Par Hervé
Rubrique : Interviews
Date : 31 décembre 2014
Le 3 novembre 2014 est paru Le Maelstrom, de Romaric Briand. Ce livre, compilation d'articles de réflexion au sujet du jeu de rôle pour la plupart déjà publiés sur internet, est aussi un moyen de mieux appréhender le fonctionnement et les propos de son auteur, qui ne laisse pas les gens indifférents. Il en est fait une brève présentation sur son blog.
Le Maelstrom
par Romaric Briand
Livre de 304 pages à couverture souple, format A5
ISBN : 978-2-95363336-8
Après lecture, nous avons souhaité poser quelques questions à Romaric pour qu'un lecteur potentiel puisse mieux appréhender le contenu de l'ouvrage. Ce faisant, il pourra mieux se rendre compte si le livre, qui s'adresse à tous les rôlistes (voire plus), saura retenir son attention et le faire réfléchir sur la pratique du JdR, comme l'espère son auteur. Il a bien voulu répondre à cette interview, à sa manière parfois très personnelle.
Ce livre est censé répondre aux internautes qui arrivent sur le blog de La Cellule et qui veulent savoir qui tu es, d'après ton introduction. Par ailleurs, tu as déjà fourni ta bio pour le Grog. Mais peux-tu te présenter brièvement, tant comme philosophe que comme rôliste pratiquant ?
Je suis philosophe, écrivain, animateur de La Cellule et auteur de Sens et du Val. J’ai fait mes études de philo à Rennes. Pour faire simple, disons que j’ai choisi le jeu de rôle comme média pour faire de la philosophie. En tant que philosophe, j’ai deux mentors. Le premier se nomme Filipe Drapeau Contim (philosophe du langage et prof à Rennes 1). Je m’inspire de son style philosophique incisif et de ses méthodes d’enseignement musclées, pour transmettre mon enthousiasme et ma passion pour le jeu de rôle et pour la philosophie. Mon autre mentor est un auteur du début du XXe siècle qui s’appelle Ludwig Wittgenstein (l’auteur du Tractatus Logico-philosophicus). J’ai découvert le monde du jeu de rôle avec Vampire : La Mascarade, depuis je n’ai jamais cessé de jouer, de critiquer et de créer des jeux.
Quelle est l'origine de ce nom, "Le Maelstrom" ? Peux-tu présenter en quelques mots ton livre et le "Contenu Fictionnel Malléable" dont il est question dans ses pages ?
J’utilise le concept de « maelstrom » comme une extension du concept de « brainstorm ». Pour faire simple disons que le maelstrom est un brainstorm à échelle collective. C’est l’addition de plusieurs brainstorms. Au cours d’une partie de jeu de rôle, chaque joueur autour de la table participe à une réflexion collective – un maelstrom – dont l’objectif est de construire un contenu fictionnel malléable.
Le contenu fictionnel malléable, quant à lui, permet à chaque joueur de se forger sa fiction à un instant donné de la partie, ou après la partie. Le contenu fictionnel malléable est l’œuvre du maelstrom, la somme des situations que chacun tient pour vraies dans le cadre du jeu.
Ces deux concepts me permettent finalement de donner une nouvelle définition du jeu de rôle. Celle-ci cherche à englober toutes les pratiques du jeu de rôle, des plus traditionnelles aux plus anarchiques.
Peux-tu présenter le blog de La Cellule et tes activités rôlistiques ? Tu vis de ces activités ? Depuis quand ?
A l’origine, le podcast de La Cellule était un podcast mensuel sur Sens. De fil en aiguille, il est devenu un podcast hebdomadaire sur le jeu de rôle. Nos émissions portent sur la théorie du jeu de rôle. Nous critiquons des jeux. Nous testons des systèmes divers et nous apportons des conseils aux jeunes créateurs qui nous écoutent. Quelquefois, ils viennent même directement enregistrer avec nous. Nous essayons de défendre que le jeu de rôle est une activité accessible, enthousiasmante et vivante. Pour cela, nous partageons avec nos auditeurs les problématiques, les théories et les débats sur le jeu de rôle actuel.
Je vis officiellement de mes activités rôlistiques depuis le mois de mai 2012. Néanmoins, je complète mes revenus en donnant des cours à domicile de mathématiques, de français et de philosophie. Depuis un an et demi, mes activités de prof ont très nettement baissé (je ne donne plus que 2 heures de cours par semaine) et je me consacre de plus en plus au jeu de rôle.
Pourquoi faire de la théorie sur le jeu de rôle ? A qui ton livre s'adresse-t-il ?
Comme beaucoup d’entre nous, je réfléchis sur le jeu de rôle pour améliorer mes jeux et je partage ces réflexions pour permettre à d’autres d’améliorer les leurs. Cette réflexion vivante a pour effet collatéral de donner envie à des gens de créer à leur tour.
Mon livre s’adresse à tous les joueurs et tous les auteurs de jeu de rôle, à ceux et celles qui voudraient se lancer dans la création de leurs propres jeux. Il s’adresse également à ceux qui imaginent que le jeu de rôle n’a pas évolué depuis Vampire, à ceux qui le croient mort, à ceux qui pensent – à tort – qu’il n’y a pas de jeu de rôle au-delà d’un maître de jeu, des points d’expérience ou des dés. Il s’adresse donc aux gens du GROG, par exemple (rires).
Tu parles des "gens du Grog", mais qu'entends-tu par là ? Les gens qui réalisent les descriptions des jeux et suppléments ou tout simplement les visiteurs du Grog ? Comment les perçois-tu tous, d'ailleurs ?
Je ne m’adresse pas aux visiteurs. Je m’adresse aux rédacteurs. Par exemple, ceux qui refusent de faire entrer des jeux dans l’encyclopédie sous prétexte qu’ils n’ont ni « maître de jeu », ni « points d’expérience ». Il me semble, Hervé, que tu as toi-même, autrefois, refusé de faire la fiche d’un jeu de Lionel Jeannerat (il était venu nous en parler sur Silentdrift) pour ces raisons... officiellement. Mais, je sais – du moins je crois le savoir – que, officieusement, c’est d’abord le manque de matelots, de moyens et de temps qui vous condamnent à ces choix contestables. A l’époque, en tous cas, vous aviez très peur de devoir ficher trop de jeux et d’être dépassés pas les événements. Et puis, soudain, j’ai vu passer Perdus Sous la Pluie ! Bref, je ne comprends rien au GROG, ni à son fonctionnement, mais je sens bien que ce bijou rôliste est parcouru de tensions diverses. Si je parviens à donner une définition du jeu de rôle qui mette tout le monde d’accord, vous pourrez au moins gagner du temps en vous passant de ce genre de débats et de considérations. Alors ? Qu’est-ce que tu en dis ? Je te propose de râler moins et de ficher plus. Tu devrais être content (rires).
Pourquoi faire un recueil d'articles déjà édités sur internet ? Ces articles sont-ils tous encore disponibles en ligne ? Qu'est-ce qui a été ajouté au contenu électronique ou modifié ? A combien d'exemplaires a-t-il été imprimé ?
Tout se perd sur internet. Les conversations finissent aux oubliettes, les articles et les liens qui y mènent finissent en « erreur 404 ». La plupart des articles présents dans mon recueil demeurent sur internet, mais la plupart ont été déménagés, copiés/collés à droite à gauche. Bref, il est difficile de les retrouver et de s’y retrouver.
Editer un ouvrage en papier permettait de mettre en ordre et de pérenniser les idées que je défends. D’autre part, j’ai constaté que les personnes dans mon entourage ne lisaient pas de PDF à cause d’un manque de confort évident. Afin de rendre mes articles numériques accessibles à mon entourage, j’ai décidé de les imprimer, de les éditer et, finalement, de les publier. J’ai ajouté à ces rééditions un article inédit nommé Le Maelstrom, d’où le nom du recueil.
J’ai relu et corrigé les articles réédités, afin de les rendre plus accessibles, plus lisibles et plus compréhensibles. Certaines tournures de phrase ont été remaniées. Le sens des articles originaux a été entièrement préservé.
Je tire tous mes livres à cent exemplaires. S’ils marchent, j’en refais cent. Puis, si je vends ces cent autres, j’en refais cent. Et ainsi de suite.
Après quelques semaines depuis sa sortie, quels ont été les premiers retours vis-à-vis de ton œuvre ? Envisages-tu qu'il puisse y avoir une nouvelle édition ou une suite ?
Les retours sont très positifs. Même si beaucoup sont agacés par mon style et mon ton polémique, une grande majorité de mes lecteurs s’en amusent – c’est le but – et répondent sur le fond. Pour reprendre les mots de Vivien Féasson (auteur des Errants d'Ukiyo et de Perdus Sous la Pluie justement), le livre « agace », « amuse » et « interroge ». Je crois qu’il a parfaitement résumé mon travail.
Pour tout dire, j’ai principalement recueilli trois types de critiques. La grande majorité de celles-ci porte sur l’article intitulé Le Maelstrom. Les premières visent ma définition de la fiction, trop réductrice selon elles. C’était un choix délibéré de ma part. Les secondes pensent que Le Maelstrom ne décrit qu’un seul type de pratique du jeu de rôle. Les dernières, beaucoup plus pertinentes selon moi, disent que l’article n’aborde pas assez la dimension non-verbale des propositions faites au cours d’une partie de jeu de rôle. Pour améliorer ma théorie, je dois – à l’avenir – donner une définition plus large du terme « proposition ». Il faut que celle-ci puisse englober la dimension non-verbale du jeu de rôle. De plus, en modifiant cela, je réponds également à la seconde critique.
Mais l’article, selon ces mêmes personnes, reste pertinent. Christoph Boeckle, lui-même, sur les Ateliers Imaginaires, a déclaré « ne pas écarter la possibilité qu’il y ait, dans le Maelstrom, des idées d’un impact comparable aux démarches créatives » de La Forge. Vous vous rendez compte ? Un tel compliment de la part de Christoph Boeckle. Ce compliment m’est d’autant plus cher que, si Filipe est mon mentor philosophique, Christoph Boeckle, Frédéric Sintès et Fabien Hildwein sont, à n’en pas douter, mes trois mentors rôlistiques. Par ailleurs, le livre leur est dédié.
Tu as déjà une certaine réputation dans la sphère du monde rôliste mais les gens sont partagés à ton sujet, y compris sur le Grog. A tout le moins tu ne sembles pas laisser les gens indifférents. Qu'est-ce qui selon toi explique ces différences de perception ? Quels sont tes qualités et défauts qui peuvent expliquer cela ?
Je suis entier. Contrairement à certains acteurs de ce milieu, je n’hésite pas à dire publiquement quand un jeu me déplaît et pourquoi il me déplaît. Je ne cherche pas à être consensuel. Je n’y vais pas de main morte. Il m’arrive aussi de dénoncer publiquement certaines pratiques éditoriales que je juge scandaleuses. Je n’adhère pas – non plus – à la doctrine du « c’est du jeu de rôle, c’est un secteur en crise, alors sois gentil, ne dis rien, ne te paye pas et, surtout, ferme-la sur les pratiques limites des éditeurs ». De même, je combats la doctrine du « c’est du jeu de rôle, c’est du jeu, alors ça ne doit être ni intelligent ni bouleversant ».
Ce n’est pas une affaire de qualité ou de défaut, c’est une affaire de propriétés et de démarche. Certains considèrent une de mes qualités comme un défaut et inversement. Pour certains, je suis « con, élitiste et prétentieux », pour d’autres je suis « intelligent, pédagogue et honnête » (rires). Tout dépend du point de vue de celui qui regarde. Chacun voit dans les autres ce qu’il veut y voir. Pour moi, ce clivage – qu’il porte sur un jeu ou sur un auteur – est toujours positif et nécessaire. Plus il y aura de débats en son sein, plus le jeu de rôle sera vivant.
Entendons-nous bien. Tous les modèles doivent coexister, se penser et se critiquer. Chacun a sa vision du jeu de rôle, mais toutes doivent avoir le droit de s’exprimer. Mes ennemis ne sont pas les personnes, ni les acteurs du jeu de rôle, ni les jeux de rôle ; mes adversaires sont les préjugés que ces gens ou ces jeux entretiennent – inconsciemment ou non – sur le jeu de rôle. J’ai moi-même les miens, comme tout le monde, et je suis heureux quand je trouve quelqu’un pour les mettre en évidence.
Quels sont les gens qui te soutiennent le plus, tant comme philosophe que comme rôliste ou simple ami ? Peux-tu présenter rapidement les principaux d'entre eux ?
Ma femme, ma famille. Personne ne me soutient indéfectiblement à part eux. Cette question est révélatrice. Elle sous-entend l’existence d’écuries, faites de potes, qui se soutiendraient les uns les autres. Encore un préjugé qu’il faut combattre ! Cette question en dit long sur la vision que les rôlistes ont de leur propre milieu. On croirait que tu interroges une mafia ou un lobby.
Certaines personnes soutiennent certaines de mes idées, mais personne ne me soutient personnellement. Si on prend l’exemple de Fabien Hildwein (l’auteur de Monostatos et de La Saveur du Ciel). Il est probablement le créateur de jeu de rôle dont je suis le plus proche. Fabien ne me soutient pas parce que je suis Romaric. En revanche, c’est vrai qu’il soutient une grande partie de mes idées – pas toutes – une grande partie seulement. Avec Frédéric Sintès, nous avons eu par le passé de gros différends, dont je témoigne dans le livre d’ailleurs. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, seulement sur l’essentiel.
Il n’y a pas de copinage. Nos relations sont saines. Nous ne soutenons pas les jeux des uns parce qu’ils sont nos copains et nous ne critiquons pas les jeux des autres parce qu’ils sont nos ennemis. Nous sommes des amis parce que nous aimons les idées et les jeux que chacun d’entre nous développe et produit.
Tu évoques plus haut "la vision que les rôlistes ont de leur propre milieu". On sait en fait peu de choses sur les rôlistes car peu d'études ont été faites sur ce milieu très restreint et semble-t-il assez varié. N'y a-t-il pas un côté un brin réducteur sur la manière dont tu perçois nombre de rôlistes et leur manière de penser ?
Toutes les sensations que nous avons à l’égard de quelque chose n’ont pas besoin d’être validées par un comité de savants et de relecteurs. Il s’agit là d’un simple sentiment personnel au sujet de la communauté à l’heure actuelle. Même si je n’ai pas une étude de l’Insee à brandir sur la question, je parcours les conventions, enregistre un podcast hebdomadaire et je rencontre beaucoup de rôlistes quotidiennement. Je pense que c’est un milieu que je connais très bien et sur lequel j’estime pouvoir donner mon sentiment personnel.
D’ailleurs, Hervé, ta question possède elle-même ses présupposés. Tu sembles dire du milieu rôliste qu’il est très restreint, peux-tu me donner l’étude qui le confirme et les critères sélectionnés pour dire si quelqu’un est rôliste ou non ? N’y a-t-il pas un côté un brin réducteur sur la manière dont tu perçois les rôlistes, toi aussi ?
Quels sont pour toi les principales qualités et les plus grands défauts de ton livre, avec un peu de recul ? Comment faut-il l'aborder pour en profiter le plus possible ?
J’aurais voulu que le livre s’adresse davantage aux non-rôlistes, mais force est de constater que ce n’est pas le cas. Il faut connaître le jeu de rôle pour pouvoir le lire, c’est dommage.
Soyons francs, Hervé, selon moi, ce livre n’a pas de défaut, sinon je ne l’aurais pas publié. Pour le moment, le seul défaut que j’y vois – en plus des quelques fautes d’orthographe qui me sont remontées – est apparu après mon travail éditorial : c’est ma définition trop restreinte de la proposition dans Le Maelstrom, comme je l’ai soulignée ci-dessus.
N'es-tu pas un peu provocateur à certains endroits ? Est-ce volontaire ou un défaut de jeunesse (le plus vieil article a déjà huit ans) ? Cela ne risque-t-il pas d'être mal interprété ? Quel conseil pourrais-tu donner pour éviter cela ?
Je crois que mes réponses précédentes suffisent à éclairer les lecteurs sur ce point, tu ne crois pas ? (rires). Je crois que, comme beaucoup, tu as pris mon style pour une erreur de jeunesse. En fait, si je comprends bien, pour toi, quand on est jeune, on est vigoureux, clivant, incisif et puis quand on est vieux on est mou, consensuel et convenu, c’est bien ça ? (rires) Alors, mon conseil : évite de vieillir.
En caractérologie ou dans diverses théories de communication, le côté incisif, entreprenant, agressif est associé non à un âge précoce mais à un caractère "masculin" marqué, au contraire du côté mesuré, patient et empathique qu'on attribue plus volontiers à un caractère "féminin". Te retrouves-tu dans ce portrait de caractère masculin ? Et au-delà de cette petite interrogation personnelle, comment vois-tu la faible place des femmes dans notre milieu de rôlistes ? Comment faire pour qu'elles soient plus nombreuses à partager notre passion ? Ton livre les concerne-t-il autant qu'aux hommes ?
La caractérologie, c’est une pseudoscience, ça, non ? Toi qui aimes bien les études empiriques, où sont-elles justement sur ces questions ? Quelles sont les résultats observables de ces « théories » ? Je crois que la caractérologie et toutes ces foutaises pseudo-scientifiques font beaucoup de mal aujourd’hui. Elles conduisent les gens à vouloir entrer dans tel ou tel type, telle ou telle case. Ces pensées – car il ne s’agit pas de théories – conduisent à un refus total d’authenticité et de naturel. Elles nous poussent à oublier ce que l’on est vraiment au profit d’un profil insensé. On se cherche à travers la parapsychologie, la chiromancie ou les étoiles, alors qu’il suffit d’avoir des amis sincères pour savoir qui l’on est vraiment. Ben voilà, Hervé, je crois que tu as trouvé le thème de la prochaine émission de Mireille Dumas (rires).
Mon signe astrologique est la balance. A mon avis, ça doit vouloir dire que je balance à mort sur les mauvais jeux de rôle, tu ne crois pas ? (Rires) Je suis désolé, Hervé, mais, pour moi, la caractérologie et les théories de la communication, ce n’est pas sérieux. Je ne me retrouve dans aucun portrait chinois, dans aucun signe astrologique et aucune étude graphologique ne saurait dire qui je suis. Je suis Romaric Briand et, comme moi, chaque être humain est différent, unique, inclassable et incasable. Ce que je suis : c’est ce que je dis et ce que je fais, parfois c’est la différence entre les deux. Un point, c’est tout.
Enfin, pour répondre à ta question sur la place des femmes dans le milieu du jeu de rôle, dans le fond, c’est exactement comme la caractérologie. Je ne catégorise le monde des humains, en femmes et en hommes, que pour les soins de l’orthographe et de la grammaire. Le féminin et le masculin sont utiles au respect des règles grammaticales mises en place par des générations de français. Est-ce ma faute si mon langage m’oblige à aller voir ce qu’il y a dans le fond de ton slip ? (Rires) Non.
Si tu veux mon avis, pour moi, il y a des êtres humains sur Terre. Certains se trouvent « homme », d’autres se trouvent « femme », et, parmi ces êtres humains, certains jouent au jeu de rôle et d’autres non. Je souhaite qu’il y ait de plus en plus d’êtres humains à jouer au jeu de rôle. Je ne suis pas près de modifier mes jeux pour qu’ils plaisent davantage aux humains qui se disent d’un genre ou d’un autre.
En d’autres termes, tout comme je ne mets pas de femmes à poil devant des tentacules sur les couvertures de mes jeux pour attirer les regards des uns – comme Sans Détour dans la gamme de L’Appel de Cthulhu, par exemple –, je ne mets pas non plus de petits poneys roses sur mes jeux de société pour attirer le regard des unes. Que mon lecteur soit d’un genre ou d’un autre, c’est aussi important pour moi que la couleur de ses chaussures, de ses chaussettes ou de sa peau.
Non. Ce qui compte vraiment, c’est que mes livres et mes jeux parlent au genre humain. Ça, c’est important.
Par ailleurs, concernant la question plus haut des qualités et défauts de ton jeu, tu n'as pas répondu à l'interrogation "Comment faut-il l'aborder pour en profiter le plus possible ?". As-tu quelque chose à ajouter à ce sujet ?
Je pense qu’il faut l’aborder comme n’importe quel autre livre et se dire qu’il ne s’attaque ni au jeu de rôle, ni aux les rôlistes, ni aux éditeurs de jeu de rôle, ni aux membres du GROG. Mon livre s’attaque aux problèmes du jeu de rôle. Ce que mon livre critique vertement, ce sont les préjugés sur le jeu de rôle que tous ces acteurs entretiennent volontairement ou involontairement. Mais, encore une fois, je ne juge jamais les gens, je juge les jeux. Si je n’aimais pas tous les gens que je critique, je ne perdrais pas mon temps à les critiquer.
Quoi qu’il en soit, merci pour le boulot fantastique que vous avez fait jusqu’à aujourd’hui et que vous faites encore, pour le GROG et pour le jeu de rôle. Merci pour les questions, Hervé. Nous avons tous besoin de reconnaître que le monde est un gigantesque jeu de rôle grandeur nature, mais avant cela, il faut y jouer.
Merci à toi, Romaric, pour avoir répondu à cette longue interview.