Livre de 320 pages, dont 224 en couleurs, à couverture rigide. Sous-titré Le Livre Univers.
Les Chroniques des Féals est divisé en deux parties distinctes. La première, en couleur, contient la description contextuelle du jeu. La seconde, en noir et blanc, contient le reste : règles, conseil au meneur, scénarios et autres.
Le livre débute par les pages de titre et de crédits, puis se scinde en trois grandes sections. L'introduction est constituée de la table des matière (1 page), de L'arpenteur des sombres sentes (2 pages), un texte de Mathieu Gaborit présentant le jeu et sa philosophie, et Naissance, une nouvelle de 4 pages, mettant en scène l'exposition d'un personnage au Néant.
Le Livre des Merveilles représente les trois quarts des informations contextuelles. Il est dépeint comme étant l'œuvre d'un érudit, et pouvant donc contenir des informations erronées ou incomplètes. Après 2 pages d'introduction, l'Histoire du M'Onde (6 pages) est rapidement brossée, de la création plus ou moins mythique aux mille dernières années dont les principaux événements sont mentionnés. Prologue à la fin du M'Onde (4 pages) fournit ensuite des informations générales, comme sur le temps ou les climats, et des pistes sur les évolutions du monde : ouverture des frontières ou, au contraire, communautarisme, crise monétaire et apocalypse.
Quatre pages sont ensuite consacrées au Néant. Contrairement à ce que son titre pourrait laisser entendre, ce chapitre ne donne pas des informations sur celui-ci, mais plutôt sur les fratries, ces groupes de personnages ayant un trauma et pouvant donc le combattre, ainsi que sur les armes à employer. S'y trouvent aussi des informations plus générales sur le monde : la monnaie, l'unité des hommes et ses fléaux, tels la famine ou la faible espérance de vie, qui les affligent.
Le reste du livre des Merveilles traite ensuite des différentes sortes de Féals, au sens large du terme, dans des chapitres de 16 pages basés sur la même trame. En premier viennent une description physique du peuple associé au Féals, puis quelques éléments sur la langue parlée et des données générales sur leur société ou leur comportement, regroupés sous le terme de préjugés. Des éléments spécifiques de la culture populaire sont ensuite exposés, ainsi que les merveilles qui sont les atouts du peuple, que ce soit des artisanats, des comportements sociaux ou d'autres faits importants. Le culte du Féals est ensuite présenté, en commençant par une description du Féal, tant physique que comportementale. Le culte officiel et les éventuels cultes dissidents sont ensuite abordés. Suivent le parcours initiatique d'un mimétique et les effets de la transformations, avant quelques informations sur la magie, qui est toujours divisée en deux voies. Un encadré d'une page portant sur un point précis de la société (un art, l'esclavage, le feu, ...), et un autre donnant un exemple de personnage mimétique, sont présents. La zone d'influence du Féals est ensuite présentée, carte à l'appui. Outre une description géographique générale, elle contient également une histoire, un examen de l'écologie ainsi que des foyers de populations, et une section sur les problèmes ou les évolutions en cours dans la région. Enfin, un encadré d'une page se concentre de façon plus précise sur une des villes.
Les Féals ainsi traités sont au nombre de dix :
Un dernier chapitre, les Hommes Libres (10 pages), a pour objet des groupes de personnes qui ont une influence mais ne sont pas liés aux Féals. Pour chacun sont fournis une histoire, l'implantation et l'influence qu'il possède, et les enjeux qui les intéressent. Sont ainsi traités les pélerins, qui possèdent des pyramides permettant de voyager par la foudre et ont une influence dans la plupart des grands moments de l'histoire, les Almandines, qui cherchent à collecter les morceaux d'Almandin, capable de contenir le Fiel des Féals, les Ilmures exilés au bord du monde, les Ferreux, qui sont des mercenaires professionnels et, enfin, les gardiens du saphir cherchant à acquérir et protéger des épées mythiques.
Le livre des Merveilles est complété par Les notes oubliées. Il s'agit d'informations écrites par un érudit qui a récupéré le Livre des Merveilles et est allé plus loin dans sa découverte du M'Onde. Après une introduction (2 pages), la Nouvelle Charogne (6 pages) est rapidement présentée avec sa géographie, sa structure sociale mais surtout une typologie des différents morts et un entretien de deux pages de l'auteur avec sa reine Scende. Le Néant (12 pages) est ensuite exploré, avec un court historique puis les mécanisme lui permettent d'apparaitre dans M'Onde et de l'attaquer. Ses diverses incarnations sont également présentées. Enfin le M'Onde Invisible (6 pages) expose la théorie des mondes parallèles, avec des exemples, et ses implications.
La partie contextuelle de l'ouvrage se finit par un Epilogue (2 pages) qui complète la nouvelle du début.
La partie technique, nommée Les Féals : Chronique d'un jeu est divisée en quatre sous parties. La Création de Personnage (7 pages) explique comment donner vie à un mimétique : choix d'un féal, puis d'une des deux voies mimétiques, répartition de points dans les dons et particules, répartition des points dans les traits, calcul des différents scores, répartition de points dans les compétences, puis détermination de l'historique, des possessions et du pécule. Une dernière étape définissant le trauma du personnage et le but associé peut être ajoutée en fonction de la teneur du groupe de personnages. Mécanismes du M'Onde (18 pages) expose les règles du jeu, y compris la corruption par le Néant qui peut atteindre les personnages, et est évaluer par des points de Néant. Conseils à l'usage de l'exodin contient 5 pages concernant des thèmes divers comme l'installation d'une ambiance étouffante par le biais des dommages, le rythme de l'histoire ou les différentes façons de jouer, des aventures médiévales fantastiques à l'horreur en passant par l'enquête. Histoires (23 pages) est constitué de deux scénarios. Le dernier souffle de Siorhan voit les personnages perdre la mémoire récente et se retrouver dans une ville 50 ans dans le passé, en pleine guerre entre charognards et vivants. Ce scénario leur permet de se rendre compte du danger que représente le Néant et peut-être de mettre la main sur un exemplaire du Livre des Merveilles. Les fleurs amères n'éclosent que la nuit, quant à lui, voit les personnages constater l'attaque d'une cité par le Néant. Ils doivent pour empêcher la disparition de la ville enquêter sur la mort d'un érudit, ce qui les mène dans de sordides histoires de vengeance entre membres de la haute société.
La table exodin (1 page), permettant de chiffrer les qualités des réussites, la difficulté d'une action, la puissance des dons et traits, la taille de créatures et de groupes, et l'échelle de temps, précèdent le Fascicule Exodin. Celui-ci présente les dons génériques (1 page) puis pour chaque Féal, en 2 pages chacun, les limites spéciales aux traits, les compétences et dons obligatoires, les dons et compétences spécifiques, les origines possibles du personnages, et les deux voies mimétiques avec les modalité d'incantation et les compétences d'hommages pour obtenir des miracles, ainsi que les dons mimétiques.
L'ouvrage se termine par :
La couverture intérieur de l'ouvrage contient une carte double page du monde en couleur.
Cette fiche a été rédigée le 13 février 2012. Dernière mise à jour le 3 février 2019.
J'avais trouvé les romans moyens. Distrayants, mais sans rien révolutionner dans le genre du médiéval fantastique, si ce n'est que finalement, ce sont les méchants qui semblent gagner.
Par contre, le jeu a lui de sacrés atouts. Passé l'introduction de Gaborit, au style un peu ampoulé et qui semble parfois oublié que tout cela n'est qu'un jeu, la partie univers explore son sujet de manière détaillée et surtout passionnante. On devine à sa lecture des intrigues, des idées de scénarios, des possibilités de situations à exploiter. Et la richesse du monde est vraiment un point fort, permettant une grande diversité. Si je n'ai pas lu tout d'une traite par manque de temps, l'ouvrage fut expédié en quelques jours. Il m'a quand même fallu une ou des relectures de quelques passages pour appréhender certains points, car le travail fait par rapport aux romans est très important. C'est un peu comme si on était passés d'un récit de voyage en TGV à un guide de civilisation détaillé.
Un gros bémol toutefois, est le traitement des univers mentaux. Certes des exemples, des explications, et encore parfois sous forme de suppositions, sont donnés. Mais de là à voir ce qu'on peut en faire, comment les utiliser avec les PJ qui sont censés en partager un, il y a un pas, un grand, presque un fossé. Et rien non plus au niveau des règles pour en avoir une idée plus précise.
Ce système de règles, d'ailleurs, si il intègre bien les différentes notions de l'univers, me semble toutefois souffrir d'un manque de granularité, chaque score allant de 1 à 6. Mais c'est seulement à l'épreuve de l'usage que cela se vérifiera. Le fait que l'origine du personnage impose des compétences et des dons obligatoires me fait craindre que deux personnages d'une même origine aient quand même tendance à peu se différencier. Enfin, pour une partie technique, les règles souffrent parfois de textes qui auraient pu être plus concis.
Ceci dit, au final c'est vraiment un beau livre, dans le sens physique du terme avec de la couleur et des illustrations réussies, mais aussi dans un sens plus abstrait parce qu'il promet des heures de jeux pour ceux qui voudront s'investir dans un univers riche. Ca vaut un 4, malgré les défauts pointés plus haut, ou à cause d'eux, c'est selon.
Critique écrite en mars 2012.
C'est au moment où je conclus ma lecture du livre de base que je vous livre mes impressions.
D'abord le point de vue esthétique. L'ouvrage est tous simplement superbe. Les illustrations de Nicolas Fructus posent l'ambiance du M'onde avec finesse et majesté, nous proposant parfois de véritables petites oeuvres d'art qui nous rendent compte de l'étendue de la palette d'images portées par le thème, souligne agréablement le texte et forge son imaginaire. La mise en page et les textures (parchemins ...) sont agréables et mettent éminemment en valeur l'écrit. Les Chroniques de Féals gagnent en cela un cachet unique qui en font déjà un jeu différent, par son visuel pictural très sombre.
Pour ce qui est de la forme ensuite. Servi par un tel cadre, le texte n'en est pas moins d'une rare qualité. Il s'élève même bien au dessus de ce que l'on a l'habitude de lire par son ton très littéraire, prenant souvent des accents poétiques qui rendent admirablement compte de la richesse et de l'ambiance crépusculaire de l'univers.
Pour ce qui est du fond enfin. Divisé en deux parties, l'une décrivant l'univers, l'autre les règles, on peut d'abord se féliciter de la densité consacré au background. Les origines du M'onde, chacune des dix cultures, et leurs "ennemis" (le Néant, la Charogne, les Peuples Libres) sont décrits avec un luxe de détails, tellement d'ailleurs qu'il faudra plusieurs lectures assidues pour tout assimiler, mais cela vaut largement le détour (sans jeu de mots...). Chaque culture donne tout naturellement d'innombrables idées de situations, de scènes, de scénarios et permet à chaque personnage, joueur ou non, qui est issue de se démarquer radicalement, ce qui offre nombres d'opportunités d'interprétations et un fort potentiel de renouvellement, en somme des archétypes riches, solides, et originaux. La dimension liée aux chocs culturels est véritablement un des points forts du jeu qu'il s'agit de ne pas négliger ou simplifier. La partie règles, elle, est beaucoup moins dense, plus classique. Et on s'en arrange bien. Le jeu se voit ainsi servi par un système simple, solide, et léger qui gère tous les aspects nécessaires au bon déroulement d'une partie. La création de personnage est claire, les combats rapides et meurtriers, et des principes narratifs plus que mathématiques gèrent les concepts phare du jeu tels la relation avec les Féals à travers les prières et les miracles, la Necrose, l'Onde, le Fiel, la corruption du personnage par le Néant. La dernière partie, les scénarios, offre de belles perspectives et montre à quelle point ce jeu a un très fort potentiel.
Au final, c'est une très belle réussite. Un univers med-fan dépaysant, un renouvellement véritable du genre qui par ses qualités esthétiques, littéraires, et son imaginaire fort donne envie de mettre le pied à l'étrier, pour peu que vous ne soyez pas rebutés par son ambiance sombre, noire, et radicalement adulte dans le traitement.
Un tel bijou ne vaut pas moins que la note maximale !
Critique écrite en mai 2012.
En achetant le jeu par pure curiosité, je me suis préalablement forcé à lire les 3 romans qui en sont la base. Le premier livre est plutôt bien passé et puis la déception a pris le dessus sur les deux tomes suivants ce qui a quelque peu émoussé mon envie de lecture du JdR pour deux raisons principales: premièrement la niaiserie et l'inutilité du personnage principal, donc je ne saisis toujours pas l'intérêt de figurer dans les deux derniers romans - et deuxièment la manière dont les féals sont gérés qui est aux antipodes de ce que j'avais imaginé (je pensais qu'on les vénérait comme des dieux et non pas qu'ils étaient juste de vulgaires montures asservies dans la plupart des factions).
Néanmoins je me suis fait violence et je dois dire que l'ouvrage de JdR est beau, bien illustré, solide. Un fier objet bien réalisé et qui retranscrit bien l'ambiance du thème. Rien à dire coté format et professionalisme.
Le thème en revanche m'a moyennement convaincu - en grande partie à cause du roman qui m'a semblé partir en vrille après le premier tome. Mais également par l'exotisme parfois kitsch de l'univers qui a certes du charme mais avec la profusion de JdR existant il ne me motive pas plus que ça (question de goût).
En revanche pour ceux qui adhèrent à ce dépaysement très différent des jeux mainstream c'est un bon choix. Passé les particularités de l'univers on se retrouvera dans un schéma plus classique avec un groupe de joueurs de factions différentes mais liés par une cause unique. Cela devrait facilement permettre de gérer un groupe cohérent mais d'horizons variés dans des aventures "classiques".
Je ne l'ai pas fait jouer donc je n'ai parcouru les règles que rapidement et elles semblent pouvoir tourner correctement mais représentent une toute petite proportion du livre (environ 10%). A priori l'ambiance sera à privilégier à la table de jeu donc attention aux simulationistes qui n'y trouveront pas leur compte.
En ce qui me concerne, les règles condensées ainsi me rebutent - non pas que j'aime des tartines de règles mais cela ne me met pas en confiance quant à l'équilibrage et le playtest du jeu. J'ai effectivement eu l'impression de lire un livre-univers et qu'on a rajouté les règles rapidos à la fin pour pouvoir vendre cela comme un JdR. Ceci dit mes impressions sont peut être totalement fausses sur ce point, je m'en remets à ceux qui l'ont véritablement testé sur la qualité des règles.
Une note finale de 3 donc - car un point retiré pour le caractère succinct des règles et l'autre pour mon faible intérêt pour l'univers après lecture des romans. On sent en revanche la passion de l'équipe derrière ce jeu et rien que pour cela je ne regrette pas mon achat - ce genre d'initiative mérite d'être soutenu.
Critique écrite en août 2012.
Les Chroniques des Féals forment un superbe livre, magnifiquement illustré par Nicolas Fructus, aux nouvelles enchanteresses, et à la rédaction irréprochable. Sur Delta Green, les éditions Sans-Détour nous avaient prouvé les limites de leurs correcteurs, s'ils en ont. Ici, pas une coquille, pas une faute oubliée, et une maquette intelligente : de quoi faire la fierté d'un éditeur!
Non seulement l'ouvrage est beau, mais il est bien pensé. L'univers dans les pages en couleur, le système en noir et blanc, et le tout dans une mise en abyme, puisque ce livre est censé être les notes d'un sage du M'Onde, que le lecteur découvre, immergé jusqu'au bout du système de règles.
Dans le système lui-même, la mise en abyme continue, et les titres des chapitres peuvent dérouter. Les morts accidentelles, dégâts de chute et autres s'appellent ici "Stratagèmes du Néant", etc... Dans les marges (les fameuses marges de Sans-Détour), on retrouve par contre des résumés, qui expliquent le système de façon claire et concise. Lorsqu'on est en plein combat, ces petits paragraphes font gagner un temps considérable au meneur de jeu.
Les Chroniques des Féals, et particulièrement le scénario de découverte, jouent constamment sur la mise en abyme, arrachent le personnage au confort de ses certitudes et le placent en face d'une horreur qu'aucun bestiaire ne suffit à imager: l'angoisse sourde du Néant, la possibilité que leur vie entière, leurs actes, leur gloire et leur héritage, sombrent dans l'Oubli. L'on n'est pas dans un énième jeu horrifique à secret, où les ennemis perdent leur puissance de suggestion dès qu'ils sont visibles: ici l'ennemi est connu dès les premières lignes de présentation, mais sa nature est l'inconnaissable même. Si l'on perd aux Chroniques des Féals, il n'y a ni baladin pour chanter votre saga, ni sépulture, ni hommage, ni même pensée en votre souvenir. Perdre devant les forces du Néant, c'est être effacé de la mémoire du M'Onde, littéralement anéanti.
Par contre, aussi désespérante que soit l'ambiance générale, le pari du jeu est parfaitement réussi: c'est l'univers qui tourne autour des personnages, et pas les personnages qui se baladent, impuissants, dans un univers inhabitable que seul le meneur comprendrait. On a beau être dans le narratif, les Chroniques des Féals ne sont pas dédiées au plaisir du meneur : les personnages sont certes mortels et fragiles, mais ils ont une destinée éblouissante, sont au centre d'un M'Onde où les coïncidences n'existent pas. Sauront-ils accomplir leur destin? En cas d'échec, une large palette de supplices bien pires que la mort les attend.
Le meneur (appelé l'Exodin), doit réussir à jongler avec des règles qui intègrent le roleplay. Qu'un joueur prononce le mot tabou de sa voie choisie, et il tend au meneur le bâton pour se faire battre. Qu'il oublie la bonne particule dans ses prières, et le miracle tourne au désastre. Avertissement: il est dangereux de jouer aux Chroniques avec un meneur qui abuse de son pouvoir. Les règles, appliquées à la lettre, fourmillent d'occasions où les joueurs, volontairement ou non, offrent au meneur les instruments de torture qui les feront souffrir, et échouer. Chaque faux-pas dans le ropleplay, et chaque pas de côté fait en direction de l'Oubli, offre au meneur un dé de Néant. Dé qu'il pourra utiliser quand bon lui semble, pour annuler une réussite, ou pire : faire fourcher la langue d'un personnage en pleine prière à son Féal...
Changer un 0 (échec auto) en succès, prononcer un mot tabou, prononcer une particule du Néant, achever un ennemi sans défense, détruire un livre ou une idole : autant de dés du Néant offerts au meneur. Les meneurs qui aiment diriger en ne laissant qu'une illusion d'une liberté à leur joueurs trouveront tous les outils dont ils ont besoin dans ce système de règles. C'est un petit défaut du système, ou plutôt une posture assumée: les meneurs dirigistes sont les bienvenus dans le M'Onde. Personnellement, je trouve ça dommage.
Le système n'est pas mauvais, il est allégé et tourne plutôt bien, sans erreur mathématique. On lance autant de dés que sa Compétence, et on doit faire un score inférieur ou égal à son Domaine (caractéristique) + modificateurs (les Dons, qui sont des bonus d'avantages, et malus de désavantages). Le 1 symbolise l'Être et l'unité, c'est un succès automatique. Le 0 symbolise le vide du Néant, c'est un échec qui retire un succès au jet. Sauf... Si l'on glisse vers l'oubli, et qu'on transforme ce 0 en succès: une voie extrêmement dangereuse qui non seulement donne un dé de néant au meneur, mais peut corrompre le personnage durablement, lui faire perdre ses dons mimétiques, et le transformer en créature du Néant s'il persiste.
Le seul ratage du système est la fausse bonne idée du Duel. Ce système de combat avancé découpe un round de combat en 9 segments... Avec la possibilité d'une action offensive tous les 3 segments, et l'interdiction d'agir avant le segment correspondant à son initiative. Ce "bullet-time" doit être aussi rare que possible, disent les règles, et on comprend pourquoi: il demande 10 minutes de jets de dés et d'organisation du combat, pour une séquence tellement rapide que les personnages appliquent les malus d'action simultanées.
On pourrait regretter que les règles afférentes aux pouvoirs spéciaux soient aussi vagues... Mais c'est un choix cohérent. Dans un jeu où les héros doivent faire preuve de créativité pour combattre l'oubli et l'insignifiance, quoi de plus normal que d'exiger un brin de créativité de la part des joueurs et du meneur ? En cours de partie, j'ai dû improviser totalement la signification d'un des pouvoirs mimétiques d'un pré-tiré, parce que sa définition est trop vague. Mais c'est volontairement vague : la demi-ligne d'explication en termes de règle n'a pas été enlevée par économie de papier, son absence est volontaire et ménage un espace d'improvisation. Si vous aimez les systèmes complets et précis, qui vous guident de tableaux en tableaux et de règles en annexes sur pilotage automatique, passez votre chemin. Les règles des Chroniques sont claires, elles sont simples, globalement cohérentes, mais selon une cohérence poétique (donc ambivalente), qui prend le pas sur la cohérence mathématique.
Au final, pour son originalité et sa force poétique, comme pour l'excellence du livre, je donne la note maximale aux Chroniques des Féals.
Critique écrite en octobre 2012.
Avant de commencer cette critique, je dois avouer que j’aime bien ce que fait Mathieu Gaborit. J’ai apprécié les romans même si, dans les deux cas, je ne m’en relève pas la nuit. Ainsi, dans cette critique, je ne parlerai pas en horreur de cette fameuse note d’intention de deux pages (qui finalement ne m’a pas choquée) mais bien des 318 autres pages.
Sur la forme
J’apprécie beaucoup le fait de n’avoir qu’un dessinateur qui donne une unité de ton à tout l’ouvrage. En effet, même si certaines illustrations n’ont pas la qualité d’autres, on en a pour son argent au niveau visuel. L’idée d’en faire un carnet est sympathique bien qu’elle justifie des marges importantes à gauche et droite ainsi. Là où je suis plus gêné c’est dans les encadrés noirs qui emploient une police plus difficilement lisible ou dans l’usage des lettrines parsemées de petits anges qui, au mieux, rappellent les danseurs/saisonins d’Agone et, au pire, sont moches et n’ont pas leur place dans cet univers (selon moi).
Sur le fond
L’univers est plaisant, riche et fort en potentiel ludique… enfin, on devine que l’univers est plaisant, riche et fort en potentiel ludique car les auteurs s’abandonnent à un « Gaborisme » éhonté. Ils s’emploient à décrire (très, trop brièvement) des éléments qui donnent envie de rêver mais sans jamais parvenir à fixer l’imagination. Pire, mis bout à bout, le lecteur (ie moi) ne comprend plus de quoi il est question.
Je m’explique avec quelques exemples tirés de l’ouvrage
_ A aucun moment, n’est décrit l’Almandin qui est la pierre indispensable à tous les féals puisqu’elle contient le fiel de ces derniers. Tous la porte mais où, quand, comment, pourquoi. On la pose, on la fixe, en suppositoire, on l’enchâsse dans une cavité. Quelle est sa taille sa forme ? On nous dit qu’elle est issue des cendres des phénix mais alors est-ce des gros cristaux ou une poudre noire. Les féals mimétiques doivent ils en être possesseurs… Même dans les dessins loués un peu précédemment dans cette critique, on n’a aucune pierre.
_ Autre aberration (pour moi), les féals (le thème du jeu) sont à peine décrits. Par exemple, les aspics sont des serpents issus (du cul) des chimères. Les chimères sont grosses comme des ours mais l’aspic est plus gros (si on regarde dans les règles). Ce problème revient tout au long de la lecture, a-t-on une différence de taille entre les différents féals, ceux des origines et les autres… Que mangent-ils ? Dorment-ils ? Ont-ils un sexe ? Si oui, cela a-t-il une influence sur son comportement ?... Le manque d’information est tellement criant qu’il est difficile d’en faire une liste complète. Je ne parle même pas des féals maudits qui ne sont tout simplement pas décrit. On ne parle ici que de la base de l’univers, pas de sombres secrets à découvrir dans les suppléments ou autre.
_ Le problème devient plus grave quand, selon ma compréhension, les informations ne se recoupent plus sur (encore une fois) les bases même de l’univers. Les dragons n’existent plus mais c’est leur souffle qui baptise les draguéens. Ils font comment ? Nicolas Fructus a d’ailleurs dû dessiner un bébé dans la gueule du dragon (p96) comme décrit p97 du livre. Mais il n’y en a plus. Pas grave, les dragons doivent conserver le « Secret ».
_ Autre fondement de l’univers, l’Onde et le Fiel. On les trouve où, on en fait quoi ? Ils se renouvellent comment ? Parce que, si j’ai bien suivi, l’Onde et le Fiel s’oppose, l’Onde est à l’origine de tout et s’épuise mais le Fiel se créé. Ce qui provoque immanquablement un déséquilibre. Sauf que le Fiel n’est lui non plus jamais décrit vraiment. Les féals et leurs féaux fuient le Fiel qui est « l’Instinct, le Désir, l’Animalité » alors que l’Onde est l’envie de vivre, la « Dame Blanche » (qui est un nom que l’on retrouve chez les caladriens)...
_ Il serait facile de continuer longtemps ce catalogue de manques (318 pages, au moins 318 éléments mal développés) mais je conclurai sur le « Name dropping » allant parfois du risible au complètement ridicule comme par exemple « le condoliant, une étrange substance aux applications obscures » pour paraphraser Coluche : « et alors moi je dis que quand un mec, sur une information, il en connaît pas plus que ça, il a qu'à fermer sa gueule ! Et même... Et même, à la rigueur il aurait rien dit, on n’était pas fâché. »
Sur Internet, on évoque « la richesse de l’univers » mais pour le joueur lambda (tel que moi et encore j’ai lu les romans), cela pose un réel problème puisque les parties qu’il va faire auront tendance à dicter l’imaginaire des joueurs, si personne à la table n’imagine la même chose, on s’y perd. Moins grave, mais chiant quand même, si les auteurs sortent des scénarios (ce qui n’a pas l’air le cas vu les prévisions faites par Sans détour) et que la description change de celle faite par le MJ, on arrive à un joueur qui se contredit ou un MJ qui doit modifier son scénario pour le faire rentrer dans son univers pour employer le matériel officiel.
Autre problème pour moi la séparation complète entre les règles et la description du monde soit 1/3 et 2/3 de l’ouvrage. Argument de vente pour certain, dans ce cas présent, cela augmente encore cette difficulté de comprendre ce qu’on va jouer et dans quoi on joue. La magie est décrite comme tout le reste de façon elliptique et donc on est obligé de relire le paragraphe avec les règles pour comprendre de quoi il s’agit.
Petite remarque sur les règles en passant, on lit souvent que ces dernières sont décrites en moins de 25 pages. Il est important de préciser que, de mon point de vue, elles sont nettement plus longues puisque nous avons 24 pages de règles de base (250-227) puis 29 pages (avec la description des dons qui sont quand même les pouvoirs des Féals, des créatures et leur gestion, des règles sur le commerce et 1 page pour la table universelle) puis encore 5 p d’archétypes et 2 pages de glossaire de règle (un comble !)… D’où au moins 60 pages de règles mal expliquées.
Sur le thème et le jeu en lui-même
Les chroniques des féals répond à une question simple qui est qu’est ce qui va pousser les joueurs à jouer ensemble, qu’est ce qui fait qu’un phénicier va partir sur les routes avec un aspiks et un grifféen qui le déteste. La réponse est simple : le néant. Obnubilés par cette question, les auteurs ont oubliés, selon moi, une autre question primordiale : qu’est ce qui fait qu’un phénicier puisse traverser les terres basiliks ou l’empire grif puisqu’il y est abattu à vue ? Comment un charognard va-t-il faire pour aller en caladre ?... Qu’est-ce que fait un taraséen sans sa tarasque (race super cool mais pas pour un joueur) ? C’est con mais en plus, avec le mimétisme, c’est difficile de vivre caché.
En conclusion
En me relisant, je trouve ma critique très dure presque trop car on sent la passion des auteurs et je devine un univers qui pourrait me plaire. Pour l’instant, je n’y jouerais pas mais je conseille sa lecture tout de même. Si vous jouez à Agone ou à un autre jdr héroic fantasy, il y a plein d’idées à repomper. Ne serait-ce que pour le scénario de fin. Une gamme à suivre donc malgré (selon moi), un départ mal préparé.
Critique écrite en décembre 2012.
Prise de contact
J’ai été assez surpris en apprenant qu’une adaptation de la trilogie Les Chroniques des Féals avait été transposée en jeu de rôle. D’une part parce que les romans de Mathieu Gaborit avait presque dix ans et n’ont pas été un raz-de-marée commercial, d’autre part parce que la trilogie en question (que je n’avais pas trouvée mémorable personnellement) n’accordait que très peu de place à la description de l’univers. Aussi l’adaptation ne tombait pas sous le sens et me semblait donc un pari risqué.
En dépit de cette réserve initiale je me suis laissé aller à l’ajouter à ma ludothèque puisque je me considère comme le cœur de cible de ce type de jeux. Je suis très sensible à la poésie des univers de Mathieu Gaborit qui à mon sens possèdent un côté baroque en faisant le support idéal de JDR d’une fantasy que je qualifierais d’ « à la française ». De plus Les Chroniques des Féals me semblaient être un descendant naturel des jeux Multisim comme Agone, Nephilim ou Guildes qui ont enchanté mon adolescence en leur temps. Univers subtils et évocateurs, travail soigné sur la forme, systèmes de jeu foireux bricolés à la dernière minute : je suis bon client en général…
Un beau bouquin
Premier constat : il y a eu un boulot plus que respectable sur la forme. Le bouquin est vraiment très beau avec les superbes illustrations de Nicolas Fructus, une mise en page très réussie, papier glacé, couverture dure, bref un bel objet. Ce n'est pas tout: en bon jeu gaborien il y a un travail de fond qui a été mené sur la langue avec des néologismes importés de l’univers qui sonnent juste, sur les langues parlées dans l’univers (le « M’Onde »), un niveau de langue soutenue et quasiment pas de coquilles.
Ça ne s’arrête pas là : les descriptions des règles et de l’univers sont très bien délimitées : avec les règles en N&B et en papier classique, organisation en chapitres clairs, résumés des règles dans les marges, descriptions des différents royaumes qui suivent le même découpage. Bref le livre se consulte très facilement, quelque chose de vraiment appréciable.
Qui plus est il s’agit d’un jeu réellement complet avec un univers décrit en entier, des idées de campagne à foison et deux scénarios permettant de s’initier en douceur. Manquent juste les règles permettant de gérer les fratries (à venir dans le supplément si j’ai bien compris).
Le concept
Donc dans les Chroniques des Féals vous jouez des êtres combattant une force maléfique nommée le Néant qui pose ses pions dans l’objectif d’engloutir le M’Onde (quand je parlais de néologismes…). Jusque-là c’est très classique. Un des ressorts majeurs du Néant est l’Oubli : l’oubli fait réellement disparaître les objets, personnes, villes du M’Onde. Et la meilleure arme contre l’Oubli est la mémoire… On touche là à des concepts très gaboriens et extrêmement puissants dans le contexte d’un JDR d’heroic-fantasy. Une vraie réussite à mon sens. Une des lignes directrices du jeu est que vous interprétez des êtres qui ont été confrontés au Néant et y ont survécu. Cette expérience est appelée le Trauma.
Le Trauma transforme les personnages en mimétiques, des êtres humains qui se transforment progressivement en créatures mythologiques (dans le style de Nephilim). Il rend également les traumatiques bien plus sensibles aux manifestations du Néant que la population générale. Le Trauma rapproche également les êtres qui l’expérimentent au sein de groupes liés psychiquement/spirituellement appelés « fratries ». Ces fratries (qui au fil du temps développent un univers mental qu’ils pourront exploiter) donnent une raison d’être évidente à un groupe de PJs. Je trouve le procédé un peu facile et artificiel personnellement mais pourquoi pas.
La tonalité du jeu est résolument sombre et horrifique. D’ « hideuses Puissances » rappelant les Grands Anciens envoient leurs agents travailler à la chute du M’Onde et apparaissent comme des entités tentatrices faisant chanceler les sains d’esprits et les faisant basculer du côté sombre de la Force. On a là un univers qui se délite, qui sombre petit à petit dans les ténèbres et l’oubli. Par petites touches, ça et là, des pans des royaumes disparaissent, les villes sont rongées, les guerres, crimes et conflits se multiplient.
Un univers chatoyant
Il ne faut pas faire l’erreur de voir Les Chroniques des Féals comme un simple medfan sombre. Car c’est avant tout un univers propre à Mathieu Gaborit où le merveilleux a une place de choix : peuples nordiques fabriquant des armures en écorce de bouleau, nomades du désert transportant leurs villages en les transformant en tempêtes de sable, monstres marins tirant des navires comme des charrues : l’imagination de Gaborit carbure à plein régime. On est finalement plus proche d’Agone que de Midnight. Et c’est tant mieux car ce savant mélange d’horreur et de lyrisme est un cocktail intéressant.
Le jeu décrit une dizaine de peuples ayant chacun son propre royaume (sauf les Phéniciers qui ne sont qu’une diaspora représentée un peu partout). À chaque peuple correspond un animal mythique qui le représente et est vénéré comme un dieu. J’ai adoré les descriptions des différents royaumes, je le dis clairement. Bien qu’on observe des correspondances assez évidentes avec des peuples de notre bonne vieille Terre (le royaume de Grif’ fait penser à la Rome antique, les Provinces-Licornes aux civilisations arabes, etc.) on est à mille lieues des stéréotypes usuels (Bloodlust, Guildes, Capharnaum…) et chaque peuple a fait l’objet d’un gros effort de créativité. Pour la plupart le résultat est très convaincant, bluffant même. J’ai adoré le Basilik, le Caladre, la Chimère, le Dragon et le Phénix. Sur la dizaine de peuples présents il n’y a que les Aspiks qui m’ont laissé un peu froid, pour le reste c’est du tout bon.
Un élément important de l’univers est le fait religieux. Chaque peuple vénère un animal mythique duquel quelques élus (généralement issus du clergé) tirent des pouvoirs et des transformations physiques. Transformations qui ultimement en feront un « féal » à part entière. La religion est très présente mais elle est loin d’étouffer le jeu. D’ailleurs les relations qu’entretiennent les peuples avec leurs féals sont très variables, allant de l’adoration à la quasi-indifférence en passant par la symbiose voire la domestication. Bref on est très loin de l’amoncellement de théocraties stéréotypées que l’on aurait pu craindre. Re-réussite franche.
À cela s’ajoute un ensemble d’éléments apportant une vraie dimension géopolitique. Tout d’abord la présence de la Charogne, une sorte de royaume mort-vivant ayant fait incursion dans le M’Onde quelques dizaines d’années avant l’époque du jeu. Présente dans différentes régions, haïe par certains peuples, en tractation avec d’autres, crainte par tous ou presque, c’est un des meilleurs moteurs ludiques du jeu à mon sens. Il y a de plus un certain nombre de peuples ou groupes non affiliés aux féals qui ajoute une couche de complexité intéressante. Enfin les auteurs ont inséré des dizaines de conflits latents inter- ou intra-royaumes, en dosant ces leviers avec beaucoup de subtilité. Bref si vous voulez faire une campagne medfan politique ce jeu s’y prête extrêmement bien.
Un moteur deux-temps fiable
Dès qu’on se lance dans un jeu « à la Multisim » on est pris d’une certaine appréhension en abordant le système de jeu. Et bien dans le cas présent les règles ne sont fort heureusement pas le point noir que je craignais. On a même un système élégant et très simple qui émule efficacement l’ambiance du jeu.
C’est un roll & keep classique où on lance autant de dés que sa compétence le permet en essayant de faire des scores en-dessous de son Domaine (les caractéristiques) en essayant de faire autant de succès que la difficulté l’exige. Le tout modifié par les circonstances ou les Dons éventuels. Dons qui peuvent être génériques ou propres à un peuple donné et sont achetés à la création de personnage ou en accumulant de l’expérience.
Un système de combat appelé Duel complète ceci en donnant un peu plus de corps. Il est assez létal mais un stade intermédiaire entre la simple blesssure et la mort (appelé Nécrose) permet de marquer les personnages au fer rouge en les diminuant de manière permanente sans les tuer. A noter que les mécanismes du duel sont également transposables aux oppositions sociales, magiques, spirituelles et psychiques. J’aurais bien aimé avoir quelques exemples à ce sujet d’ailleurs.
Le Néant est également une partie intégrante du système avec l’accumulation de points de Néant par les PJs/PNJs que le MJ pourra utiliser à l’encontre des PJs à sa guise. J’aime bien l’idée d’insuffler un peu de compétition entre joueurs et MJ et ici c’est instauré avec juste ce qu’il faut de plaisir ludique et de modération. En somme on a des mécanismes proches de la Santé Mentale de l’Appel de Cthulhu mais qui accentuent l’aspect horrifique du jeu (possibilité d’accumuler des afflictions, séquelles). Ça me semble tourner parfaitement.
C’est un système relativement littéraire où vous n’aurez pas des dizaines de tableaux pour vous dire si un personnage sprint à 8 ou à 9 mètres par seconde. C’est notamment le cas de la magie (reflétée essentiellement dans les dons accordés aux mimétiques) avec des pouvoirs parfois puissants évoqués en quelques phrases sans données chiffrées. Rien de sorcier car le système est suffisamment flexible pour permettre à un MJ de gérer ça harmonieusement, même s’il y aura forcément pas mal d’interprétation et un peu d’arbitraire. Bref il faut le voir comme un système léger qui se laisse oublier au profit de l’histoire. On évite ainsi l’écueil d’Agone qui avait greffé un système lourdaud et old school (et buggé) sur un univers qui demandait autre chose.
Mon seul regret est le manque de customisation à disposition des PJs. En effet les suivants d’un féal donné finiront en général par accumuler les mêmes dons et fatalement à se ressembler.
La note
Je suis indécis car idéalement j’aimerais donner un 4,5. Pourquoi ? Parce que les Chroniques des Féals a tout d’un excellent jeu mais il lui manque un je-ne-sais-quoi d’innovation et de différenciation pour être un grand jeu qui traversera les âges. On est plus proche de Capharnaum que de Vampire en somme.
Au final je vais me limiter à 4/5 pour les raisons suivantes : je suis un peu confus sur l’idée du Néant. D’un côté il y a des concepts géniaux comme l’oubli ou la légende qui donnent beaucoup de force et de caractère au jeu et sont pile-poil dans le bon registre. C’est parfait, rien à dire, 10/10. Cependant j’ai eu un peu le sentiment que les auteurs en faisaient un peu trop avec les hideuses Puissances, les horreurs, le côté omniscient du Néant. Bref ça en fait une force maléfique archétypale des jeux medfan traditionnels (le Chaotique Mauvais de D&D). J’aurais préféré quelque chose d’encore plus insidieux et sournois. Hormis ce point, le jeu manque peut-être d’un concept fort qui ferait prendre la mayonnaise autant que je l’espérais à la lecture des premières pages. Certes il y a indéniablement une grande cohérence de l’ensemble, mais le jeu a à mon sens moins de personnalité et de singularité que les références dont il s’est inspiré. La faute à l’œuvre romanesque originale je pense. Malgré le déluges de bonnes choses, la ligne directrice du jeu (trauma-mimétisme-fratrie-Néant-millénarisme) n’est pas assez convaincante, en tout cas tel que présentée dans ce livre.
4/5 parce ça n’est ni plus ni moins qu’un excellent jeu d’heroic fantasy, beau, puissant et versatile que je pourrais sortir tous les weekends à n’importe quelle table de rolistes. Quelque part les Chroniques des Féals c’est un peu une version mature d’Agone qui aurait évité les défauts de son prédécesseur, même si je n’y ai pas trouvé le même souffle.
Les + :
+ La Gabo’s touch est bel et bien là ! Le merveilleux est au cœur du jeu.
+ Travail titanesque des Sombres Sentes sur l’univers.
+ Un univers de jeu enchanteur et d’une cohérence redoutable.
+ Beaucoup d’intelligence et de maturité dans le traitement de l’heroic-fantasy.
+ La tonalité sombre bien rendue et en accord avec le style baroque de l’univers.
+ Un système de jeu léger, fluide et qui se laisse oublier au profit de l’histoire.
+ Un « livre-univers » passionnant à lire mais qui ne rogne aucunement sur la présentation des potentialités ludiques.
+ La forme quasi-irréprochable avec un graphisme de très haut niveau, une écriture soignée et une présentation complète et équilibrée des données essentielles du jeu.
Les – :
- Malgré les milliers d’idées originales, un jeu qui peine un peu à se singulariser.
- Le concept de fratrie ne m’a pas séduit plus que ça.
- Pas assez d’options pour typer et individualiser les personnages.
- A force d’avoir mille visages le Néant est trop assimilable à l’archétype du Mal du bon vieux medfan des familles.
Critique écrite en juin 2013.
Ce jeu a été une vraie très bonne surprise en ce qui me concerne. J'avais en effet été intrigué par l'annonce de sa parution et ce qui en était présenté alors, bien que les livres auxquels le jeu est associé ne m'ont pas plu du tout (je n'ai pas été au bout, ce qui est rare chez moi).
La couverture non conventionnelle ayant fait son oeuvre, de même que la belle présentation intérieure, j'ai acquis le livre, et je ne l'ai jamais regretté.
Ce jeu, bien que non dénué de défauts, possède une véritable âme qui en fait quelque chose à part dans le paysage ludique : il fait voler en éclat certains poncifs du med-fan (les dieux, les grands méchants, la puissance fournie par des pouvoirs surnaturels), et propose un monde complexe mais inspirant que le MJ devra néanmoins bien s'approprier pour pouvoir en restituer tout le sel en jeu.
En effet, il possède un vocabulaire assez riche (et spécifique) qui peut rebuter, mais l'investissement vaut le coup, d'autant plus que ce vocabulaire peut tout à fait être distillé au compte-goutte.
De façon générale, la présentation du background est très imagée : peuple par peuple, nous sont présentées des notions aussi diverses que l'architecture, les arts et artisanats, l'organisation militaire, les liens entre peuples, leur histoire, la complexité des rapports humains/Féals, etc... Le tout dans un écrin visuel cohérent de bout en bout (merci à Nicolas Fructus pour donner vie à ce monde contrasté tout en laissant l'imagination travailler).
Le système est tout bonnement excellent : il s'inscrit dans une mouvance actuelle de "système unifié" (toutes les actions sont résolues avec le même moteur), repose sur des bases simples, ne nécessite pas des brouettes de dés ni de calculs d'apothicaire, et laisse une part non négligeable aux mots, donc à la narration. Petit bémol : d'avantage d'exemples m'auraient bien plus, mais bon...
Les défauts? Je dirais une prose parfois trop ampoulée (l'introduction est à ce titre un best-of de ce que je n'apprécie pas dans la plume de M. Gaborit), et une ambition qui ne plaira certainement pas à toutes les tables, puisque demandant pas mal d'investissement.
Mais le jeu en vaut la chandelle, très largement. Un bon et beau jeu.
Critique écrite en septembre 2013.
La lecture de ce jeu m'a été pénible. Je me suis dit "de la dark fantasy avec un visage qui bave en colère en gros zoom sur la couverture, zut alors, ça doit être bien rock'n'roll !". En effet cette couverture me plaît énormément... et la promesse d'un univers apocalyptique...avec des clans comme à Vampire... et enfin la lecture d'un excellent scénario dans le magazine Di6dent m'ont convaincu de l'acheter.
Manque de pot, j'ai cru mourir à petit feu en lisant la préface de Monsieur Gaborit, très lourde, et malheureusement ça a continué comme ça. Tout d'abord, les fonds NOIRS avec des lettres blanches... les auteurs et l'éditeur ont-t-ils bien regardé ce que ça donnait sur autant de pages ?
Ensuite on trouve dix Noms Compliqués Avec Des Majuscules par kilolettre au carré. Pégasins machin Chose Truc Poétique Par Là-Bas Dans Le Néant Qui Avale Tout, je crois que ça m'a achevé.
Les peuples sont intéressants, et la description de leur nation évoque, c'est vrai, pas mal de paysages magnifiques et originaux. Malheureusement, c'est poussif.
Les illustrations de Nicolas Fructus sont belles, avec son style qui lui est propre. Et le fait qu'il ait fait tout le livre, c'est vraiment cohérent.
La manière dont est organisé le livre et les règles (écrites bien entendu sur fond gris, grrrr) m'a perdu.
Je n'ai pas compris la relation avec les Féals, je n'ai pas compris combien il y en avait, quelle influence ils avaient, je ne sais pas, j'ai raté un truc. Je n'ai pas vu d'introduction claire au jeu dans laquelle on m'expliquait ce qu'on pouvait y faire, dans un langage clair, sans ronds de jambes. J'ai retenu en tout cas qu'il y avait des ZOMBIES.
Les règles sont assez vite expédiées, et très denses. Cependant au test c'était assez simple, avec des succès à faire sur les dés et des pouvoirs. Attention : là aussi elles ne sont pas si simples que cela.
Le livre m'est tombé des mains de nombreuses fois, et j'en suis vraiment désolé car l'univers avait tout pour me plaire. Il est étonnant et cherche de toutes ses forces à évoquer une ambiance et des visions inspirantes.
Faites l'addition vous-mêmes : (Majuscules + fonds noirs + fonds gris + manque de clarté dans l'organisation du livre) = échec.
Au final, j'ai revendu le livre à un copain qui est MJ lui aussi. Et lui, il a adoré. Mais vraiment. Du coup, je me suis dit : non seulement je ne perds pas d'argent, mais en plus je peux donner ENCORE une autre chance à Féals. Nous avons donc joué, et j'aime trop me retrouver en tant que joueur. C'est dire si je voulais tenter la chose.
Et j'ai aimé ! Il nous a présenté l'un des pays, celui de la Caladre et on a alterné horreur, ambiance et action dans ces étendues glacées. Nous avons pu voir nos personnages se transformer en êtres étranges petit à petit. Ca, c'était cool. Le jeu a un sacré potentiel, mais la mise en œuvre est à côté de la plaque.
Je suis donc heureux que mon ami ait vaincu l'Obscurité Néantique du M'Onde des Caladres Pas Gentilles Pleines de Majuscules pour me présenter sous un jour abordable et vivant ce livre de base ! Tellement que je suis curieux de lire Derniers Eons...
Critique écrite en mai 2014.
J'aime les univers de Mathieu Gaborit car ils sont toujours hauts en couleurs (ce qui n'est pas forcément le cas de ses personnages mais ceci est un autre débat). Je me suis donc précipité naturellement sur le jeu de rôle des Féals, à sa sortie. Deux ans plus tard, après quelques parties, je livre enfin mon ressenti, à froid.
Sur la forme, je suis très fan de la cohérence graphique due au choix de n'avoir qu'un seul illustrateur. En plus, le boulot de Nicolas Fructus est de toute beauté. La maquette est quant à elle lisible et élégante (Sans-Détour a du savoir-faire). En revanche, je regrette les fonds noirs avec une écriture blanche qui pique les yeux. À un niveau pro, c'est un choix que je ne m'explique pas...
Sur le fond, les Féals est un jeu plein de promesses. L'écriture est très visuelle, lyrique à souhait, et il n'est pas rare d'avoir des idées de scénarios, au gré des pages. Hélas, trop de poésie tue la poésie et la beauté se fait souvent au détriment de la simplicité voire, pire, de la vraisemblance. Des oublis ou des incohérences pointent ici ou là (la taille des Féals et l'existence des dragons sont les deux exemples les plus parlants selon moi), ce qui est dommage car ça peut rebuter des lecteurs de se lancer comme MJ. En tout cas moi, ça m'a longtemps rebuté, couplé à la surabondance de termes compliqués écrits avec des majuscules qui font que je ne comprends pas tout ce que je lis...
Mais ce qui grève le plus ce jeu, ce sont pour moi les trois points suivants :
En pratique, ces défauts s'estompent passablement autour d'une table de jeu, avec un MJ capable de clarifier ce qui doit l'être et de garantir de la cohérence. On se trouve alors plongé dans un bel univers med-fan aux relents sombres et décadents. On joue sur la transformation des personnages et on sent la douleur de voir leurs chairs se modifier sous l'influence des Féals. Sur l'aspect horrifique, le jeu est carrément réussi. De plus, les règles sont plutôt pas mal (elles ne sont pas révolutionnaires mais ce n'est pas ce que l'on demande à ce type de jeu), de même que les scénarios proposés (surtout le second qui est vraiment excellent).
Je mets 3 mais j'aurais aimé mettre plus. Ce jeu en a sous le capot, clairement, mais il peine à exprimer et concrétiser son potentiel. La sortie toute récente de la campagne va peut-être me motiver à m'y remettre.
Critique écrite en juin 2014.
Il y a déjà eu beaucoup de commentaires sur ce jeu et presque tout a déjà été dit, je serai donc concis.
J'aime :
J'aime pas :
Critique écrite en septembre 2015.
Chroniques des Féals fait partie, je pense, de ces jeux auxquels on accroche ou, au contraire, qui nous repoussent. Et, malheureusement, il faut bien s'accrocher pour arriver à en tirer le meilleur.
Le fait est que l'univers présenté dans ce livre est à la fois d'une grande richesse, mais aussi est difficilement accessible. Il tombe régulièrement dans le piège d'évoquer des éléments de l'univers sans les définir. C'est tout à fait logique pour la forme choisie (une encyclopédie rédigée par un personnage de l'univers lui-même), mais cela embrouille parfois inutilement le lecteur qui lui, n'a pas une connaissance intuitive de cet univers. Cela rend d'ailleurs le lexique de Chronique des Féals (un pdf gratuit disponible sur le site de l'éditeur) totalement indispensable pour bien appréhender ce jeu. Mais, même avec ça, les joueurs et le MJ devront régulièrement interpréter eux-même ce qu'ils lisent.
Paradoxalement, cette liberté laissée aux joueurs sera pourtant très agréable pour des groupes qui sont à l'aise avec la réappropriation de l'univers. Mais c'est un peu dur à faire passer pour un univers aussi riche et particulier que celui-ci.
Les règles, quant à elles sont franchement fantastiques. J'ai rarement vu une telle adéquation entre un système de jeu et la mécanique d'un monde. Le principe même de la nécrose rend à merveille l'érosion causée par le Néant. Et puis, surtout, pour une fois, enfin, un système propose réellement de traiter tous les conflits sur un pied d'égalité. Pas de chapitre pour le système de résolution des actions et un autre pour le combat. Tous les conflits fonctionnent sur le même principe. Principe qui s'avère même être assez élégant.
Encore une fois, comme l'univers, il perturbera les partisans de la précision. Mais ici, cette liberté laissée à l'interprétation des pouvoirs et dons est très réussie.
Sur la forme, les illustrations sont peu précises, mais offrent une ambiance pesante, sale, qui nous plonge bien dans cet univers mourrant. Pourtant, quelque fois, des illustration plus fonctionnelles auraient facilité la compréhension de l'univers. Mais je reste fan.
Enfin, les scénario d'introduction sont assez bien réussis. J'ai pu faire jouer 2 fois le premier d'entre eux, le plus court et il tourne bien une fois que l'on se le réapproprie. Si son cadre et ses objectifs semblent simples à la lecture, sa mise en place est, par contre, plus compliquée. En effet, difficile de savoir ce qui est facilement compréhensible pour les personnages des joueurs ou non. D'autant que les pistes pouvant mener à l'objet de ce scénario sont très maigres. Ce qui fait que les joueurs risquent fort de se tromper d'objet du récit et passer à côté des personnages clés. Le second me semble par contre plus facile à prendre en main.
Un livre de base qui n'est pas exempt de défauts, loin de là, principalement d'ergonomie et de clarté. Mais qui offre pourtant un jeu excellent si l'on arrive à passer outre ces derniers. Pour quelqu'un qui n'aurait pas accroché à cette ambiance et cet univers, il ne vaudrait cependant qu'un 3. Mais moi, j'ai vraiment accroché et je rajoute un point pour le coup de cœur.
Critique écrite en mars 2018.
Les éditions mentionnées sont celles de la version originale. Vous avez décelé une erreur ou une correction nécessaire, ou encore vous souhaitez compléter la description ? N'hésitez pas à contacter la passerelle !
Aucun mot d'auteur sur cet ouvrage pour le moment.