Livre à couverture rigide de 314 pages.
Le livre de base d'Orpheus s'ouvre sur les traditionnelles nouvelle et introduction communes à tous les ouvrages de l'éditeur. La nouvelle, "Une Preuve de Vie", narre une intervention d'un "glisseur" du Groupe Orpheus au cours de laquelle il rencontre Bishop, un esprit mystérieux agissant comme la némésis de la société. L'introduction présente le jeu, son concept et son rattachement au Monde des Ténèbres, et propose un lexique et une liste d'inspirations.
"Le Monde des Morts", le premier chapitre du livre, est entièrement consacré au contexte du jeu, qu'il balaie au moyen de textes d'ambiance : dossiers internes, e-mails, correspondance, rapports, supports de formation aux consultants d'Orpheus, et même un exemplaire entier d'un tabloïd, "the Scrutinizer", consacré à la société Orpheus. Les éléments du background couverts vont de la structure d'Orpheus et de la présentation de son personnel dirigeant aux dangers qui menacent le groupe, en passant par les ennemis connus, les méthodes de recrutement, etc.
"Ombres, Tourments et Horribles Choses" détaille les aspects fondamentaux des personnages d'Orpheus : le type du personnage (Ombre), son origine (Tourment), et les pouvoirs surnaturels dont il dispose (Horreurs). Les chapitres suivants renverront à cette section pour tous les aspects concernant ces trois notions.
"Création de personnage" détaille tout le processus de création de personnages et définit tous les autres traits utilisés par le jeu : Historique, Vitalité, Nature, Rancoeur, etc.
"Système" est le chapitre consacré au "Storyteller System", dont il explique le fonctionnement de base et les applications spécialisées, comme le combat, par exemple.
"Conter aux morts" est destiné au Conteur. Cette section contient les conseils de jeu, mais aussi les informations accessibles à ce niveau du développement de la gamme sur les problèmes d'Orpheus, ses ennemis, les types de mission, et autres informations nécessaires au jeu.
"Histoires de Fantômes" est un appendice qui propose de nombreux dossiers de mission d'Orpheus, classés et nommés d'après le système de la société (numérotation, typologie, nomenclature). Chacun contient les informations fournies au groupe, sans aucune donnée pour le Conteur qui pourra créer la mission en fonction de ces informations de départ. Outre un index et une feuille de personnage, cet appendice propose une page traitant du phénomène des "Tremblements-Fantômes" contenant des indices sur les liens entre Orpheus et Wraith.
La VF contient une erreur sur la page 104 où une colonne de texte est manquante. Un errata est proposé par l'éditeur.
Cette fiche a été rédigée entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2009. Dernière mise à jour le 23 février 2021.
Orpheus est une gemme. Ceci posé, passons à la raison de cette appréciation.
Adepte occasionnel du World of Darkness, j'avais depuis longtemps décroché face à la profusion de jeux, de sous-gammes, de monstres, de secrets, qui ont conduit le metaplot à devenir si étouffant que White Wolf s'est décidé à le tuer une bonne fois pour toutes avec le "Time of Judgement". J'ai bien essayé Demon, dans les productions récentes, et je suis loin d'être convaincu - cf. ma critique sur ce jeu. Mes seules bonnes surprises, chez White Wolf, venaient des alternatives historiques, à savoir Dark Ages : Vampire et Vampire : Victorian Age. Je n'attendais donc plus grand chose de bien avant la mort du World of Darkness, et mon achat d'Orpheus ne s'explique que parce que je suis un vieux fan de Wraith, le plus étonnant et intéressant des jeux du WoD, selon mon point de vue.
Las, Wraith souffrait de graves lacunes de design aussi gênantes que ses innovations étaient géniales. Le côté sombre, par exemple, était un moyen certain de se brouiller avec ses amis, mais surtout, l'existence même des Shadowlands contribuait à recentrer l'univers de jeu sur une version mystico-sado-maso de l'empire romain, au lieu de rester tourné vers les hommes et les sentiments, véritable sujet des histoires de fantômes. Wraith était donc un mauvais jeu de fantôme, tout compte fait, et j'avais envie de trouver autre chose avec Orpheus. Et puis, Wraith faisait partie du WoD, et je frisais déjà l'indigestion de cross-over (avec Mummy, avec la Main Noire, avec les Euthanatos, avec les Giovanni, etc.).
Plein de sentiments mitigés, j'ouvre le livre... De prime abord, le nom de l'éditeur me surprend agréablement : Lucien Soulban était arrivé chez White Wolf sur "Constantinople by Night" et "Montreal by Night", avec son confrère Philippe R. Boulle (actuel éditeur de Dark Ages). Je commence ma lecture. Et là. Bam. Page 21, on me dit que le jeu, bien que dans le même univers que les autres de WW, n'a rien en commun avec eux. J'applaudis. Et on me présente Orpheus comme un jeu d'horreur centré sur les humains. J'exulte. D'un certain point de vue, on peut déjà dire qu'Orpheus est ce que Wraith aurait dû être.
Le concept du jeu est séduisant en diable, et, surtout, facile à appréhender pour tous. "Vous faites partie d'une organisation qui a la technologie pour communiquer avec les fantômes, et vous formez ensemble une équipe d'intervention." Ca a le mérite de la simplicité, à tel point qu'on peut tout à fait imaginer utiliser Orpheus pour un jeu d'initiation. Le monde est le même que le nôtre, et il n'y a aucun pré requis en terme de background touffu. Au contraire, même, Orpheus étant un jeu d'horreur, l'ignorance des joueurs est un plus pour l'ambiance. Mais le jeu est également facile à appréhender pour le MJ, car il n'y a besoin de rien en dehors du livre de base pour jouer, et le jeu ne fait aucune référence en pratique au reste du World of Darkness. L'univers d'Orpheus est un Monde des Ténèbres réduit à sa plus simple expression, tel qu'il était au moment de la première édition de Vampire : sombre et gothique-punk.
Si le jeu est simple, la mise en place de scénario l'est également : l'appartenance des personnages au groupe Orpheus donne un côté "jeu à missions" qui facilite la prise en main. Mais Orpheus n'appartient pas aux forces de l'ordre, et n'ayant pas de pouvoir légal, l'employeur des PJ est loin d'être tout-puissant ¿ sans compter que la société est assez ambiguë. Tout cela incite les personnages à rester soudés, en les faisant se concentrer sur leur Crucible plutôt que de faire appel à leur employeur à tout moment. L'absence de rivalité entre lignées/clans/tribus auxquels appartiendraient les personnages renforce encore la cohésion du groupe. De ce point de vue, Orpheus est un jeu aux mécanismes bien conçus, comme le prouve par exemple la Vitalité, caractéristique qui gère à la fois la survie, la jouabilité et la puissance du personnage. Comme je le disais pour Wraith, la séparation entre le monde des vivants et des esprits, en plus des idées de scénario qu'elle provoque, crée aussi des situations de jeu originales. Imaginez que vous soyez un esprit : vous pouvez suivre une personne, passer au travers des murs, fouiller une pièce à la recherche d'indices... Si la filature ne pose aucun problème, ouvrir un tiroir est nettement plus problématique. Toutes les situations habituelles du jeu sont ainsi renversées, et le passage d'un état à un autre fournit encore plus de possibilités (alors que dans Wraith on ne pouvait pas quitter cet état, ce qui était vite frustrant). Enfin, les pouvoirs des esprits sont intelligents, protéiformes, et n'ont rien à voir avec les listes de sorts indigestes qu'on pouvait avoir dans d'autres jeux.
L'autre aspect d'Orpheus qui m'a séduit est le développement du metaplot sur une gamme limitée, centrée sur six ouvrages et un recueil de nouvelles. C'est selon moi la meilleure façon de présenter un jeu avec metaplot : les auteurs savent où ils vont, et ceux qui ne veulent pas de la storyline ont tout ce qu'ils veulent dans le livre de base. La gamme à terme sera importante sans être d'une profusion impossible à tenir, et adaptée à mes habitudes de joueur éclectique qui passe d'un jeu à l'autre. Pas de splatbook pour Orpheus, puisqu'on n'a pas de clan : qui s'en plaindrait ? On aurait beau jeu de critiquer WW sur sa politique commerciale : à quantité égale, les ouvrages WW sont parmi les moins chers du marché. Quand la qualité est elle aussi au rendez-vous, de quoi se plaindrait-on ? Par contre, je laisse de côté dans cette critique le metaplot lui-même, sur lequel je reviendrai avec les prochains ouvrages de la gamme (car, oui, je suis séduit et achèterai le reste).
Au niveau de la forme, WW maîtrisant sa méthode, le livre de base est gorgé d'informations, pratique (plus pour qui est habitué aux gammes WW, c'est vrai), bien maquetté et bien écrit. Les illustrations sont en général de très bon niveau, et la première partie est un régal à lire, car les changements constants de ton, de style et de présentation rompent toute monotonie. Et ce qui se présente au lecteur titille l'imagination, sans l'enfermer. Témoin, ces dossiers de mission qui, en ne présentant que la face "joueur", donnent de la matière au MJ sans le lier et en stimulant l'imagination.
Mais la principale qualité d'Orpheus, c'est d'être un jeu de fantômes réussi. La fracture entre le monde des morts et le monde des vivants est au centre du jeu et des scénarios, ce qui aurait dû être le cas dans Wraith. Pourtant, le jeu conserve intact le mystère de l'existence des fantômes, et ne tente ni la banalisation, ni la rationalisation de l'énigme qui fait l'attrait du jeu. Peut-être que le jeu déplaira aux fanatiques du WoD et des cross-over, mais il plaira à tous les autres, connaisseurs du World of Darkness ou non. L'horreur contemporaine est un thème qui connaît quelques excellents jeux, comme Kult ou Unknown Armies. Désormais, il faudra aussi compter avec Orpheus.
Wraith avait laissé chez moi autant de bons souvenirs qu'un album de valses musettes jouées à l'accordéon par André Verchuren. Les larmoyantes histoires de fantômes qui souffrent deux ou trois éternités étaient bonnes pour les gens tout habillés en noir qui écoutent uniquement de la musique goth/indus/black/cold (rayez la mention inutile). Le côté "je suis un adolescent torturé et je joue un fantôme torturé" rendait cet univers inutilement pénible. Seul l'idée d'une part d'ombre du personnage animée par un autre joueur m'avait interpellé. Tout le cirque gothique et maladivement thanatomaniaque me débectait et à les entendre pleurnicher "Je souffre, achevez-moi", j'avais envie de leur rendre service. On ne pouvait plus jouer avec l'idée de fantôme dans un JdR sans que la vision dépressive à la Wraith vous soit imposée par un adepte de Marilyn Manson.
Boom, le Loup Blanc revient avec Orpheus. "Une gamme limitée à un livre de base et à 6 suppléments" qu'ils disent... Comme si on allait être assez cons pour les croire. Je rechigne donc et j'attends de voir s'ils tiennent leur parole. Ah bah oui, ils ont effectivement une gamme fermée qui respecte leur ligne éditoriale. Etrange, c'est que le jeu ne doit pas être super bon... Je tombe sur le jeu en soldes et je découvre que non seulement je suis couillon d'être aussi réticent mais qu'en plus c'est excellent. Enfin le jeu de fantôme qu'il me fallait.
Déjà, l'ambiance corporatiste me plait. Jouer des employés d'une compagnie qui fait son beurre avec les fantômes, c'est exaltant. Y'a plein de choses à faire avec la vie de bureau, les collègues, le casual day, la journée d'intégration des employés, le syndicalisme, les grèves et tout le tintouin. C'est une mine de scénarios annexes et un moyen très simple de mettre les PJ sur un scénario ("Tu fais la mission, sinon tu ne manges pas ce mois-ci"). De plus, on peut jouer des vivants et des morts, la bonne combinaison que voilà. Les règles tournent nickel, le livre de base regorgent d'infos et de tout ce qu'il faut pour jouer... La grande classe. Et en plus les fantômes sont autres choses que des fillettes pleurnicheuses qui souffrent en écoutant du Type O Negative sous Lexomil. Enfin.Je n'ai même pas encore acheté un des 6 suppléments. Oh, je sais, la campagne torpille le background et plonge les PJ dans la merde jusqu'au cou. Pour être franc, je ne sais pas si j'ai besoin de ça pour m'éclater. Ce livre de base est déjà plein de promesses et de pistes, il y a de quoi noyer le poisson pendant des mois avant de faire basculer vos joueurs dans la frénésie de la campagne. Et avec des séries comme "Six Feet Under" ou "Dead Like Me", y'a moyen de faire rapidement entrer des nouveaux rôlistes dans ce délire.
Quand le Loup Blanc fait de bonnes choses, faut avoir l'honnêteté de le reconnaître...
Dernier jeu officiel du vieux monde des ténèbres du loup blanc, Orpheus est passé à la trappe pour de nombreux (t)rôlistes, vidés de leur portefeuille et de leur patience après quinze ans à acheter des suppléments à la con pour la gamme (Coucou, Charnel Houses of Europe !).
Grossière, que dis-je, immense erreur !
Préfigurant la dimension plus intimiste du nWOD, le successeur simplifié et expurgé du méta-plot branlette du vieux WOD, Orpheus permet de rendre Wraith : Le Néant jouable. Bâti comme une gamme fermée de six livres, le jeu chapeauté par Lucian Soulbarn (parti écrire des jeux vidéo pour UbiSoft depuis, je dis ça, je dis rien) vous plonge dans la peau de pauvres couillons prêts à mourir temporairement pour toucher un gros chèque. Mais au lieu de leur dire, "Wow, vous êtes sacrément courageux ! On a aucune foutue idée de ce que vous allez voir", l’infâme tech corporation qui les emploie, Orpheus (clin d'oeil, attention c'est subtil) les cajole, leur fait croire que tout va bien se passer et leur propose des missions pour enquêter sur la vie après la mort. Bref, votre perso commence comme un nouvel employé de Google qui est plongé dans un ch'tit caisson cryogénique avant de voir son sang remplacé par une enzyme inconnue et enfin pouvoir projeter son esprit hors de son corps.
Et là les soucis commencent.
Au lieu de s'embêter avec des mécaniques de jeu imbitables comme dans Wraith (coucou le côté sombre), Orpheus vous fait mourir temporairement et donc créé une séparation immédiate entre la vie de votre gus et sa mort. Mort, il peut déplacer les objets par la pensée, prédire le futur, faire saigner les murs d'une maison. Vivant, ce n'est qu'un pékin lambda parmi tant d'autres qui a sûrement eu un passé atroce plein d'expériences proches de la mort : cascadeur, militaire ou rescapé d'un cancer. Plus de clans, plus de pouvoirs débiles, plus de méta-plot imbitable ; l'humain devient le centre d'un jeu White Wolf.
C'est beau.
Le livre de base offre plein de petites missions pour lancer le jeu et initier les joueurs à leur travail au sein de la boite. Comprendre les fantômes, communiquer avec eux, si besoin les aider à passer dans l'au-delà. Les parties passent de Fantômes contre Fantômes à Ghost avant de revenir sur du Poltergeist (mais c'est VOUS les esprits frappeurs).
Puis on ferme le livre de base, on ouvre La Croisade des Cendres (quel titre !), le premier "supplément" du jeu : en fait, la suite du récit avec de nouveaux enjeux, de nouvelles règles et TOUT le setting qui se retrouve remanié. Et c'est comme ça pour chaque chapitre, jusqu'à un final orgasmique qui se paye le luxe de recouper l'histoire avec Wraith : Le Néant. Pour le fan du oWOD en rut, c'est l'extase, pour les joueurs c'est une grande aventure et une magnifique campagne.
Pour le système, il est nul mais vous le saviez déjà.
Critique écrite en décembre 2020.
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