués à des situations de jeu.
Le matos (34 pages) gère le matériel des personnages et le troc. Il n'y a pas vraiment de monnaie à Apocalypse World, la valeur d'un objet ou d'un service est notée 1-troc (ou 2-troc, 3-troc, etc.). Ce chapitre donne des valeurs en troc à certains services / matériels et liste les adjectifs descriptifs (descriptive tags) de certains objets, notamment les armures et les armes. Ce chapitre contient aussi les règles pour les gangs, les véhicules, les enclaves, les sectes et les ateliers.
Perversités techniques (18 pages) contient des règles avancées sur la création de manoeuvres spécialisées. Ces manoeuvres doivent être liées à l'univers en cours et peuvent aussi être utilisées pour gérer des absences de personnages ou l'introduction de nouveaux joueurs.
Ludographie (8 pages) indique les sources du jeu, cite les personnes qui ont participé à sa création, qui ont testé le jeu. Il indique ausi les jeux, les films, les romans, les BD qui ont influencé le jeu. L'ouvrage se termine sur une série d'Index (8 pages), dont les manoeuvres pour chaque type de personnage et les termes du jeu, puis 4 pages d'illustrations ou vierges.
Cette fiche a été rédigée le 17 septembre 2012. Dernière mise à jour le 29 octobre 2012.
J’ai pris un pied monumental à le lire… et encore plus à le faire jouer !
J’avais acheté la version anglaise en PDF mais j’avais très vite décroché, mon niveau dans la langue de Shakespeare ne me permettant pas de suivre l’espèce de « slang » utilisé par l’auteur. Et voilà que la version française débarque chez mon marchand favori.
Les traducteurs s’excusent, à la fin de l’ouvrage, pour les libertés prises avec le texte dans le but de coller au style de D. Vincent Backer… Et bien je dois dire que les petits gars de la Boîte à Heuhh ont fait un super boulot. Dès les premières pages, tu sens bien que la fin du monde ne fait pas de cadeau !
J’ai été intrigué, et très intéressé, par le système qui propose un archétype, et un seul, dans tout l’univers du jeu. Quoi de mieux pour rendre un personnage unique que d’interdire aux autres d’avoir le même archétype ?
Au début, j’ai cru que mes joueurs seraient un peu rebutés par la création de personnage très dirigée (et dirigiste)… mais merde, on joue des stéréotypes de personnages de fin du monde, alors pourquoi se péter la tête ? Un biker, ça a un blouson, des bottes et une moto… Un ange-gardien, ça soigne les gens… Une beauté fatale, ça séduit et ça tue ! Et bien mes joueurs ont accroché et moi aussi ! Les personnes qui sont sorti de la création ont de pures produits de fin du monde, mais ils ont un passé, des motivations et des inimités… et c’est ça qui les rend uniques.
Question « scénario d’introduction », j’ai tout bien fait comme le livre y dit : j’ai rien écris ! Et croyez-moi, ça a super bien marché ! Avant même de commencer, le Biker et le prophète (Poussière… ça ne s’invente pas !) s’était déjà pris de bec ! Absinthe, la Beauté Fatale adepte du prophète, avait le second du Biker (un PNJ) comme ennemis et la Doc se faisait livrer le matos par ledit biker ! A quoi bon écrire des scénarios, les joueurs font tout tout seul !
J’avais aussi peur que les listes d’actions qui permettent de jeter les dés ne brident l’imagination de mes joueurs… Tu parles, ça les a galvanisés ! Et que j’ « agresse quelqu’un » par ci… et que je « fais le point » par là… C’est simple, les listes d’actions sont de véritables catalyseurs : pour gagner des XP, il faut lancer les dés…et pour lancer les dés, il faut qu’il se passe quelque chose… Du coup, il se passe souvent quelque chose !
Le système se prend en main en deux heures de parties, le temps de comprendre toutes les subtilités et les joueurs comprennent vite que « rien n’est stable à la fin du monde » ! En tant que MC, j’ai pris énormément de plaisir à jouer pour voir « ce qui va se passer » plutôt que « ce que vont faire mes PJ dans cette situation » et croyez-moi, la nuance est là !
Les parties suivantes incluront les principes de « fronts » et de « pénuries » et à la lecture, ça a l’air encore plus jouissif que la première partie ! A confirmer !
Critique écrite en décembre 2012.
Apocalypse World.
Ma critique sur la forme. La couverture accroche les yeux. Qu'on l'aime ou pas, elle est là, elle intrigue, pose question, et qu'on intègre ou pas ce genre d'imagerie dans une partie, on a quand même quelque chose qui nous parle je trouve.
A l'intérieur, les illustrations en noir et blanc sont sympathiques, là encore "particulières", mais sympathiques. Je n'adhère pas à 100%, mais ça fait tellement partie du jeu qu'au final ça ne gêne pas, même si finalement, ça ne m'évoque que rarement des trucs...
Le texte en lui-même... Là, j'ai pris ma claque! Enfin un jeu de rôle qui donne des règles pour les joueurs ET le MJ. Certes les règles doivent s'appliquer pour tous, nianianianiania. Mais là, pas vraiment le choix. Les actions que font les joueurs sont notées sur les livrets tant pour les réussites que les échecs. Le MJ a ses actions, mais surtout, il a ses directives. C'est juste génial cette idée !
Moi on me dit "cherche une cible", "soit « fan des personnages de tes joueurs », etc... ça me parle. Pire, ça participe tellement à ce que le jeu vive de lui-même, que les parties soient endiablées qu'on ne peut pas reprendre des concepts dans d'autres jeux.
Les règles sont sans doute ce qui fait littéralement la force de ce jeu.
Ne pas les appliquer, c'est ne pas jouer à Apocalypse World. Et ça, c'est amusant. ça c'est un détail qui n'est pas qu'un détail justement. C'est une idée vraiment intéressante à trouver en jdr.
Les livrets des personnages sont d'eux-mêmes des invitations à se poser à table et à jouer.
Les directives du MJ, ses règles, donnent envie, mais restent impressionnantes je trouve pour qui n'a pas encore eu l'audace de se jeter à l'eau ou de trouver un pote pour le faire.
Les exemples sont pertinents, et l'exemple de partie est très utile aussi.
Bref, au final, on a un jeu à ne pas manquer. Un jeu qui a fait des émules et qui est une révélation pour les MJ plus habitués à des jeux "classiques".
Une de mes plus grosses claques depuis que j'ai commencé le JdR !
Critique écrite en mars 2013.
Il en est de ces petits jeux comme des palmes d'Or à Cannes ... des objets plutôt abstrus qui prétendent révolutionner la discipline en revisitant un des concepts sur lequel est basé la discipline. Et qui sont souvent plus ennuyeux qu'un dimanche de pluie ... Au final ils ne trouvent qu'un public limité de Fans tandis que la masse des joueurs restent fidèle aux blockbusters ...
Ils ont néanmoins le mérite de nous faire réfléchir sur tel ou tel point de règles que l'on tient pour acquis et immuable, on y réfléchit, on les remets en question et au final à se rendre compte que si les choses sont ainsi depuis le début du jeu de rôle c'est qu'il y a une bonne raison.
Apocalypse World ne déroge pas à la règle ...
En positif
En négatif
En conclusion ... c'est toujours intéressant à lire pour remettre en question des petites choses (ou conforter des certitudes), comme un ouvrage de Robin D. Laws ... de là à le faire jouer il y a un gouffre ! que je ne franchirais pas.
Critique écrite en mai 2013.
Il est difficile de faire une critique de Apocalypse World, car en fait il faut en faire deux.
Tout d'abord, le système développé par le jeu (système Apocalypse) est une vraie révolution. C'est un système basé sur les actions qui différencie bien les personnages et donne un véritable souffle au jeu. Il permet aux joueurs de prendre en main leur personnage en très peu de temps et évite toute technique superflue ; il réussit aussi là où de nombreux JdR échouent : mettre le personnage au coeur de l'action en donnant la part belle à l'improvisation et à l'autonomie des joueurs sur leurs personnages. Il n'est donc pas vraiment étonnant que ce système soit l'un des plus en vogues dans la création originale de JdR en ce moment et qu'on voie des hacks apparaitre un peu partout : Dungeon World, Monsterheart, Tremulus... Et à mon avis ce n'est pas fini.
Après il y a le JdR proprement dit... Là c'est une autre paire de manches. Tout d'abord, pour un système si simple, l'auteur est très confus dans ses explications. Il m'a fallu relire à trois fois le livre pour comprendre les concepts les plus simples ; et à vrai dire je n'ai mis le doigt dessus qu'après avoir lu Dungeon World... Sans doute la faute au style d'écriture, malheureusement fidèlement traduit, qui voudrait nous plonger dans une ambiance mais ne réussit qu'à rendre la plupart des concepts confus. Et puis il y a un parti-pris de l'auteur, une sorte de snobisme rôlistique qui voudrait que le hobby colle à ses propres idées sur la question. Par exemple pourquoi ne pas préparer de scénario ? La question est surtout comment écrire un scénario ouvert ! D'ailleurs Dungeon World et Tremulus s'en sortent très bien sur ce dernier point. Pourquoi avoir donné un aspect aussi central aux relations sexuelles ? Il est bien évident qu'on peut s'en passer (ou simplement les suggérer), même dans le post-apo !
En bref, je mettrais 5 étoiles pour le système de jeu, et je ne me suis d'ailleurs pas privé pour Dungeon World (qui marque l'aboutissement de l'explication du système). Mais je mettrai 2 étoiles pour le jeu en lui-même. Je finis donc sur 3 étoiles pour avoir été le précurseur du système de jeu. Mais si vous êtes vraiment intéressés par le système apocalypse, je vous conseille plutôt d'aller lorgner sur les autres jeux l'utilisant.
Critique écrite en juin 2013.
Commençons par les défauts
Enfin, le défaut, comme ça on s'en sera débarrassé. Alors c'est simple : le bouquin est confus. Il faut le lire, le relire, le rerelire pour appréhender les informations, comprendre où ça veut en venir. Les informations sont bizarrement organisées, l'auteur part dans tous les sens et a fait le choix (habituel chez lui pour ceux qui ont lu d'autres de ses productions) d'arborer un ton qui corresponde à l'ambiance du jeu, ici très argotique et direct, presque violent. En plus, le tout est plutôt moche ce qui n'aide pas vraiment.
Mais ça vaut le coup
Apocalypse World est un contrat : on y adhère ou non. Soit on accepte de rentrer dans le trip, la phase douloureuse de lecture n'étant que la première étape, soit on se borne à le lire comme un JDR standard et on passe totalement à côté. Les critiques précédentes illustrant parfaitement ces deux possibilités : amateur de dirigisme aigü, de scénarios déjà figés de A à Z et de systèmes simulationnistes avec évolution linéaire des personnages, passe ton chemin.
Le fond d'AW est simple : amener joueurs et MJ (ici renommé MC, C pour "cérémonie") à jouer d'une façon bien précise, qui s'éloigne en plusieurs points de la façon habituelle d'appréhender le JDR. À ce titre, AW est avant tout un système et une philosophie de jeu faisant la part belle à l'aventure des PJs dans un univers en constante mutation.
Et pour cela une idée brillante : l'action (move en VO, un peu au sens de coup aux échecs). Pas de compétences, pas de tour par tour, les joueurs décrivent librement ce qu'ils font jusqu'à ce qu'ils tombent dans un cas décrit par les règles, une de ces fameuses actions, et jette les dés pour savoir la suite. Le MC de son côté ne jette jamais de dés, mais possède également plusieurs listes d'actions qui le cadrent dans ce qu'il peut faire et qu'il ne peut utiliser qu'à des moments précis (lorsque les joueurs le regardent en attendant qu'il dise un truc, lorsqu'une occasion parfaite se présente, ou lorsqu'un PJ rate un jet de dé).
Le résultat mécanique de ce système, c'est que l'histoire se déroule d'elle même. Lorsqu'un joueur réussit son action, alors l'histoire progresse dans son sens. Les actions ayant été judicieusement choisies pour cela : par exemple il n'y a pas de classique jet d'attaque pour infliger des dégâts, mais il existe une action "prendre par la force" qui permet non seulement d'infliger des dégâts, mais d'obtenir quelque chose par la violence. Et presque sans le vouloir, on se retrouve fatalement dans un monde où les gens utilisent fréquemment la violence pour obtenir ce qu'ils veulent. Plus qu'être un outil passif au service de l'intrigue, le système de jeu induit l'intrigue.
Même chose du côté du MC, qui dispose de listes d'actions dépendant des menaces qu'il met en jeu : un chef de guerre ne se manifeste pas de la même façon dans l'intrigue qu'une secte. D'ailleurs ne croyez pas ceux qui hurlent au scandale de ne pas pouvoir préparer son scénario dans AW : il y a bel et bien des préparations à faire pour le MC, sauf qu'elle se fait sous la forme de menaces, regroupées ou individuelles, qui vont se confronter aux PJs jusqu'à accomplir un certain destin néfaste si elles ne sont arrêtées.
À l'opposé de toute idée de JDR linéaire, la partie devient une sorte de jeu d'échecs narratif dans lequel les pièces sont les PJs et les menaces, dont les mouvements possibles sont déterminés par respectivement leur archétype et leur nature.
Et c'est un vrai plaisir. Pour le joueur, l'histoire est braquée sur lui, il en est le maître et le protagoniste. Pour le MC un poil adepte d'improvisastion, qui se fait un malin plaisir à voir son monde évoluer de lui même, tout naturellement, sans qu'il sache déjà à l'avance comment l'histoire terminera. On redécouvre le plaisir de raconter une histoire ensemble, de la faire évoluer et rebondir. Et non, les péripéties et retournement de situation ne sont pas exclues de la partie, bien au contraire.
Et l'univers dans tout ça ?
Comme dit plus haut, AW est avant tout un système et une philosophie de jeu, pas un univers. L'auteur nous donne uniquement un thème : le post apocalyptique, qui s'avère tout à fait idéal pour ce qui est de décrire un cadre ouvert dans lequel des personnages vont évoluer librement, parce que la survie dans un tel univers constitue facilement une histoire à part entière. Le reste est entièrement à choisir par le MC et/ou les joueurs.
Mais ce thème post apocalyptique transpire dans tout le bouquin : le ton d'écriture, les archétypes, les actions des joueurs, les actions du MC sont post apocalyptiques. On aurait tort de penser que parce que l'univers n'est pas clairement décrit, on est face à un système générique : ce n'est pas le cas.
J'avais tout de même une peur au début : se retrouver avec quelque chose de trop cliché, vu mille fois. En vérité, tout dépendra de votre (joueurs et MC) capacité à regarder hors du cadre : l'Ange Gardien peut être au chose qu'un simple médic, le Biker autre chose qu'un gangsters aux bottes cloutées, et il y a mille façons de "prendre par la force" quelque chose. Et bien sur, l'Apocalypse est tout aussi ouverte.
Critique écrite en décembre 2013.
Disons le de suite, la présentation d’Apocalypse World n’est pas des plus engageantes. Le style graphique et la police de caractères choisis sont tout à fait dans l’ambiance “apocalypse”, mais visuellement ce n’est pas très vendeur ! En plus, le plan de l’ouvrage n’est pas très didactique.
Et pourtant Apocalypse World est un véritable petit bijou. Je n’hésiterai pas à qualifier ce jeu de rôle de révolutionnaire. Il existe pléthore de systèmes de JdR, plus ou moins complexes, mais Apocalypse World réinvente la philosophie du JdR.
L’important n’est pas le décor, le thème du jeu, mais la façon de faire jouer. D’ailleurs l’approche Apocalypse World a été déclinée pour une foule d’univers (jeux pro ou hacks de passionnés) .
Bien sur, tous les MJ utilisent à divers degrés certains des éléments de la philosophie Apocalypse World (mettre en valeur les PJ, improviser, incorporer dans l’histoire des éléments inventés par les joueurs, …). Mais pour moi, Apocalypse World est le premier ouvrage à analyser en profondeur tout le processus ludique du JdR, à en tirer la substantifique moelle, et à codifier un process tourné non plus vers la simulation mais vers une optimisation du plaisir de jouer.
Je ne vais pas redécrire ce qu’est Apocalypse World, tout est déjà dit dans la fiche de gamme, mais faire quelques remarques issues de mes premières expériences avec ce jeu.
- Le coté mal organisé du livre ne m’a pas gêné. Il ne faut pas aborder la lecture comme un pavé bien structuré à lire de A à Z dans un ordre de progression logique, c’est un ouvrage dans lequel on picore selon les besoins. Si l’on commence par les archétypes c’est qu’au final, une fois le concept compris, l’essentiel des règles se trouve sur la fiche des PJ. Mais quelques pages d’introduction explicitant le concept auraient été bienvenues (pour ceux qui ouvrent ce livre sans avoir lu la fiche du GROG).
- Etre maître de jeu à Apocalypse World c’est réapprendre complètement à masteriser. C’est un choc pour un maître de jeu expérimenté dont les automatismes sont gravés dans l’inconscient. Mais ça vaut le coup, j’y ai trouvé une liberté d’esprit totale, me permettant d’être immergé dans l’imaginaire de l’aventure autant qu’un joueur (alors que d’habitude j’ai l’esprit trop occupé à réfléchir au bon déroulement du scénario, aux règles, à mon interprétation pré-scriptée des PNJ clés, à lancer les dés, ...).
- Pour les joueurs vétérans il faudra plusieurs parties pour abandonner les vieux réflexes et “se lâcher” pour profiter pleinement de la liberté de jouer qu’offre Apocalypse World.
- Si je devais décrire la sensation de jeu procurée par l’approche Apocalypse World, je dirais que pour la première fois mes joueurs ont eu totalement l’impression d’être les personnages d’un film, de ne jamais être bridés parce-qu’il faut rentrer dans le carcan de règles plus ou moins simulationnistes.
- Un autre point qu’il faut souligner c’est qu’Apocalypse World s’inscrit parfaitement dans la mode des jeux qui demandent très peu de préparation au MJ. Une bonne partie de la population rôliste est à un age où les impératifs de la vie familiale et/ou professionnelle laissent peu de temps à la préparation des aventures. Avec ApoW, l’univers de jeu et histoire de l’aventure s’écrivent en jouant, essentiellement par l’apport des joueurs. Quasiment zéro préparation pour le MJ (une fois assimilé la philosophie d’ApoW et les quelques techniques simples pour provoquer la contribution des joueurs).
Bref, malgré le mal que mes joueurs et moi avons eu à nous affranchir de nos réflexes de JdR classique, je suis très très enthousiaste au sujet d’Apocalypse World. Si je ne mets qu’une note de 4 c’est que la didactique de l’ouvrage aurait pu être meilleure, et qu’il manque quelques conseils précieux qu’il m’a fallu dénicher sur les forums dédiés.
Critique écrite en mai 2014.
C'est fort difficile de mettre une note à Apocalypse World.
A la première lecture, j'ai failli le jeter à la poubelle. A la deuxième, je me suis dit qu'il y avait un truc. A la troisième (et après une première partie de test) je l'ai trouvé génial.
Le livre est extrêmement confus dans sa présentation. Le jeu, très novateur, manque cruellement d'une "note d'intention". Les mêmes choses sont expliquées plusieurs fois, sous des angles différents, ce qui rend la compréhension du tout ardue et le livre bien difficile à manipuler en jeu. L'auteur utilise un style très particulier (à base de tutoiement et d'argot) qui ne plaira pas à tout le monde (personnellement, je trouve ça insupportable).
Pourtant, ce livre porte une façon de jouer totalement novatrice et le système de jeu est une vraie pépite d'or. Les feuilles de personnages (les "classes") sont incroyablement réussies et ça tourne du feu de Dieu en partie. C'est vraiment un jeu que tout rôliste devrait essayer ne serait-ce que pour sa culture.
Alors disons 5 pour le fond, et 1 pour l'écriture du bouquin. Ca nous donne un 3 ... Mais soyons clair, c'est vraiment un chef d'oeuvre... difficile à s'approprier.
Critique écrite en octobre 2015.
Ce jeu est étrange à bien des égards. Il est intimidant, l'écriture est tortueuse, les consignes sont nombreuses et, pour jouer by the book, on a l'impression de devoir maîtriser un grand nombre de choses, qu'il vaut mieux avoir relu le livre un paquet de fois. La tentation est grande d'aller chercher de l'aide ici et là, sur Internet, mais c'est finalement une assez mauvaise idée. Le mieux est encore de jouer tel que c'est écrit, en commençant par suivre les indications pour la première séance parce que, finalement, cela se passe plutôt bien.
En réalité, le jeu est loin d'être complexe, mais l'écriture est bien trop fouillis à mon goût et n'aide pas. Chapeau bas au traducteur, au passage. Le concept d'action est vraiment très bien car il indique, aussi bien aux joueurs expérimentés qu'aux néophytes, quand utiliser les règles. C'est finalement comme un jeu de société : faites ce qui est écrit et tout se passera bien. Pas besoin d'être un gourou, d'avoir des années d'expérience, d'avoir des astuces dans sa manche. Chacun a entre les mains les cartes nécessaires pour appliquer les règles, le meneur n'a pas à être le gardien des règles et est astreint, tout comme les autres joueurs, à les respecter. Ce jeu est une belle éloge du play by the book, très loin de l'hideuse « règle d'or », mainte fois rencontrée dans d'autres jeux, qui voulait que le meneur oublie des règles qui ne lui plaisent pas ou les modifie à sa sauce.
Le jeu n'est pas exempt de défauts. Certaines actions communes prêtent à confusion et sont d'éternels sujets de discussion, malgré les exemples donnés dans le livre. Du coup je trouve plus intéressant de se tourner vers les hacks, les jeux qui reprennent le principe mais en l'améliorant, en attendant que l'auteur fasse une seconde version qui, espérons-le, corrigera les défauts de jeunesse de celle-ci. Mais le jeu reste un monument, qui donne une claque bienvenue et recentre le jeu de rôle, le redéfinit aussi et montre à quel point il est malléable.
Attention, l'univers qui se construit en jouant à Apocalypse World est empreint de sexe — et aussi de violence, mais pas plus que la plupart des autres jeux —, il vaut mieux que toute la tablée soit à l'aise avec cela.
Critique écrite en novembre 2015.
Apocalypse World (AW) est probablement l'un des jeux les plus aboutis qu'il m'ait été donné de lire, puis de jouer. Rien que ça. Le livre transpire le post-apo, l'immersion recherchée dans le jeu est présente dès la lecture. Par exemple, la présentation des différents livrets (l'équivalent des classes que l'on trouve dans d'autres jeux) est faite comme si on était déjà dans le jeu, et non pas d'un point de vue extérieur. Rien que la typo choisie, on se croirait sur une ancienne machine à écrire, l'un des vestiges de l'Âge d'or, je suppose.
Je ne résiste pas à vous citer quelques lignes qui définissent bien le jeu :
"Pourquoi jouer ?
Un : parce que les personnages sont chauds comme la
braise.
Deux : parce que tout chauds qu’ils soient, ces personnages
sont au mieux de leur forme quand on les met ensemble. Amants, rivaux,
amis,ennemis, du sang et du foutre — tout ça c’est de la bonne came."
Mec, Vincent Baker quand il te vend son jeu, il te dit pas seulement comment tu joues à son putain de jeu. Il te dit pourquoi tu le ferais, et ça, c'est cool. Parce que si toi, demain, t'as pas envie de jouer un mec chaud comme la braise, t'a pas envie de te faire chier à voir comment tu bosses avec les autres, c'est simple, tu te casses et on en parle plus. L'Apocalypse selon Baker, t'as le choix, mais tu sais pourquoi t'es venu. Bon, maintenant que t'es venu, on y fait quoi ? T'as pas envie de te fader un putain de bouquin de 300+ pages, tu préfères t'occuper tout de suite de savoir pourquoi ce connard de Jack tourne autour de toi et si tu vas survivre dans la dèche ? Ouais, je te comprends, mais c'est dommage, parce que le bouquin, c'est comme je te parle, c'est cool. Enfin, c'est chaud. Tu vois, quoi.
Mais tu peux t'en passer, si tu veux juste jouer. Jouer, c'est discuter avec tes potes, avec ton MC, et c'est tout ce qu'on te demande. Ah, il te faudra aussi décrire tes actions, parce que quand tu le fais, tu le fais. Ouais, cette phrase à l'air conne, je sais. Mais en fait c'est simple. Quand tu le fais dans la fiction, tu le fais dans le jeu. Tu dis ce que tu fais, tu lances 2d6 plus ta caractéristique, et si tu fais 10+ c'est banco. Bon, si tu fais entre 7 et 9, c'est un peu la merde, tu vas avoir ce que tu veux, mais ça sera compliqué. Et si tu fais 6-, là, c'est vraiment la merde, parce que le MC va en profiter pour taper là où ça fait mal. Et tu vas en redemander, parce que tu es aussi chaud que ton bonhomme.
AW a été une véritable bombe dans le domaine du jeu de rôle indé, parce qu'il donne un cadre robuste à ce que nous faisons en jouant, à savoir discuter. Le MC dit un truc, donne la main, le joueur décrit ce que fait son bonhomme, et on recommence. Quand tu dis dans la fiction que tu fais un truc précis, si tu déclenches une action précise, on lance les dés, on regarde le résultat et on retourne dans la fiction pour voir ce qu'il se passe ; c'est fluide et ça fonctionne tout simplement.
L'autre raison, c'est que le cœur du système est très simple, et il est relativement simple pour l'adapter à d'autres ambiance que la fin du monde. Dungeon World est un exemple d'adaptation réussie, il y en a probablement une centaine.
Et je n'ai pas parlé des conseils (et des règles) de maîtrise, mais je ne vais pas pouvoir tout mettre.
AW, c'est une véritable bombe, pour y jouer ou pour le hacker.
Ouais, un putain de bon jeu.
Critique écrite en décembre 2015.
En fait l'objectif est de permettre de sauver quelques lecteurs égarés suite aux critiques ci-dessus.
Alors Apocalypse World est complètement dans son époque : entre les émissions de télé réalité et la majorité des séries TV du coin. C'est nul, mais il y a des gens qui adorent savoir si Brenda va finir par épouser Jason, si entre temps Ethan ne lui met pas son poing dans la gueule.
Oui, je suis de la vieille école, le genre de mec qui passe des heures à peaufiner tout ce qui va se passer dans une partie pour le plus grand plaisir des joueurs. Et si une histoire d'amour dans un Hitchcock, c'est beau et ça a du sens ; dans (mettre ici le nom d'une série qui compte au moins 4 ou 5 saisons et qui passe à 20h à la TV) ça ne sert qu'à faire du remplissage entre deux pauses de publicité pour le temps de cerveau disponible.
Apocalyspe World c'est pareil. Comment peut-on s'émerveiller d'avoir ériger la flemme intellectuelle comme modèle de pensée ? Les gars j'ai un concept : on fait pas de perso, pas de scénar, pas de monde et on explique qu'on est génial avec ce nouveau concept. Si on le dit assez fort, y bien des mecs qui vont le croire. On va dire un monde post-apo, tout le monde connaît...
Alors, ok, ça parle peut-être à des novices en JDR, j'en sais rien. Je n'ai pas ça sous la main. Vous auriez vu la gueule de mes rolistes vétérans quand on a testé ça.
Je suis sans doute dans un groupe particulier, qui joue depuis plus de 30 ans. On a bouffé du sans dé, sans règle dans les années 80. Les interactions entre personnage est une évidence pour eux. Ils n'ont pas besoin d'un jeu et d'un archétype pour les diriger (contrainte serait plus précis). La question a donc été rapidement : mais c'est quoi le jeu ? On fait du théatre d'improvisation aujourd'hui ? C'est bizarre le théatre d'impro assis autour d'une table en faisant semblant d'être du jdr... (oui, la plupart d'entre eux ont aussi fait de l'impro).
Bref, ce jeu est une escoquerie. Ça a la couleur du jdr, ça ressemble à du jdr, et ça te filera du diabète comme le canada dry.
Critique écrite en avril 2018.
Apocalypse World est sans conteste le jeu qui m'a le moins branché à la lecture depuis fort fort longtemps, et j'irais même jusqu'à dire que j'ai plusieurs fois failli lâcher le bouquin en criant à la fumisterie. J’ai donc écrit une première critique à charge, en toute bonne foi, avec une note de 2. Cette critique m’a valu d’être interpellé, à juste titre par Brand, qui m’a fait tester le système pour que je réalise à quel point je me trompais.
Il est donc temps pour moi de faire mon mea culpa. J’ai réagi comme un amateur d’art du XIXème, qui découvrirait les impressionnistes, et trouverait que c’est peint avec les pieds. Eh oui, il y a des maladresses dans Apocalypse World, il y a des choix graphiques et une façon de parler d’interpeller le lecteur qui ne me parlent pas, mais, à quel point j’ai pu me tromper: ce livre propose une façon de jouer radicalement nouvelle et donne des putains de conseils au MJ comme je n’en ai vu dans aucun autre livre.
Les règles sont relativement minimalistes mais en même temps assez mécaniques avec des actions type très archétypales, et ça tourne extrêmement bien à l’usage. Je n’ai pas testé A-World directement, mais deux jeux qui sont directement branchés sur le moteur génial inventé dans cet ouvrage : Dungeon-World et Monsterhearts. C’est donc à travers ces deux tests, comme MJ pour le premier, et comme joueur pour le second, que j’ai découvert le moteur de jeu génial, décrit pour la premier fois dans ce livre dont je parle aujourd’hui: Apocalypse World.
Première invention géniale, on abandonne la notion de scénario au profit de la notion de front. Les règles vont nous aider à improviser, mais pas au hasard non plus: le front est la description structurée d’une séries de menaces qui vont intervenir dans le jeu, et qui vont se concrétiser en fonction des actions des joueurs. Un front n’est pas forcément plus simple à écrire qu’un scénario mais il est infiniment plus souple, car il va se dérouler exactement en réaction aux propositions faites par les joueurs, qui sont donc par nature bien plus acteurs que spectateurs du scénario. Plus je l’expérimente, plus je me demande comment j’ai pu passer à côté de cela pendant si longtemps, tellement ça semble évident, mais tant qu’on ne l’avait pas inventé et codifié, ça n’était pas du tout intuitif.
Deuxième invention géniale, les archétype de personnages, ce sont eux qui structurent le jeu en définissant pour chaque personnage des actions qui lui sont propres et lui donnent une saveur bien à lui. C’est à dire qu’en quelques lignes, on a défini les contours d’un personnage, qui a de par sa conception même une place à prendre dans l’univers qui va se créer. Encore plus génial, une série de questions permet d’inventer, lors de la création, un tissu de relations qui seront autant d’idées pour le MJ afin de créer un cadre où le personnage est bien à sa place. Je trouve que c’est souvent galère de bien intégrer chaque joueur dans la campagne, et que ça bouffe pas mal de temps lors de la première partie. Là, c’est ludique, c’est créatif, c’est coopératif entre le MJ et les joueurs, et ça donne plein d’idées. Chapeau!! La dernière partie de l’ouvrage donne d’ailleurs des outils pour adapter ce système à de nouveaux jeux et univers.
La mécanique qui fait tourner tout cela, ce sont les actions (ou « moves » en VO). Le principe en semble ridiculement simple, on additionne deux dés à 6 faces, avec un petit modificateur qui va rarement au delà de -1 ou +1, et le total nous entraine dans l’aventure. Sur un 10+, c’est un OUI franc et massif aux propositions des joueurs, sur un 7-9, c’est un « OUI, MAIS », et sur un 6+, soit c’est une catastrophe immédiate et brutale qui plonge au coeur de l’action, soit c’est le front qui se déroule, c’est à dire les rouages du scénario qui se mettent en place. Dit comme ça, c’est simple, mais la première fois qu’on y est confronté, ce n’est pas suffisamment explicite. C’est là que viennent les « moves » du MJ, toute une série d’actions qu’il peut déclencher en réponse aux échecs totaux ou partiels des joueurs. Là où ça prend toute sa force, c’est qu’il faut inventer, être créatif, mais que les conseils inclus dans l’ouvrage sont là quand on a besoin d’eux. Tout d’abord la création des fronts (page 137 et plus) qui inclus tous les éléments dont le MJ aura besoin pour rebondir: menaces, décors, motivations des PNJs, parfois même des « actions sur mesure » qui sont des variantes adaptées des actions de base, qui généralement contiennent en elles mêmes le dilemme auquel seront confrontés les joueurs.
Ce qui fait le moteur d’un scénario, pour les joueurs, c’est l’adversité qu’ils vont rencontrer, mais surtout ce qu’ils vont deviner de l’intrigue au fur et à mesure. Ici leurs actions ne sont jamais anodines: soit ils réussissent et sont eux mêmes le moteur du scénario par leurs actions et décisions, soit ils échouent et par leur propres échecs s’approchent de la vérité en déclenchant les rouages du front. Cela reste donc en permanence dynamique et motivant. Attention, c’est épuisant. C’est bien plus cool de prendre un jeu dont les règles de combat font 80 pages, y a pas grand chose à inventer, juste à enchainer quelques situations de combat. Ici, il faut inventer sans cesse. ça fait des parties plus courtes, plus denses, et où on sort ses tripes à chaque coin de rue. Voilà que je me mets à parler comme l’auteur!
Apocalypse World contient aussi les putain de meilleurs conseils au MJ que j’aie jamais lu dans un ouvrage de JdR (p110 et quelques). A la lecture, ça ne semble pas forcément évident, mais à l’usage c’est vraiment dément. « provoques les avec des questions, et rebondis sur les réponses. » « réagis avec perversité mais jamais avec sadisme, et sois généreux de temps à autre » « sois fan des personnages des joueurs » « de temps à autre, laisse les PNJs ou les joueurs décider », etc… A la première lecture, ces conseils m’ont semblé fumeux, à l’usage, c’est vraiment très bon.
Pour conclure, Apocalypse World est passé et il a changé ma façon de jouer au jeu de rôles. Il y a des tas de jeux que j’ai adoré, celui-ci n’en fait pas forcément partie parce que je n’accroche pas forcément à l’esthétique du jeu ni à la façon dont est décliné le thème, mais par contre, je peux dire qu’il a radicalement changé et renouvelé le jeu de rôles tel que je le conçois. Et ça a des conséquences sur tous les autres jeux auquel je joue.
Critique écrite en mai 2013.
Attendu par de nombreux fans français, La boîte à heuhh vient d’éditer en français ce qui est à ce jour son plus gros jeu (en termes de nombre de pages mais aussi probablement de hack) à savoir Apocalypse world de Vincent D. Baker. Pourquoi ce jeu post-apocalyptique a des partisans farouches alors que d’autres restent perplexes et dans l’incompréhension ? Sa mécanique se révèlerait-elle être sans faille ? C’est ce que nous allons tenter d’explorer dans ce maelström qu’est Apocalypse world.
Un jeu post-apocalypto-centré ou PJ-centré ?
Ce que l’on peut dire c’est que Apocalyspe world ne brille pas par son background, celui-ci tenant en une dizaine de lignes et pouvant se résumer par « personne se souvient de rien, mais tu sais que le monde n’est plus pareil et tu le ressens au bruit ambiant que tu entends dans ta tête ». Voilà, maintenant vous savez tout sur le contexte du jeu (autant dire que les amoureux des contextes complexes, détaillés, vont être déçus). L’auteur conseille même à de multiples reprises de ressortir dans vos descriptions de l’apocalypse celles qui sont gravées dans votre tête (issues de vos lectures, des films visionnés, etc.). Ainsi, l’auteur n’a pas voulu faire du background le centre des histoires que vous allez raconter à votre table d’une manière collaborative. Son but est bien de mettre les PJ et leurs relations en lumière au travers de règles à respecter aussi bien pour les joueurs que pour le MJ. Ici, fini le MJ tout puissant ayant droit de vie ou de mort sur les PJ en fonction de son humeur. Il devra respecter un ensemble de règles et jouer franc-jeu avec les PJ, même si parfois il lui faudra frapper fort.
Le livre se compose de trois grandes parties :
Apocalyspe world est donc un jeu avec un MJ mais où la narration est partagée. Ici, point de scénario écrit à l’avance mais bien un ensemble de mécanismes pour bâtir collectivement une histoire et permettre au MJ de rebondir sur les propositions des joueurs. L’implication de ces derniers est très importante dans ce jeu, ce qui pourrait même déstabiliser les joueurs puisqu’aux questions posées par eux, le MJ répondra la plupart du temps par un « tu en penses quoi ? ».
Des personnages typés
Le jeu propose 11 stéréotypes de personnages, sous la forme de livret de 3 pages, allant du biker au prophète en passant par la beauté fatale. Au cours d’une partie, aucun joueur n’aura le même rôle de manière à croiser les possibilités et augmenter les embrouilles entre personnages. Chacun d’entre eux se détermine par le choix d’un profil prédéfini, par une série d’actions spécifiques, du matos à lui, des règles pour établir les relations avec les autres personnages présents autour de la table et son « spécial ». Ce dernier est un pouvoir qui présente la particularité de ne pouvoir être activé qu’à partir du moment où votre personnage couchera avec un autre (vous verrez à la lecture du livre que le sexe a une place assez prégnante dans le texte). La chose vraiment intéressante dans la création du personnage c’est la partie appelée « Hx » (ou historique). Cette « caractéristique » représente à quel point les personnages se connaissent, pouvant conduire à un bonus pour des « amis » jusqu’à un malus pour des personnes qui ne peuvent se comprendre. Un des intérêts vient du fait qu’entre la valeur que vous annoncez à chacun des autres joueurs et la valeur que vous notez sur votre livret de personnage, cela peut être totalement différent. Vous pouvez très bien connaître les gens et être un véritable mystère pour d’autres. Ces relations asymétriques sont très bien trouvées, d’autant plus qu’en termes de gameplay l’impact n’est pas négligeable. Par exemple, il vous sera difficile d’anticiper sur les actions d’une personne si vous ne la connaissez pas. De plus, plus votre Hx évoluera (dans un sens ou dans un autre) plus votre personnage progressera. Cette asymétrie et ses conséquences sont vraiment intéressantes.
En cours de partie, lorsqu’un joueur veut faire une action (agir face au danger, agresser quelqu’un, etc.) il lancera son dé plus une caractéristique et selon le degré de réussite, le joueur pourra choisir parmi une liste de conséquences possibles. De ce fait, le joueur sait ce qui l’attend en termes de conséquences. Ce qui est intéressant (même si cela se retrouve dans beaucoup de jeu) c’est que pour progresser, il faut jeter les dés mais pour jeter les dés il faut que cela en vaille la peine, notamment en termes de situations bancales, ainsi les joueurs sont poussés mécaniquement à se mettre en danger pour pouvoir agir et progresser.
Un MJ les mains liées ?
Votre rôle en tant que MJ va être de rendre la vie des personnages intéressante, non pas parce que vous aurez préparé à l’avance un scénario béton (puisqu’il n’y a pas de scénario préétabli) mais parce que vous allez réagir aux actions des personnages et leur proposer des situations compliquées. Diriger une partie d’Apocalypse world est une « épreuve » pour le MJ. Il se doit de toujours parler, notamment lors de la première partie au cours de laquelle il devra poser un maximum de questions aux joueurs dont les réponses seront autant de pistes pour les situations à venir. Il devra également suivre les règles, non pas les règles d’une manière générale mais bien les règles qui lui sont dédiées. En effet, en fonction de la situation, les MJ aura des actions possibles et d’autres qu’il ne pourra réaliser. De cette manière, Apocalypse world ne laisse pas la place aux MJ « truqueurs » car ce n’est pas dans le « contrat social » du jeu. Ici, nous n’avons pas à faire à un jeu à secret mais bien à un jeu où chacun apportera sa pierre à l’histoire. Le meilleur exemple vient de la première partie, qui a son propre chapitre. Au cours de cette session de jeu, vous allez, d’une manière collaborative, créer l’univers post-apo dans lequel les personnages vont vivre leurs histoires. La création des personnages est alors l’occasion d’une part d’en apprendre plus sur eux, les relations entre eux, mais également et surtout de créer ces Fronts. Ces derniers sont les éléments centraux des histoires d’Apocalypse world. Ce sont des menaces (personnages, lieux, événements, etc.) qui peuvent (et vont) directement impacter les PJ.
Conclusion
Apocalypse world est un jeu très riche. Le fait que les joueurs et le MJ aient leurs propres règles est une chose vraiment intéressante car la relation entre les deux est « équitable » : le MJ n’a plus tous les pouvoirs, faisant ainsi ressortir le cœur du jeu, à savoir l’histoire et les relations entre les PJ. Ces dernières, sous la forme d’Hx, ont une réelle valeur ajoutée puisqu’asymétriques et donc pas équitables entre les joueurs (mais c’est le jeu qui les poussent à ne pas être équitables, en aucune mesure le MJ). Il faut tout de même reconnaître que plus de 300 pages, c’est long, d’autant plus que d’une part le tutoiement peut ne pas plaire et d’autre part l’auteur parle beaucoup, beaucoup trop, ce qui noie le poisson. Les exemples choisis ne sont pas toujours très pertinents et des pans entiers de règles sont laissés dans le flou (certains diront pour que les joueurs se les approprient). Le jeu aurait gagné à être plus concis, mieux organisé. Cette profusion de paroles fait qu’Apocalypse world en devient déroutant, déstabilisant, voire intimidant. Il semble y avoir tellement de choses à retenir, la mécanique est tellement à l’opposé de nos habitudes (à savoir que le MJ doit lâcher prise et se laisser porter par l’histoire en ne faisant que réagir et impliquer les joueurs) qu’une lecture ne sera probablement pas suffisante avant de le mettre en place. Toutefois, l’expérience ludique que propose Apocalypse world est tellement différente des habitudes rôlisitiques, qu’il serait dommage de passer à côté (d’autant plus que vu le nombre hack existant, il y a fort à parier que cette mécanique nous reviendra très prochainement dans de nombreux jeux à paraître).
Critique de Jérôme "Sempaï" Bouscaut publiée dans le Maraudeur n°9
Critique écrite en août 2013.
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