Livre de 224 pages au format 16 par 24 cm sous couverture souple à rabats.
L'ouvrage débute par deux pages de coupures de journaux de Heaven Harbor et une introduction de quatre pages, présentant le jeu.
Le premier chapitre ("Welcome to Heaven Harbor", 32 pages) présente la ville à travers le point de vue d'un ancien flic originaire d'Heaven Harbor. Après s'être présenté et avoir raconté son histoire, Terry Doyle présente donc l'histoire de la ville, brosse le portrait des divers quartiers et leur atmosphère, avant de faire un exposé détaillé sur les cornus, les êtres "démoniaques" habitant Heaven Harbor.
Le deuxième chapitre ("Heaven Harbor Field Guide", 90 pages) est une description détaillée de la ville, quartier par quartier, avec le portrait et les caractéristiques des personnages principaux qui en hantent les rues ou les bâtiments officiels. Le chapitre aborde aussi la vie courante, en mettant l'accent sur des sujets sociaux comme la religion, la police, la musique, les divers ghettos, etc. Forbidden City, le ghetto démoniaque, n'est pas oublié, et l'organisation sociale des cornus est décrite, notamment les mystérieux Asservis, qui ne sont pas sans rappeler des chefs mafieux.
Le troisième chapitre ("Tapis vert", 46 pages) explique en détails le système de jeu. En plus du système de résolution standard, la règle de la "roulette russe" est expliquée. Un joueur peut l'utiliser pour sortir son personnage d'une situation inextricable : il choisit alors un nombre entre 1 et 6 et lance un dé à six faces. Si le nombre annoncé ne sort pas, le personnage survit à la situation, quoiqu'en piteux état. Sinon, il meurt. Le nombre choisi est conservé, et la roulette russe suivante proposera donc seulement quatre chances sur six de s'en sortir...
Ce chapitre aborde aussi les invocations de démons, les "f*ck*n b*st*rd points", que les joueurs peuvent utiliser pour aider leurs personnages mais que le meneur de jeu, appelé "Voix Off", peut utiliser pour leur mettre des bâtons dans les roues, et enfin, les points de flashback, qui permettent à un joueur de raconter une scène du passé de son personnage afin d'en tirer un avantage dans le présent. Par exemple, le personnage peut avoir sauvé en Europe la vie du vigile qui empêche d'entrer dans le rade du patron de la mafia locale... Le chapitre se termine sur la présentation de l'Agence Metropolis, une agence de détectives pouvant servir de point de départ pour des personnages. Les membres de l'agence proposés peuvent ainsi être utilisés comme pré-tirés.
Le quatrième chapitre ("Pur Noir", 30 pages) présente le genre "noir" dans son ensemble, films et romans. Le chapitre se concentre tout d'abord sur l'histoire du genre : des premiers romans jusqu'aux récents films, en passant par les mélanges de genre, tel le film Blade Runner. La suite du chapitre propose des conseils afin de proposer une ambiance Noir à ses joueurs, en jouant notamment sur les codes du genre, et rendre ainsi toute l'atmosphère de cette littérature.
Le cinquième chapitre ("Hellywood Stories", 28 pages) propose deux scénarios. Dans "Play it again, Sam", les personnages vont se retrouver sur la piste d'une jeune femme enlevée. Dans "La prison de verre", les personnages découvrent que même les ordures peuvent être libérées sur parole, lorsque le frère dudit prisonnier les engage histoire de mettre les "poings" sur les "i". Le reste du chapitre présente des trames à exploiter pour créer ses propres scénarios, comme par exemple la course à la mairie.
Le livre se termine sur une fiche vierge de personnage.
Cette fiche a été rédigée entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2009. Dernière mise à jour le 7 mars 2021.
Quand la sortie d'Hellywood a été annoncée, j'avais un peu d'appréhension. Bien sûr, il y avait les années 40, les Grands Jurys, les femmes fatales, les pourris, les vendus, les vies brisées, tout un monde riche de promesses rôlistiques. Mais quel besoin avaient-ils eu de mêler des démons à tout ça et de mettre un pentacle sur la couverture ?
J'ai pourtant franchi le pas et je ne le regrette pas. Non que le jeu évacue cette composante, au contraire. Mais par un cruel renversement, le mal ne provient jamais des démons, toujours des hommes. Du coup, les démons sont un peu comme des spectateurs d'un bon film noir, ils se repaissent des vices et des drames en bouffant du pop-corn.
Le deuxième élément surnaturel, les réfugiés du Maëlstrom (grosso modo l'enfer) vient recouper le thème de l'exclusion : les "cornus", les créatures infernales, vivent dans une situation somme toute similaire à celle des noirs et des latinos. Ce traitement fait se rencontrer le merveilleux et le trivial. Exemple : ma voisine de palier, succube, fait le tapin et son mac la tabasse.
Dans un cas comme dans l'autre, le surnaturel, au lieu de dissoudre le Noir comme je le craignais, vient le renforcer en soulignant deux thèmes clés, le vice et la marginalité (doublée de pauvreté). La légèreté du surnaturel fait sa force et la greffe n'en est que plus réussie.
Si le surnaturel est présent, Hellywood est d'abord un jeu Noir. Ses codes, de Chandler à Ellroy, sont maîtrisés. Qu'ils soient savamment disséqués ou distillés page après page, ils deviennent immédiatement accessibles après une lecture de l'ouvrage.
Pour ne rien gâcher, le Ldb fourmille de pistes de campagne et chaque page apporte son lot d'idées de scénario, et même des pistes pour créer des dynamiques de groupe (l'agence de détectives privés Métropolis en fournit même un exemple très développé). Tout cela est à la fois pédagogique et inspirant. Le guide de la ville fournit quant à lui un réservoir à PNJ (de gris clair à gris foncé) qui ne peut qu'être utile et contribue à poser l'ambiance. Chose suffisamment rare pour être signalée, il n'a rien de fastidieux à la lecture.
Le système de jeu a achevé de me conquérir. Avec le système des caves et des paris (le système tourne sur une base de craps), il faut gérer la chance, ça donne une dimension stratégique au système. Deux mécanismes font coïncider le système avec le genre qu'il sert. Avec les natures, on est dans le "on n'échappe pas à ce qu'on est". Mais il y a aussi les f*ck*ng b*st*rd points ! Ces points s'accumulent lorsque le joueur "triche", c'est à dire relance les dés pour tenter de faire un meilleur jet. Ce qui est amusant, c'est qu'ils servent au MJ à coller des ennuis aux PJs au moment le plus critique. Avec eux, c'est le thème du "on peut tricher avec le destin, mais tôt ou tard, tout se paye". C'est particulièrement bien pensé : les traditionnelles emmerdes annexes que vient ajouter le MJ, le grain de sable dans le plan des PJs qui leur paraît toujours scandaleux, se trouvent ainsi justifiés. Si les emmerdes arrivent au mauvais moment, c'est la faute du PJ. D'un autre côté, le MJ se voit imposer une limite, une forme de contrôle contre l'acharnement. Mais surtout, cet effet d'accumulation des emmerdes contribue à faire basculer la table de jeu dans l'ambiance du Noir, et les joueurs s'en régalent eux aussi !
Des regrets ? Pas vraiment en fait. Si, j'aurais bien aimé une table des dommages sociaux et des dommages mentaux et un exemple de pacte démoniaque, mais c'est bien tout ce que je peux reprocher à l'ouvrage. Il faut encore ajouter qu'il possède une réelle personnalité graphique, servie par le trait fantômatique et glacé de Stéphane de Caneva et les portraits au vitriol de Le Grümph.
Me voilà conquis !
Je suis amoureux, c'est dit, c'est fait, c'est officiel. Ça n'était pas gagné, le thème me parlait sans plus, le mix film noir / bestioles démoniaques me semblait périlleux, ce que j'entendais du système de jeu ne me semblait pas très engageant. Comme quoi, les a priori... Après lecture, je suis donc amoureux de ce jeu, qui rejoint directement le top 3 de mes meilleurs JDRs !
Si je devais résumer en deux mots, je dirais subtilité et cohérence. On sent bien qu'il y a des années de maturation et de remaniement pour arriver à un produit où tout est abouti. Les textes sont agréables et clairs et vous transportent directement dans l'ambiance d'Heaven Harbor, la ville qui donne corps à Hellywood. D'ailleurs, cette ville qui occupe 90 des 224 pages d'Hellywood est vraiment un modèle de ce qu'un sourcebook réussi doit être.
Le mix entre la description des lieux, la présentation des PNJs, et les intrigues et forces en présence est tout simplement parfait, et très très agréable à lire. Les conseils de jeu et de maîtrise sont pertinents et efficaces, les deux scénarios sont exactement dans le ton, et permettent de placer les joueurs face à face avec ce qu'est vraiment le Noir. Enfin, le système, qui mêle hasard, via les bases du craps, et prise de risque, est en osmose avec le monde, jusqu'au principe des points de (mal)chance, et la roulette russe, géniaux.
Pour conclure, juste une phrase qui pour moi dit tout : "réussir à se relever, ne serait-ce que sur un genou, quand tous les autres ont jeté l'éponge : voilà ce qui définit vraiment un tough guy".
5 étoiles, direct ! Véritable coup de coeur, Hellywood, jeu que je n'attendais même pas, est à lui tout seul un véritable événement ludique... C'est même une petite révolution.
Fond et forme d'une extrême finesse, traitement brillant et intelligent, Hellywood est, pour moi, la quintessence de deux genres qu'on a maintes fois tenté de réunir en jeu de rôle, à savoir le Film Noir et le Fantastique, sans jamais pleinement arriver à les exploiter.
L'univers de base, à savoir la ville Heaven Harbor, est entièrement décrit dans le livre. Cette ville regorge de petits secrets croustillants et de PNJ qui vont vite devenir des figures importantes et récurrentes dans vos parties.
Les règles, très courtes, sont un peu surprenantes à la première lecture, mais lorsqu'on tente une seconde lecture et qu'on s'aperçoit que ce n'est pas la peine parce qu'on avait déjà tout compris la première fois...alors là je dis bravo. Je n'ai qu'une hâte, c'est de les essayer.
Quant à la description de ce qu'est un univers de Film Noir et les conseils pour les meneurs (appelés ici la Voix Off... j'adore !), ils sont bien dans le ton, magnifiquement bien expliqués et traités. J'en profite pour féliciter les auteurs pour leur style d'écriture : le jeu se dévore comme un roman... même quand il s'agit de décrire les règles ou de donner des conseils.
Mais ce qui m'a réellement plu, c'est qu'il y a dans Hellywood une évolution de la manière de jouer ou de mener une partie. On sait tous que les joueurs ont des automatismes, qu'ils fonceront vers le grand méchant lors de leur toute première rencontre, qu'ils ne se laisseront jamais faire prisonniers, qu'ils ne courberont jamais l'échine comme cela arrive souvent dans les bon polars. Et là les auteurs ont réussi le pari de doter Hellywood de principes ou de règles (courtes et simples, rassurez-vous) vous permettant de pallier à tout cela : les joueurs se feront parfois passer à tabac, ils devront pousser leurs investigations encore plus loin avant de pouvoir s'en prendre ouvertement au grand méchant de leur aventure.
Bref en cela, Hellywood est un exemple pertinent de ce qu'est une bonne dramaturgie. C'est à dire que roman, film ou BD, ce qui fait généralement le sel de héros hors du commun, c'est le nombre ou la taille des obstacles qu'on met devant eux et la manière dont ces mêmes héros tentent de les franchir. ce qui, dans le fond et la forme, est le principe même d'une bonne partie d'Hellywood.
Pour conclure, c'est un jeu brillant et simple à jouer, bref une merveille, mais qui s'adresse peut être à des MJ plus expérimentés que d'habitude.
C'est la première fois que je poste une critique, mais face à ce petit bijou, français de surcroit, je me suis dit qu'il fallait que je me sorte les doigts de l'a... et que je face de la pub à ce chef d'oeuvre... et je pèse mes mots.
D'abord je tiens à rassurer tout le monde: le pentacle sur la couverture et le Hell dans le titre n'est pas le signe d'un énième ersatz raté de Kult et consort.
C'est avant tout un cadre de jeu redoutablement cohérent dans le Los Angeles, pardon Hellywood, de la fin des années 50.
Cohérent, c'est le mot qui me revient le plus souvent pour évoquer Hellywood. Cohérent comme l'histoire de la ville et de l'intégration rapide mais agitée des différentes vagues d'immigration jusqu'à celle de nos amis les cornus. Nouveaux venus tout droit sorti d'une dimension parallèle, assimilé à l'enfer par l'humain moyen, ils n'échapperont pas aux rixes des WASP comme avant eux les chinois, noirs ou latinos.
Le cadre est donc précis et solide, pas du tout matuvu (pas de fire ball, ni de célérité).
La description de la ville est un vrai bijou, d'abord un survol rapide de l'ensemble des quartiers, puis on détaille chacun d'eux et la zone d'influence qu'il représente (finance, politique ou industrie)le tout accompagné d'une palanqué de PNJ.
Les conseils au MJ sont très intéressants et guident vraiment à la construction de sa campagne.
Les inspirations sont celles de véritables fans du genre Noir et c'est un plaisir de lire l'analyse du genre par les auteurs du jeu.
Enfin la plupart du livre est le récit à la première personne d'un ex-flic, on prend donc un plaisir certain à la lecture et l'immersion dans le genre est totale.
Seul bémol, je n'ai pas eu le temps de tester les règles mais en l'état elles me semblent un peu trop présentes dans le jeu et encombrantes (notamment dans la gestion des caves), mais c'est un détail, de plus les échos semblent indiquer qu'un fois habitué, le craps devient une seconde nature!
Jeter vous sur jeu, même si vous n'êtes pas MJ ou que vous n'avez pas le temps de vous lancer sur un nouveau jeu, le plaisir qu'on en retire à la lecture est largement suffisant !!!
Kramble
Ajouter du surnaturel à un décor pour le rendre plus sexy, c'est une vieille recette. Même les auteurs de la Bible l'ont fait. Alors mettre des démons dans un polar, c'est pas nécessairement ce qui me faisait saliver dans Hellywood. J'avais en tête Ellroy, Chandler, Himes, Hammett, McBain, Izzo, Connelly... et je n'avais pas envie de mixer ces auteurs avec des démons façon In Nomine Satanis. D'où une certaine peur en ouvrant le livre.
Heureusement, Hellywood ne propose pas des démons dans la tradition chrétienne. J'avais peur qu'ils servent à expliquer la noirceur du décor, mais au contraire, ils ne sont que des catalyseurs de la perversion humaine. C'est même surprenant de voir à quel point la population des cornus n'a pratiquement pas d'influence sociale sur la ville. Ils ne sont que des immigrants de plus, au même titre que les mexicains ou les grecs. Et j'aurais aimé en savoir plus sur eux. Les succubes peuvent être procréer ? Existe-t-il des golems féminins ? Les Mormons considèrent-ils que les cornus ont une âme ? L'anatomie de ces êtres est-elle la même que celle des humains ? La mort est-elle définitive pour un golem ou bien un Asservi peut-il redonner vie à cette enveloppe ? Les cornus fêtent-ils la date anniversaire du Jour des Cendres et si oui, comment ? Si je saoule un seraphim pour qu'il ne raconte sa vie d'avant, cela va-t-il ressembler à un tableau de Jérome Bosch ? Hellywood ne veut tellement pas mettre trop en avant l'aspect surnaturel qu'il en est presque avare, un comble.
La description à la première personne de Heaven Harbor rend la découverte du décor très plaisante. On se faufile dans les rues sordides très facilement. Loin d'étouffer le lecteur, le texte évoque, donne des pistes, étale les clichés et la ville prend immédiatement vie. L'impression de déjà-vu devient une alliée. Il serait vain de vouloir tout retenir par coeur pour maîtriser, mais il y a de quoi se lancer rapidement, et c'est une qualité énorme. Un nom de bar, une famille de mafieux irlandais, une vague affaire qui sent le souffre et zou, l'histoire débute comme dans un polar.
Le polar étant souvent une affaire de gars solitaire, le MJ va devoir bosser sérieusement pour faire une table cohérente. Le livre offre des pistes pour créer des groupes de PJ (agence de détectives, brochettes de flics, section du FBI, famille de mafieux...) mais je m'imagine mal rendre l'ambiance du film ou roman noir avec 6 joueurs autour de la table. Ça demande une certaine intimité ou un MJ qui sait jongler avec une narration à la Tarantino sans que les joueurs inactifs s'ennuient.
Mais en plus d'un ville fictive prête-à-jouer, d'un système de jeu, de prétirés, de deux scénarios, Hellywood offre une vraie réflexion sur le roman et le film de genre. Pas juste trois titre de films introuvables, non, il y a une analyse des thèmes, un panorama des oeuvres classiques, des conseils de lecture/visionnage pour appuyer sur tel aspect du jeu. C'est non seulement excellent pour maîtriser, mais c'est aussi instructif d'un point de vue littéraire, sans verser pour autant dans Le polar pour les nuls.
En plus de me délecter des hommages appuyés aux pères fondateurs du genre, en lisant Hellywood j'ai retrouvé le goût de la série télévisée Brimstone qui suivait un flic mort engagé par le Diable pour retrouver des âmes ayant fui l'Enfer. Bref, j'ai l'impression que le jeu a été écrit tout spécialement pour moi par des gens qui me connaissent.
J'adore la période traitée, elle est bien détaillée, très bien documentée, bien décrite.
Le système de jeu est excellent car il est parfaitement intégré au monde et aux personnages.
Les scénarios donnés sont d'assez bonne qualité mais le premier scénar n'a rien d'exceptionnel même pour un scénar d'intro. Le second lui est bien meilleur heureusement.
Les illustrations sont très bonnes, mais on peut ne pas aimer.
Là où j'ai un problème c'est avec le rajout du fantastique. Les auteurs ont voulu quelque chose de subtil mais les créatures sorties du Dédale sont tout sauf subtils, succubes exceptées et encore mal maquillées.
L'idée d'avoir inventé la ville dans laquelle se passe le jeu est super dans la mesure des libertés ont été prises. Par contre il est franchement dommage et improbable d'imaginer que le gouvernement de l'époque aie pris une décision d'inclure les "démons" dans la société et en faire des CITOYENS (on est aux Etats Unis rappelons-le). Mais bon admettons, dans ce cas cela aurait dû avoir une ENORME influence sur le reste du monde : on est tout de même sur la preuve que l'idée de l'enfer existe et que l'ouverture de l'enfer c'est pas rien.
Soit on y va franchement et on même l'idée jusqu'au bout et on change aussi la face du monde, ce qui sera peut être décrit dans des suppléments, ou alors on reste subtil,ce qui est apparemment le postulat de départ, et on fait en sorte d'étouffer l'affaire, ce qui n'est plus possible avec les prochains supplément vu la création d'un quartier de "démons". La pirouette c'est de dire : les gens semblent avoir oubliés le « jour des cendres ».
Au final on est face à un excellent jeu avec des supers bonnes idées mais après lecture il y a un côté inachevé, on navigue entre deux univers, c'est pas franc du collier dans un sens comme dans l'autre. Des fois c'est subtil et des fois carrément pas. Et certaines idées de backgrounds tombent un peu comme des gros cailloux dans la soupe.
Je vais devoir adapter le jeux à la sauce KULT ou encore UNKNOWN ARMIES pour pouvoir lui donner l'ambiance que ce jeu aurait dû avoir selon moi, et qui est la raison pour laquelle je l'ai acheté. J'ai donc été déçu que le background soit si inégal et, selon moi, improbable, surtout du point de vue du fantastique. Il mérite un bon 4/5 mais j'ai été très déçu par l'aspect du jeu qui m'a fait l'acheter. Quand on pense qu'ils ont tout de même sortie un bijoux comme Patient 13...
Excellent. Tout simplement.
Je n'y vais pas par quatre chemins. Un grand jeu et une grande réussite éditoriale.
Faire un jeu aussi dense avec un univers inspirant, très détaillé, directement exploitable avec un système efficace, original et au service de l'univers dans un bouquin de 224 pages, c'est un tour de force.
John Doe est habitué à un standard de qualité élevé mais là, cela tient du chef d'oeuvre.
Je suis d'autant plus bluffé que mes a priori étaient plutôt réservés. Mais comme dans tout bouquin « Noir », les apparences sont toujours trompeuses.
En résumé :
- La description du cadre de jeu (Heaven Harbor, incarnation de la « Ville » dans le Noir) est fabuleuse. 122 pages totalement immersives. On a vraiment l'impression d'être un initié qui connaît la ville de l'intérieur. C'est le point d'orgue. Dans le Noir, la "Ville" est le personnage principal. Ici, on tâte le pouls de la Ville : ses lumières, ses ombres, sa géographie, sa politique, ses petits et grands acteurs. Du grand boulot. Un modèle. Après cela, les idées de scénarios et de magouilles devraient s'embouteiller dans le cerveau de tout meneur, la "Voix off" dans le jeu.
- Le système : efficace et original. Pas encore testé en jeu mais cela promet beaucoup. C'est assez différent des systèmes classiques donc cela demande probablement un peu d'adaptation mais cela semble totalement au service du style de jeu.
- Les scénarii : c'est peut-être là le très petit point faible du bouquin. Les 2 scénarii ne sont pas super originaux. En même temps, le "Noir" est un cadre très codé et c'est les interactions entre les personnages et leur environnement qui font la richesse et l'originalité du décor et de ce point de vue-là, le meneur a toutes les cartes en main pour réussir l'exercice. Le premier est un poil léger mais pas mal pour réunir les personnages. Le second est plus ambitieux, mêle mieux la touche surnaturelle même si on a le sentiment que celle-ci n'apporte pas une originalité maximale. C'est du pur "noir" et, bien préparé, il peut donner un joli boost à une campagne en même temps qu'un bon coup de pied dans la fourmilière du Milieu. A utiliser après quelques scénarii, je pense. Bref, sur le fond, les 2 scénarii font dans le classique mais le font bien et c'est peut-être pas un mal pour une prise en main.
- Les prés-tirés. En général, comme les conseils de maîtrise, c'est sans grand intérêt et cela mange de la place. Ici, les personnages sont très bien ficelés. Ils incarnent un figure du noir, ce qui permet de les prendre en main sans effort et les relations entre eux sont très bien trouvées. Il ne doit pas falloir longtemps pour que de chouettes et complexes relations se mettent en place entre PJs. Une très bonne surprise.
- Les conseils : ils sont très bien faits et donnent les clefs du genre et de ses sous-catégories. Très instructif et très bien documenté. Une vraie aide de jeu.
Reste la question de l'intégration du surnaturel. J'avoue que ce point me rebutait franchement avant la lecture. En fait, c'est intégré avec subtilité et le choix de son intégration est expliquée très intelligemment par l'auteur. Cela permet d'élargir la palette sans tomber dans le grand-guignolesque qui semblait guetter.
Et puis, si vous n'êtes pas convaincu, il est extrêmement simple de supprimer cette dimension.
Donc si vous avez passé des nuits agitées à la lecture du quatuor de Los Angeles de James Ellroy, ce jeu est fait pour vous. Cops s'est aventuré sur ce créneau avec brio mais cela implique l'achat de pas mal de suppléments et pas mal de préparation : lecture et fichage pour maîtriser "La Ville", L.A. en l'espèce.
Tour de force, Hellywood y parvient parfaitement en une centaine de page.
De même, si vos penchants vont vers le "Noir" old school et que Humprey Bogart a accompagné vos souvenirs cinéphiliques, vous vous y retrouverez très facilement et pourrez mettre en scène vos personnages et intrigues sans effort.
Enfin les adeptes de visions moins réalistes entre "Angel Heart" et "Sin City" y trouveront leur bonheur : les Cornus pour Angel Heart et un système efficace à souhait pour les fans de Miller / Rodriguez.
Bref, qu'attendez-vous pour venir parcourir les rues d'Hellywood ?
Décidément, le Noir est un mauvais genre. Considéré comme de la littérature de seconde zone et du cinéma de série B pendant longtemps, même en jeu de rôle il n'avait pas su trouver sa place, à part dans un jeu confidentiel - Noir: the film noir RPG - depuis mort de sa belle mort.
Il faut dire que le genre Noir n'a rien pour plaire au rôliste moyen : pas d'exploits héroïques, de monde à sauver ou de secrets occultes à révéler. Plutôt des enjeux locaux et terre-à-terre, comme sauver sa peau parce qu'une mallette pleine de billets est entrée en votre possession par hasard. Or voilà qu'on assiste à la sortie de deux jeux consacrés explicitement au genre, The Edge of Midnight et Hellywood. Et le petit format d'Hellywood cache un très grand jeu.
Déjà, dès la couverture avec son noir et blanc contrasté, le ton est posé : Noir, c'est noir. Rappelons pour la petite histoire que le terme "film noir" avait été introduit par les critiques français pour désigner les éclairages particuliers de certains films américains présentant des contrastes forts dans les lumières. A l'intérieur, la mise en page est impeccable et très dense : il y a du texte en quantité et on en a pour son argent ! Le petit format est particulièrement plaisant. Les textes sont extrêmement bien écrits, cela fait plaisir de lire un français agréable dans un ouvrage de jeu de rôle...
Le parti-pris du jeu est de présenter l'univers du jeu, qui se limite en fait à une seule ville, Haven Harbor, via le regard subjectif d'un ancien flic. Le résultat est impressionnant et le second chapitre du jeu, une longue description de la ville et de ses habitants, est une totale réussite. Jamais je n'avais vu une ville décrite de façon à la fois si précise et si vivante. La fidélité à l'esprit du genre Noir est totale - c'est plus ellroyien que du Ellroy ! - et il y a des idées à chaque page.
Bon, et ces démons alors ? Ce n'est pas incongru ? Et bien non ! A vrai dire, le jeu pourrait être parfaitement joué en enlevant la Forbidden City et les démons. Simplement, leur présence rajoute un côté ludique supplémentaire, de nouveaux ressorts dramatiques... et aussi un supplément de style ! N'allez pourtant pas croire que Hellywood est un jeu occulte contemporain avec des secrets à découvrir sur les démons et leurs maîtres, vous seriez déçu. Rien de tel dans le jeu, et c'est tant mieux !
Le système de jeu, présenté dans le troisième chapitre, est basé sur des mécanismes originaux pour essayer de représenter au mieux l'ambiance noire. Il m'est difficile de parler du système car je ne l'ai pas testé, mais il me semble avoir été bien pensé et comporte des idées extrêmement intéressantes comme le mécanisme de roulette russe. Par contre comme tous les systèmes "à réserve", il nécessite un savant dosage de la part du MJ pour savoir quand les personnages doivent "recaver" (recharger leurs réserves). A tester, donc.
Le système de création de personnage est par contre très bien fait. En plus, on ne crée pas de PJ à Hellywood... On crée un tough guy ! C'est quand même plus classe, non ?
Dans le quatrième chapitre, on a droit à une présentation du genre noir bien faite et assez complète. Les auteurs connaissent leur affaire et en parlent très bien. Et pour une fois les conseils de maîtrise ne sont pas du blabla mais comportent de nombreuses idées utiles. Enfin, deux scénarios concluent l'ouvrage. Ils sont plutôt réussis et en plein dans l'esprit hardboiled : le premier est assez classique, c'est un bon scénario d'introduction, et le second est tordu à souhait, comme une histoire de Dashiel Hammett !
Au final, Hellywood est une totale réussite et un jeu d'une rare fidélité à son sujet. D'un point de vue plus subjectif, je dirais que ce jeu dispose à mes yeux de plus d'une qualité peu commune : il a du style. Bref, si le genre vous plaît, si vous aimez Hammett, Ellroy, Bogart et les vieux films en noir et blanc du cinéma de minuit, je ne vois pourquoi vous n'enfileriez pas votre vieux trench-coat et votre chapeau mou pour aller arpenter les rues sombres d'Haven Harbor.
Hellywood est un très bon jeu auquel je n'ai hélas pas vraiment adhéré.
Ce n'est certainement pas la faute au style d'écriture. Le jeu se laisse lire, c'est fluide, subjectif (on écoute un ancien flic nous présenter son univers), agréable tout en restant assez concis.
Ce n'est pas non plus à cause du système, certes assez effrayant de par son originalité mais vraiment lié à l'univers, entre une mécanique proche du craps, des réserves reflétant une société basée sur l'encaissement des coups, des professions remplaçant les habituelles compétences pour une gestion plus souple et une caractérisation immédiate du personnage (j'ai été videur quelques mois, avant ça j'ai fait un peu de musique dans un bar etc)...
Non, ce qui me gêne c'est le fait d'être laissé entièrement libre sur le type d'aventures que je ferai jouer. La partie critique sur le genre "Noir" va des vieux Boggart à Sin City, de Chandler à Ellroy. La description de la ville s'efforce de détailler un maximum de lieux et mêle géographie, société, et personnalités - j'ai d'ailleurs tendance à ne pas m'y retrouver. Les scénarios eux-mêmes vont de l'enquête policière aux conflits inter-mafia. Bref je peux tout faire jouer à Hellywood, mais il me manque à chaque fois des informations pour le faire. Le monde n'est pas vu de la même façon par des mafieux que par des détectives, pour faire vivre un quartier je dois l'inventer...
J'aime savoir ce que je joue ou quels personnages je fais jouer. En l'état, Hellywood est parfait pour des one-shot avec des prétirés tortueux, mais je me vois mal faire jouer sur la durée. Peut-être que la sortie de la campagne me fera changer d'avis et me donnera un angle d'approche ?
Critique écrite en mai 2009.
Gros coup de coeur.
J'ai pas mis 6 (ou plus) parce qu'on peut pas... Je l'attendais depuis longtemps et il a dépassé mes espérances.
La forme : c'est du John Doe. Si c'est pas assez parlant, allez donc voir un oeil sur leurs différentes productions...
Le fond : c'est dense ! Une ville décrite par le menu. Les règles auxquelles les joueurs même novices s'adaptent bien sont déroutantes mais tournent à merveille. Je suis assez fan des niveaux de dramaturgie des jets (shotgun/mises/gros moyens), cela permet de réguler l'importance des jets. Les PJ sont très typés avec des règles élégantes pour la gestion des contacts et des ressources. Le gros chapitre de conseils et de synthèse sur le genre Noir est éclairant. Le tout est farci d'inspis et d'idées pour ses scenarios.
Que du bon !
Critique écrite en juillet 2009.
Sur le fond : le background général est un peu confus et parfois alambiqué mais bon ce n'est pas réellement un problème, car Hellywood est avant tout un jeu d'ambiance "immédiate" où l'on se contrefiche des fondements de l'univers tel qu'il est. Ce qui compte c'est le présent crade, rude, violent et noir ... la lecture des différents chapitres est très immersive et donne envie de se plonger dans la moiteur de cette ville et de se frotter à ses nombreux et étranges PNJ (un des gros points forts du jeu repose sur l'abondance de personnes peuplant et donnant de la substance à cette sombre ville). En bref j'adore cet environnement propice à de sombres tribulations où les perso ne sont pas tout blanc et les méchants ne sont pas tout noir (ici il n'y a que des nuances de gris).
Sur la forme : le livret et les illustrations sont en adéquation avec l'ambiance du jeu. Le système de jeu est assez moyen mais dispose de petits trucs bien sympa : les "f*ck*n b*st*rd points" et les flash-back pour le côté ludique, la roulette russe, ... Pour ma part j'ai repris ces petits trucs que j'ai calqué sur mon système de jeu perso et ça roule très bien !
En résumé un jeu pas cher (pas besoin d'une multitude de suppléments pour jouer), au thème riche et accessible à la fois ou le rôleplay est jouissif. Une franche réussite
Critique écrite en août 2009.
Hellywood est un jeu de rôle je ne vous apprendrai rien, et pourtant lors de ma première lecture je l’ai littéralement dévoré comme on le ferait d’un excellent polar noir. Le style utilisé par les auteurs est tel que l’on se retrouve en quelques lignes projeté dans un monde où corruption, police et démon se mélange dans un habile cocktail, de ceux qui vous emmènent à la délicieuse ivresse sans vous saouler.
Ce n’est pas peu dire que ce jeu est une claque, la galerie de portraits est une véritable mine d’inspi. On pourrait faire un scénar rien que pour mettre en scène un seul des personnages proposés.
La ville tentaculaire d’Heaven Harbor est là qui palpite, agonise, tressaille au milieu d’une noirceur sans nom. Déambuler au fil des pages plonge le lecteur dans une ambiance très particulière et l’on a bientôt plus qu’une envie : jouer, faire jouer.
Et le système, quelle riche idée de l’avoir aussi intelligemment harmonisé avec le monde. J’ai particulièrement aimé le principe des caves, des f.. bast.. points et de la roulette russe qui ont le mérite de renouveler la gestion des actions des personnages. Rarement un système ne m’avait laissé une telle impression de cohésion avec l’univers pour lequel il a été conçu.
L’univers mélange les influences livresques, cinématographiques et musicales. Le chapitre de conseils est un modèle du genre à la fois pédagogique, didactique et jouissif. Les auteurs aiment le noir et ils savent faire partager leur passion.
Quant au mélange polar et fantastique, c’est une réussite car le dosage est parfaitement équilibré comme dans les meilleurs bourbons à la fois fort et gouteux.
Ce jeu a reçu éloges et récompenses, à sa lecture on ne peut qu’affirmer que c’est amplement mérité.
Critique écrite en août 2009.
Quelle agréable lecture que celle d'Hellywood ! A une époque où je me replonge justement avec le plus grand plaisir dans les romans et jeux de hardboiled, c'est un excellent ouvrage que nous propose John Doe. Petit décorticage...
Après quelques premières pages laborieuses, qui ont peiné à me mettre dans l'ambiance, on attaque un historique de la ville sous l'oeil averti d'un ancien flic devenu détective et qui prend le soin d'agrémenter ses points de vue très personnels d'anecdotes diverses et variées. C'est un style risqué mais qui fonctionne bien ici. D'emblée, on ressent l'histoire d'Heaven Harbor comme si on l'avait vécue et l'empreinte du Noir nous submerge. Je suis vraiment entré dans Hellywood à cet instant. Pas pour longtemps hélas, car la description historique cède le pas à une description des quartiers qui, si elle commence bien, sombre bien vite dans le catalogue haché menu. Le plaisir de lecture s'en trouve diminué et c'est la mort dans l'âme que je laisse certains éléments de côté pour y revenir plus tard. Les encadrés sont néanmoins intéressants et nous renseignent sur les habitants de la cité, leurs us, leurs vices, leurs rêves... Bref, c'est une lecture passionnante mais qui, du fait de son découpage, colle moins au style narratif que les auteurs ont voulu lui donner. Ne vous y trompez pas toutefois, cela tient du détail ! Heaven Harbor demeure une communauté passionnante et ces pages regorgent d'informations idéales pour lancer de grands scénarios.
Côté système de jeu, auquel on arrive rapidement, je vais être moins élogieux. Alors certes, il a l'air extrêmement sympathique, en adéquation avec l'ambiance, basé sur un principe original. J'ai moi aussi été conquis à la lecture. En jeu en revanche, c'est une autre paire de manches. Le système devient vite pesant. D'un côté, il met pas mal de pression sur les joueurs de par son système de paris (et c'est bien) mais de l'autre il instaure une tension de tous les instants à la table, même lorsqu'on s'en passerait volontiers (et là, c'est moins top). D'autant qu'au final, cela ralentit considérablement les jets. A côté de ça, le MJ se doit de jauger très, très précisément les rencontres, car un peu trop faibles et les joueurs s'en sortiront sans peine, un peu trop fortes et ils seront incapables d'agir dès le premier affrontement. Et c'est là aussi que ça pêche sérieusement. Des joueurs incapables d'agir une fois leur "cave" épuisée ? Un concept que j'espérais ne jamais revoir. Pire ? Le MJ (si si, le type qui tente déjà de faire comprendre aux joueurs qu'il n'est pas leur ennemi) peut autoriser un joueur à continuer à agir en tablant sur une autre cave... Comment lui dire non ? Du coup, on se retrouve avec des réserves de "pv" un peu étranges et bien pleines, qu'un joueur astucieux saura utiliser jusqu'à son dernier petit point. De quoi créer des situations improbables ou, pire, une mauvaise ambiance à table. Il s'agit là de mon expérience personnelle, certains en ont probablement eu une meilleure, mais je ne saurais trop insister sur le fait que ce jeu est exigeant de la part du MJ et des joueurs. De gros efforts doivent être consentis des deux côtés, et quand on s'efforce déjà d'instaurer une ambiance à table, ça me parait difficile.
On termine avec deux aventures bien pensées, mais sans plus. Le monde du hardboiled contient tellement d'excellentes références qu'on ne peut s'empêcher d'y comparer ces scénarios, et forcément, c'est pas du grand art. Mais franchement, peu importe ! Sortez vos vieux Ellroy, relisez vos Chandler, matez les films si vous n'avez pas le temps d'ici la prochaine séance... vous y trouverrez toutes les idées nécessaires. J'en profite pour rajouter un petit mot sur la touche de fantastique apportée à Hellywood : ni en bien ni en mal. Le fantastique est discret, subtil et ne vient pas gâcher l'ambiance si savamment instaurée jusque là à Heaven Harbor. Mais apporte-t-il vraiment quelque chose ? Pas vraiment, et à force de nous marteler que les Asservis n'ont rien changé, les auteurs finissent par nous en convaincre. A quoi bon cette touche de fantastique ? Elle ne dérange pas vraiment, mais est-elle seulement là pour satisfaire nos envies de surnaturel rôlistique ? C'est dommage, mais j'en ai eu l'impression. Ceci dit, si on veut se rejouer Los Angeles, futur immédiat, Hellywood vous en donne les moyens. Ca reste donc un petit plus, mais petit. Rien de transcendant, mais encore une fois rien de dérangeant non plus...
Au final, pas mal de critiques pour un 4 quand même. Pourquoi ? Parce qu'en termes de hardboiled, je suis extrêmement exigeant et que mes critiques sont réellement du pinaillage, parfois poussé à l'extrême. Parce qu'en termes de système de jeu, je suis également exigeant et que je le sais. Mais surtout parce que si j'ai acheté Hellywood, c'est avant tout pour son univers. Et là, ne vous y trompez pas, c'est un beau 5 qu'il mérite. Heaven Harbor contient tout ce qu'il faut pour vous faire rêver puis vous arracher vos illusions de la plus abjecte des manières. C'est un formidable cadre de campagne bourré de pistes de scénarios passionantes, qui servira aussi bien à un one-shot qu'à une campagne. Mon plus gros bémol va donc au système de jeu, original soit, mais peu intuitif. Qui sait ? Peut-être que quelques parties de plus m'auraient aidé à mieux l'appréhender. D'autant qu'il n'y a pas que du mauvais... les historiques sont bien pensés, ainsi que d'autres aspects. Mais quand la mécanique centrale est défaillante... enfin bref. Excellent setting, système buggé, aventures correctes, et rajoutons pour la fin illustrations superbement glauques, sombres et parfaitement dans l'ambiance. Un jeu qui table donc sur l'ambiance, l'ambiance et l'ambiance. Le hardboiled, ça n'est que ça ! Du sang, de la sueur et des larmes, dans l'atmosphère d'un monde qui s'effondre autour des (anti)héros. Avec Hellywood, vous aurez de quoi faire !
Critique écrite en janvier 2011.
Voilà un jeu qui donne envie et qui fait passer à l'acte.
L'univers est fort, avec une belle identité et facile à s'approprier. Le mélange Hollywood/monde occulte fonctionne bien et tout le monde peut vite s'y retrouver et s'y intégrer. On a tous des images qui fonctionnent et qui collent avec ces univers.
Le jeu est bien écrit, les règles sont souples et savent se mettre au service de l'ambiance.
Bref, que du bon mais un regret tout de même : le manque de suivi. Bientôt comblé ?
Critique écrite en février 2018.
Hellywood fut une petite bombe au moment de sa sortie, car il abordait une thématique peu usitée dans les jeux de rôle francophones : le hardboiled (roman noir, film noir, etc.).
Avec un ton proche des romans de Ellroy et une esthétique à la Sin City, il proposait de jouer dans une ville imaginaire de la côte ouest des USA du nom de Heaven Harbor. C'est un condensé de LA ville américaine (les auteurs la présentent comme un monstre de Frankenstein, un agglomérat fantasmé de tous les éléments constitutifs du polar). La description de ce cadre de jeu est faite par le menu, faisant internvenir une foule de PNJ et de lieux. Cet "atlas" aussi bref qu'évocateur est le plus grand tour de force d'Hellywood.
Mais là où on aurait pu craindre quelque chose manquant de cohésion, une vraie cohérence est amenée par le contexte qui a rapproché l'Enfer de la Terre. Dans Hellywood, la ville est peuplée de démons mais qui sont (mal)traités comme une minorité supplémentaire de l'Amérique des années 50 (à la manière des afroaméricains, des homosexuels, des communistes, etc.). C'est à la fois original (les démons ne sont pas "méchants" mais subissent la maltraitance des humains) et un peu frustrant (on présente des personnalités hautes en couleurs mais leur nature même ne sert à pas grand chose). Même si je comprends bien le postulat voulant que la "corruption" est inhérente à la nature humaine et ne vient pas de l'Enfer, créant une ambiguité morale intéressante en termes dramaturgiques et raccort avec le genre, la dimension fantastique du jeu est à mon sens sa principale faiblesse.
Les règles en revanche sont très originales. Elles se basent sur le poker de dés : des mises débouchent sur des issues à base de "oui", "oui mais", "non", "non mais", etc. Quelques mécanismes permettent de tricher avec les résultats obtenus. Ils s'inscrivent pleinement dans le genre qu'ils émulent (les flashbacks, les fucking bastard points, la roulette russe, etc.). Cela crée une symétrie plaisante en termes de fond et de forme permettant de générer une vraie ambiance de film noir autour de la table de jeu. En revanche, il faut de la pratique pour utiliser ces règles de manière fluide, principalement dans la manière de doser les difficultés et gérer les dépenses d'énergie des personnages.
Sans être révolutionnaire, le scénario du livre de base fait le job et crée un format qui sera repris par la suite. Le ton est également donné : de l'ambiguité morale et de l'enquête. À la fin, tout le monde y laisse des plumes. Vous voilà prévenus.
Critique écrite en avril 2019.
Journal personnel de Mike Doherty
16 janvier 1949
Me voici enfin à Heaven Harbor, aussi appelée ironiquement Hellywood. Située sur la côte Ouest, en Californie, cette ville est considérée comme la capitale mondiale du crime, des trafics illégaux et du désespoir. On dit qu'ici la pluie est toujours noire et froide et la chaleur de l'été si dense que les ventilateurs tournent au ralenti.
Mais c'est surtout le quartier de Forbidden City qui fait d'Heaven Harbor une ville totalement à part. Lors du Jour des Cendres, la brèche ouverte vers le Maëlstrom y a été plus béante que partout ailleurs sur Terre. Séraphins aux visages androgynes, Golems à la gueule de pierre, Succubes aux sourires ravageurs ou Possédés aux enveloppes charnelles pâles comme la mort ont donc débarqué en nombre et peuplent ses rues à présent.
Bref, une véritable mine d'articles pour un journaliste comme moi. Dans quelques mois, j'aurai décroché le prix Pulitzer, j'en mets ma main à couper ! Oui, ma main à couper.
17 janvier 1949
Pour me servir de guide dans cette cité tortueuse et torturée, je me suis procuré un livre précieux rédigé principalement par Emmanuel Gharbi : 224 pages plutôt bien écrites. Quelques répétitions certes mais aussi des anecdotes croustillantes, un style qui colle à son sujet et beaucoup d'humour... noir bien sûr. Quant à l'ouvrage, on reconnaît la marque de fabrique des éditions John Doe (format, choix des polices...), un gage de qualité. Les illustrations, travaillées en aplats noirs et blancs, aident à créer une ambiance qui évoque parfois celles de Sin City (Frank Miller) ou de Hellboy (Mike Mignola) au niveau graphique. Puisqu'on aborde la question des références, Hellywood peut aussi être rapproché d'un comic comme Hellblazer qui met en scène le détective du paranormal John Constantine (personnage créé par l'immense Alan Moore), des romans de James Ellroy ou d'Angel Heart, le film d'Alan Parker.
Pour en revenir au livre lui-même, il contient tout le nécessaire pour vous lancer à votre tour dans l'aventure. Les informations sur la ville sont nombreuses et complètes (son histoire, sa géographie, sa sociologie) et l'auteur donne de nombreuses clés pour bien appréhender la vie à Hellywood. Il faut dire que l'ambiance, sombre et désespérée, y est radicalement différente de celle que vous avez pu connaître ailleurs. En tous cas, bien que des suppléments soient annoncés, vous avez déjà tout ce qu'il faut pour arpenter les trottoirs de la ville durant de longues heures sans vous ennuyer.
18 janvier 1949
J'ai fini hier de lire Hellywood et j'ai décidé aujourd'hui d'aller me rendre compte sur place de la réalité des choses. Et bien je peux vous dire que l'auteur n'avait pas exagéré.
Heaven Harbor, la grande scène sur laquelle les personnages s'agitent piteusement en attendant de voir de quelle manière les dieux vont les damner, est un condensé de tout ce que vous avez pu découvrir au fil de vos lectures dans les romans noirs ou voir dans les grands classiques cinématographiques du genre. On trouve par exemple à Hellywood des docks crasseux, un quartier des affaires alignant ses immenses buildings, un quartier chinois et un quartier italien et un quartier irlandais et un quartier noir, etc., pour autant de mafias, de gangs ou de bandes de voyous. Sur les pas du détective Terry Doyle, un ancien flic qui connaît la ville comme sa poche, ces rues n'auront plus aucun secret pour vous. Les lieux sont décrits en détails et ce sont des dizaines de personnages (hommes politiques ou d'affaires, financiers, maffiosi, truands, bibliothécaires...) qui vous sont présentés, des centaines de rumeurs et de « on dit » qui vous sont livrés, comme autant de chemins d'aventures, d'enquêtes à mener ou à empêcher.
Mais au-delà des différences de richesse qui séparent les prolos d'Hoboland des rupins de Remington Heights ou des différences de statut entre un flic et un truand, les habitants d'Hellywood ont tous un point commun : ils sont rarement de pures et bonnes âmes. Chacun a ses faiblesses, ses vices, ses secrets, ses compromissions. Ici, les chats ne sont ni noirs ni blancs, ils sont gris. Les héros eux-mêmes (et encore le terme de héros prête-t-il à discussion) cherchent avant tout à survivre, pas à sauver la veuve et l'orphelin. À moins que ceux-ci ne leur offrent une valise de billets contre leur protection.
19 janvier 1949
Si vous aussi vous voulez arpenter les rues d'Hellywood, vous devrez devenir un tough guy. À quoi reconnaît-on un tough guy ? L'homme a des caractéristiques bien sûr (comme Trogne, Bagout, Aplomb...) mais aussi un passé, des séquelles, des relations... Quant à la nature de ce hot chick (Ambitieux ? Alcoolique ? En quête de rédemption ? Flambeur ?), elle a une influence non seulement sur son comportement mais aussi sur ses capacités (bonus et malus sur certaines actions).
Il y a plusieurs sortes de tough guys. Certains sont des truands, d'autres sont flics, beaucoup sont flics et truands. Il y a bien sûr parmi eux de nombreux Cornus, on y reviendra, mais c'est la figure du détective privé qui domine. Enfin, on trouve parfois dans les rues des tough guys qui sont au départ des gens comme vous et moi (comme moi du moins, vous, je ne vous connais pas) et que le sort a frappé : la misère qui vous oblige à emprunter de l'argent à la mauvaise personne, votre petite fille chérie qui se fait enlever par un psychopathe...
20 janvier 1949
À Hellywood, si les lois sont théoriquement les mêmes que dans les autres villes de Californie, les règles, elles, sont bien différentes. À la base, comme disait mon vieil ami Jerry, la vie, c'est comme une partie de craps. On jette donc deux dés. Selon le résultat, on a près d'une chance sur quatre de rater (avec un 2, un 3 ou un 12), une sur quatre de réussir (avec un 7 ou un 11) et une sur deux de rester le cul coincé entre deux chaises (tout autre score). Bien sûr, plus un tough guy maîtrise son métier, plus il augmente ses chances de réussite ! Mais là où on reconnaît les hommes les vrais, ceux qui s'en sortiront de ceux qui se brûleront les ailes sur les néons brillants du Strand, c'est sur la mise. Car dans les moments critiques, il faut miser ! Et oui, à Hellywood, comme disait mon vieil ami Jerry, la vie c'est comme dans un casino. Vous devrez donc placer les points de votre cave (plus ou moins élevée en fonction de vos compétences) pour essayer de faire sauter la banque et/ou vider la cave de vos adversaires.
Si tout cela ne suffit pas, il existe de nombreux moyens de ruser. Mais des moyens dangereux, comme le « quitte ou double » avec la méthode de la Roulette russe : une chance sur six de mourir et cinq de s'en sortir, puis deux sur six de bouffer les pissenlits par la racine et quatre de s'en sortir, puis trois sur six, etc. Est-ce que vous aurez assez de tripes pour ce jeu ?
21 janvier 1949
Si vous pensez Heaven Habour, vous pensez trafics de drogues, braquages, corruption, prostitution, recel, politiciens véreux, flics ripoux, blanchiment, tripots clandestins... Vous avez raison. Mais ce qui fait la différence entre cette ville et le Chicago d'Al Capone ou le New York de Corleone, ce sont les Cornus : Séraphins, Golems, Succubes, Possédés... J'ai commencé à enquêter là-dessus mais je n'ai pas tout compris sur leurs origines et la raison de leur venue dans notre monde. Ce n'est pas toujours très cohérent mais il faut dire aussi que ces êtres refusent de parler de leur passé dans l'autre monde et semblent même faire un véritable refoulement sur ce sujet tant leur vie antérieure y était terrifiante. Les Succubes étaient les esclaves sexuelles de leur maître, les Golems leurs travailleurs de force et les Séraphins probablement leurs messagers. Ce qui est sûr, c'est que ces êtres ont des capacités hors-normes mais qu'ils ne mènent pas pour autant la vie en rose à Heaven Harbor. On les regarde souvent de travers, quand ils ne sont pas victimes de propos racistes. Parmi ces venus du Maëlstrom, les Asservis, aux formes inquiétantes, sont un peu à part. Anciens lieutenants du Grand Maître de l'autre monde, ils disposent de réels pouvoirs capables de modifier en partie notre réalité, de manière toujours subtile, et se mêlent à Hellywood au grand jeu du pouvoir. Quant aux démons, on peut toujours les invoquer et essayer de négocier avec eux pour les mettre de son côté, ou du moins éviter qu'ils ne se rangent dans celui de vos ennemis. Mais leurs services ont un prix parfois bien lourd...
22 janvier 1949
J'ai rendez-vous avec un indic' qui m'a promis de me montrer le vrai visage d'Heaven Harbor en échange de quelques billets. De quoi commencer à rédiger mes premiers articles.
Le journal personnel de Mike Doherty s'achève ici. Six jours plus tard, son corps fut repêché dans la baie. Le Whispers qui vous dit tout avant tout le monde était sur place. Dans son édition du 29 janvier on pouvait lire : « Un cadavre de plus a été retrouvé hier dans l'embouchure de la Sio River. Les scarifications et les tatouages rituels qui ornent son torse mettent la police sur la piste de l'Indien. Plus étonnant, celui dont nos sources nous ont révélé qu'il était venu dans notre ville à la recherche de matière pour décrocher le prix Pulitzer avait la main coupée ! ».
On apprécie :
- L'ambiance bien retranscrite
- La densité d'informations
- Des règles adaptées
On regrette :
- Le côté fantastique, pas toujours abouti
- Quelques longueurs et quelques répétitions
Alcibiade (Jeu de Rôle Magazine n° 2)
Critique écrite en novembre 2009.
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