Livre de 230 pages à couverture souple, au format 21 x 23 cm, et écran à quatre volets au format (taille totale) A4.
Après titre intérieur et page de l'ours (crédits, remerciements et informations légales), un sommaire d'une page est fourni. La partie réservée au meneur de jeu, le "Passeur", est identifiée par des lettres blanches sur fond sombre et la mention verticale "Passeur" de chaque côté. Puis viennent quatre grands chapitres : ils débutent tous par une double page (recto-verso) illustrée en couleurs, dans les mêmes tons que la couverture. Chacun comporte également une page d'une nouvelle intitulée La Bête de Paris. Le livre de base se termine par un scénario d'initiation et une feuille de personnage vierge.
Le premier chapitre se nomme Les Gardiens Psychiques (18 pages), ces derniers étant représentés par les personnages joueurs (PJ). Après avoir dévoilé l'origine de l'univers d'Achéron dans le jeu, il présente le cadre du XIXe siècle : géographie, science, culture, politique, économie... Le chapitre se termine sur quelques conseils d'utilisation du jeu.
Le second chapitre, Système de jeu (34 pages), décrit les mécanismes d'Achéron après l'habituelle nouvelle d'ambiance. La résolution d'action, quand elle est simulée par un jet de D12, est ici appelée "épreuve". Les différents jets, seuils de difficulté et résultats sont donc présentés. Puis la santé des personnages est passée en revue à travers quatre jauges : Fatigue, Vitalité, Frayeur et Démence. L'évolution du personnage est ensuite décrite avec l'utilisation possible de l'expérience, les Points d'Investissement. L'affrontement physique vient après et décrit les différentes formes de combat, y compris une table des armes blanches et une des armes à distance.
La fin du chapitre met l'accent sur les différents types de personnages (ou Gardiens) qu'il est possible d'interpréter : Indécis, Initié ou Sceptique. Chacun est détaillé, tant dans sa manière de le jouer qu'en termes de mécanismes de jeu. Les différentes formes de Conviction sont ainsi présentées, de même que les différences à la création de personnage. Un rappel des bouleversements apportés par la révolution scientifique vient clore le chapitre.
Le troisième chapitre s'intitule Création de personnages (72 pages). La Conviction une fois arrêtée (cf. précédent chapitre), le déroulement de la création est exposé : dépense des Points d'Attributs, avec un coût exponentiel ; achat des dons à l'aide de points ; acquisition de la classe sociale, de compétences, de contacts, possessions et autres, grâce aux Points d'Historique ; sans oublier les défauts divers, physiques ou autres, qui permettent d'acquérir davantage de points. Plusieurs listes détaillées permettent de faire ses choix en connaissance de cause et des encadrés approfondissent les conséquences de certains d'entre eux. Les dons exceptionnels, réservés aux Initiés, sont ensuite décrits et leur coût en points est également fourni. Là encore, des défauts surnaturels, eux aussi réservés aux Initiés, permettent d'accroître la quantité de points disponibles pour acheter davantage de dons.
La partie réservée au Passeur commence par le chapitre suivant, De l'autre côté du Miroir (85 pages). Il dépeint d'abord l'Achéron, les raisons de son existence, les créatures qui le peuplent et les lois qui le régissent. Les interactions avec le monde réel y figurent aussi, comme les différentes voies de passage et les séjours de l'autre côté pour les uns comme pour les autres.
Après quoi le sujet porte sur les Convictions, leurs interactions et leur utilisation - tant par le meneur que par les joueurs. Chaque type de Conviction est développé avec ses avantages et inconvénients : Foi pour les Initiés, Détermination pour les Indécis, et Scepticisme pour les Sceptiques. La perte de Conviction étant la voie toute tracée vers la folie, l'Aliénation est ensuite présentée : l'acquisition ou la perte de points d'aliénation, ses effets, comment la gérer. Moins sévères que l'aliénation, les addictions et la déchéance, fréquentes à cette époque, sont traitées.
L'utilisation des signes zodiacaux et de la Fatalité est décrite, tableau à l'appui. Suivent les utilisations possibles et plus approfondies des différents dons surnaturels : des exemples sont fournis et des seuils proposés, de même qu'une description des tarots et la manière se s'en servir pour les adeptes de la cartomancie. Le chapitre se termine sur un bestiaire de créatures surnaturelles et quelques pages de conseils au Passeur.
Un scénario d'initiation d'une douzaine de pages, L'Appel du Large, vient clore la section réservée au meneur. Une petite bourgade de la côte sud-est de l'Angleterre voit sa population disparaître presqu'entièrement en une nuit. Les personnages font partie des rescapés, mais il leur faudra rapidement trouver les raisons de ce mystère pour échapper à l'enfer qui vient de s'ouvrir. Ici, les Sceptiques sont peu recommandés, sauf aux amateurs de difficulté.
Le livre de base s'achève par une feuille de personnage vierge d'une page.
L'écran joint au livre de base comporte une unique illustration côté joueurs. De l'autre côté, le Passeur trouvera les deux listes d'armes (armes blanches - dont les parties du corps - et armes à distance) sur la droite ; la liste des compétences et le tableau des jets de Fatalité sur la gauche.
Cette fiche a été rédigée le 14 décembre 2010. Dernière mise à jour le 23 février 2011.
« Formidable source d’énergie, l’esprit ne connaît ni limite, ni repos, produisant sans cesse une force d’une puissance étonnante, l’énergie psychique, dont les manifestations prendront diverses formes : rêves, idées fugaces, émotions, imagination, etc.
L’être humain n’a cessé de puiser dans cette énergie pour créer, concevoir et concrétiser physiquement les idées jaillissant de ces émanations mentales. Avec le temps, il a appris à canaliser ses passions, interpréter ses rêves et utiliser son esprit pour faire reculer chaque jour ses propres limites. À mesure que ses interrogations se faisaient moindres, l’âme humaine est progressivement parvenue à donner forme au monde dans lequel elle souhaitait ardemment exister, en sélectionnant les concepts les plus bénéfiques à son évolution et en écartant inconsciemment ceux qui lui semblaient les plus néfastes.
Ces idées morbides, ces cauchemars et ces angoisses également constituées par l’esprit humain sont donc naturellement refoulés et rejetés dans les tréfonds de l’âme, afin que leur influence corruptrice ne déteigne pas sur le monde dans lequel l’homme souhaite vivre.
Perdu dans les limbes de la conscience collective, au-delà du temps et de l’espace, l’Achéron est un reflet du monde physique, dont l’apparence change constamment, au gré des émanations négatives de l’esprit humain. L’Achéron a le visage de toutes les peurs et de tous les fantasmes : il est à la fois l’enfer de flammes imaginé par les chrétiens, les rives infinies des sources jaunes orientales tout autant que le chemin sombre que l’enfant craint d’emprunter la nuit. Son aspect sera entièrement défini par les craintes les plus primaires dont il se nourrit et qui ont été accumulées depuis des millénaires par la conscience humaine. Il se conformera en tout point à ce que l’esprit d’un malheureux pourrait craindre le plus en se gorgeant patiemment de toute cette énergie psychique que l’homme rejette et refoule, le Substrat, la composante essentielle de ce monde de cauchemar. »
Voilà comment se pose l'univers d'Achéron, le jeu de rôle.
On est donc face à un univers miroir dans lequel sont envoyées les pensées rejetées et les âmes des mauvaises gens, un enfer qu'on souhaiterait hermétiquement clos. Mais voilà, la Barrière de la réalité est parfois poreuse et certaines émanations de l'Achéron réussissent à revenir dans notre monde. La réalité se retrouve donc confrontée à des créatures en fuite, pourchassées par les gardiens de l'Achéron, et qui, pour se maintenir dans notre univers, doivent consommer une partie de l'énergie psychique humaine. Pour ce faire, elle vont devoir interagir avec les hommes et utiliser la réalité comme source. C'est comme ça que naissent les légendes et les peurs collectives. Elles apparaissent quand une créature de l'Achéron a besoin de faire valider son existence afin de pouvoir perdurer dans la réalité. Si personne ne la perçoit ou n'y croit, son énergie s'épuise bien vite et elle est rappelée dans le royaume obscur. Si elle se maintient, elle est pourchassée par les gardiens de l'Achéron et ramenée tôt ou tard d'où elle vient (tôt, de préférence). Le seul moyen pour elle de réussir son évasion est de faire accepter son existence par les hommes et de devenir une partie intégrante de la réalité. Du statut d'émanation de l'Achéron, elle passe à celui de créature réelle.
Le problème est donc de réussir à se faire intégrer dans la réalité. Hors nous sommes au XIXe siècle et la foi montre des signes de faiblesse un peu partout. Dans cette époque d'apparition de nouvelles technologies, le monde se divise en trois grandes catégories de personnes. D'un côté, nous avons les sceptiques. Véritables pompes à énergie psychique, ils ont la capacité de vider les créatures de l'Achéron de leur substance (le substrat) par leur simple présence. Ils sont aussi des inhibiteurs de tous les phénomènes psychiques issus des êtres humains. Quand un sceptique est dans la pièce, plus rien de surnaturel ne peut advenir. Les sceptiques croient en la science, parfois au point d'en devenir de véritable intégristes.
Viennent ensuite la majorité des personnes, les indécis, partagés entre leur « réalisme » et une envie de croire. Ils ne vont pas à l'église mais évitent les chats noirs. Ils se disent sceptiques mais lisent leur horoscope. Leur esprit est ouvert à d'autres possibilités que la réalité mais à condition que leur volonté laisse passer certaines idées. Si une émanation de l'Achéron arrive à percer leur volonté, elle pourra se nourrir de leur psychisme.
Pour finir, nous avons les initiés. Eux savent que la réalité intègre le divin, le mystérieux, le surnaturel. Ils sont donc généralement capables de faire appel aux capacités dites « magiques » mais en retour, ils sont de véritable piles humaines pour les créatures de l'Achéron. Entre ces deux tenants de la foi, ce sera la bataille du surnaturel, chacun nourrissant les capacités des autres.
Ce sera à chaque joueur de choisir son type de personnage, chacun ayant ses forces et faiblesses.
Avec ces personnages, vous voilà partis à la chasse aux phénomènes étranges, aux apparitions et autres légendes locales. Mais face aux créatures de l'Achéron, même les esprits les plus cartésiens et les croyants les plus pieux se sentiront un jour ou l'autre vaciller. Il leur faudra donc trouver de nouvelles sources de volonté, en plongeant dans l'aliénation, les addictions, leur foi. Personne ne sort indemne de l'horreur.
Heureusement, les personnages pourront compter sur des capacités spéciales, à la limite du magique ou froidement scientifiques, pour lutter. Par contre, ne vous leurrez pas, dans cette lutte sans fin, personne ne gagnera...
Achéron repose sur une solide base de règles même si l'auteur rappelle toutes les 3 pages que les règles doivent servir le jeu et non l'inverse. Bien qu'elles soient très complètes, les règles sont astucieusement résumées en tableaux synthétiques qui permettent de rapidement retrouver le point abordé et la façon de le gérer.
On peut regretter la présence d'un seul scénario qui donne une seule ambiance pour un jeu qui peut passer par toute une série de visions et styles différents. Espérons que la sortie des suppléments et autres scénarios permettra de mettre en avant d'autres façons de jouer.
Achéron se distingue des autres jeux abordant sensiblement les même thème (folie, horreur romantique, XIXe siècle) avant tout par son exhaustivité. Que ce soit dans la définition fine d'un personnage, ses attentes, ses capacités, ses espoirs, ses choix antérieurs, ou dans l'approche des possibilités ouvertes par les capacités issues des connaissances du moment, un jeu s'est rarement attelé à couvrir autant de sujets dans un livre de base. Rien que pour cela, Achéron mérite l'achat.
Un autre point fort est de proposer de jouer des personnages totalement hermétiques au mystérieux et au fantastique. Quel bonheur d'enfin jouer un homme qui ne voit pas le fantastique mais qui trouvera toujours une réponse « scientifique » à une situation que tout le monde considère comme surnaturelle ! Cela change des grands anciens et autres fantômes. De plus, cela permet de mêler les enquêtes criminelles classiques aux surnaturelles.
Un dernier point est qu'Achéron n'est pas fixé dans son époque et qu'il est tout à fait envisageable de jouer dans un univers contemporain sans adaptation du système. En effet, en ce début de millénaire et d'apocalypse planifiée, c'est le moment où jamais pour les créatures de l'Achéron de tenter une sortie en profitant du regain de foi et des peurs de la population mondiale.
Dans le registre des doléances, disons qu'Achéron est bien trop exhaustif pour l'être totalement. On goûtera ou pas le fait que le livre de base fournisse autant d'informations sans pour autant les détailler fortement. C'est un choix éditorial que je ne partage pas mais c'est très personnel.
Les prochains suppléments sont appelés à nous faire voyager à travers le monde, j'aurais aimé qu'ils nous en apprennent plus sur les mystères déjà abordés.
Achéron c'est aussi 228 pages bien remplies, sobrement mises en page et illustrées par quelques dessins et beaucoup de photographies d'époque ou mises en époque. Le style est clair et agréable.
Au niveau des règles, Achéron est complet sans être complexe. Tout se résout au lancer d'un seul D12. Mais tout peut être évalué et testé. Au MJ de choisir si il veut faire appel à ces possibilités ou s'il considère qu'un ensemble d’actions est logiquement impossible tant à réussir qu'à échouer.
Un autre point fort est la possibilité de paramétrer son personnage à un stade « ultime ».
En résumé, laissez-vous tenter, Achéron en vaut largement la peine.
Critique de Romuald "Radek" Finet publiée dans le Maraudeur n°2
Critique écrite en août 2012.
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