J'ai découvert le jeu de rôle comme beaucoup dans mes heures adolescentes, lorsque je cherchais à prolonger mes évasions de cours par les fenêtres et mes lectures épiques par quelque chose qui me permettrait d'être un peu plus l'acteur de mes soifs d'imaginaire.
Je suis né à la frontière entre l'Allemagne et la France, de mère allemande et de père français, elle plus littéraire, lui mathématicien. Et moi au milieu, un peu des deux, tiraillé vers l'un et l'autre, pragmatique et passionné à la fois, ce qui n'est pas de tout repos pour l'âme en vérité. J'ai grandi à Troyes, dans le voisinage des maisons à colombages, sur un bout de campagne au pied de collines boisées, agraires et viticoles. Un bonheur d'enfant à dos de vélocipède lancé dans des sentes pentues sous les arbres fruitiers. En tous cas, de quoi s'inventer des histoires à foison, des heures durant passées à bâtir cabanes et pontons sur des ruisseaux ou au faîte des arbres.
Les nuages se situaient plus du côté de l'école, où il ne fait pas bon être timide, pas attifé ni coiffé comme il se doit. Mon adolescence aurait été bien solitaire si elle ne s'était pas trouvée un monde de joyeux lurons qui s'inventent des histoires autour de tables et avec des dés et des livres emplis d'univers. La suite ce sont de nouveaux amis, des après-midi et soirées passées à jouer et à débattre passionnément de dilemnes cornéliens où se jouent les destinées d'empires sur un jet de dé. Mes années d'étude philosophico-mathématique (on ne renie pas ses origines) n'ont pas entamé cette fièvre ludique, j'ai vite retrouvé dans chaque nouvelle ville des lieux et de nouveaux drilles pour partager cet engouement.
Et un beau jour j'ai eu envie d'écrire aussi le scénario de mon existence, j'ai plaqué mes études, mon confort, mes passions, et je suis parti quelques semaines vadrouiller avant de trouver mon point de chute à Paris. J'y ai travaillé de nuit, de jour, écrivant à mes rares heures perdues des récits fictionnels partagés en ligne. Durant mes années d'étude j'avais aussi commencé à m'engager politiquement, associativement, j'ai poursuivi ces engagements avec plus d'assiduité durant mes années de travail. Au boulot le jour, en réunions le soir, sur des blogs la nuit. Un peu de schizophrénie en somme. Le fanzine c'est un peu la petite porte de l'univers professionnel du JdR : on écrit un scénario par-ci, un bout de background par-là, on dessine sur un bout de buvard et si on a un peu de chance notre plume et notre trait trouvent grâce à d'autres yeux que les nôtres et sont sollicitées pour des publications. J'écrivais sur les forums d'Agone, j'ai donc tout naturellement rejoint la belle aventure du Souffre-Jour puis, de fil en aiguille j'ai poursuivi ma route vers Forgesonges, encouragé par de belles âmes du Souffre-Jour qui habitaient déjà ce beau projet d'édition.
De blog en aiguille j'ai renoué avec le jeu de rôle, par les forums, par les retrouvailles parisiennes avec des amis de jeu. J'ai commencé à écrire pour le Souffre-Jour, après avoir masteurisé des années durant pour Agone. Avec cette sensation étourdissante que nos mots deviennent l'Histoire avec un grand H, celle officielle qui servira de repère pour les puristes et de muse pour les imaginations débridées. Et de convention en convention, avec toute une équipe de joyeux drilles je me suis retrouvé sollicité pour de la cartographie après avoir laissé traîner une carte sur un coin de table. D'auteur je suis entré dans cet autre univers des illustrateurs, qui ont la lourde responsabilité de saisir l'ambiance qui se dégage de la plume pour la coucher entre des écrits exigeants. Ça a duré le temps de deux ouvrages, Billet Rouge et Mississipi, puis je me suis à nouveau laissé happer par les grandes et petites causes.
Droits humains, social, écologie, j'ai passé les années suivantes à m'engager dans de nombreux collectifs, avec bien peu de temps pour me consacrer encore au jeu de rôle. Mais ça se sont d'autres aventures, innombrables, denses, riches, qui m'ont fait vivre les meilleures comme les pires choses, à côté desquelles pas mal de scénarios que j'ai pu jouer font pâle figure. Mais aujourd'hui où je bâtis avec des voisin.e.s et ami.e.s un lieu dans mon voisinage qui soit un peu la maison de chacun.e, j'ai des envies de jeux de rôle qui me reviennent et je me dis que j'ai à mon tour envie d'ouvrir pour d'autres cette petite porte d'arrière-boutique merveilleuse de JdR qui a révélé des horizons insoupçonnés dans le paysage de mon adolescence.
Vivre du jeu de rôle ? Ahah, j'ai pu m'acheter un livre de base avec mes gains ! J'étais même surpris quand j'ai reçu le chèque, je ne m'attendais absolument pas à être rémunéré pour être honnête. Mes jeux préférés ? Agone arrive en tête sans hésiter, pour la richesse foisonnante de son univers qui laisse d'innombrables portes ouvertes à la création. Shadowrun dans le même ordre d'idées.
Non, je ne joue pas souvent malheureusement, j'ai des nostalgies qui me prennent et me poussent vers mon armoire à jeux régulièrement. Je me prends alors à écrire un fragment de scénario, feuilleter avec un soupir mes anciens livres de base comme on le ferait de grimoires anciens. J'ai beaucoup cédé le pas de mon imaginaire à d'autres engagements beaucoup plus ancrés dans la réalité quotidienne mais non moins stimulants.
Autres loisirs et centres d’intérêt : jeux de plateau sans aucun doute. Je passe beaucoup de temps à courrir aussi d'autres idéaux plus militants, entre écologie et social, notamment en tentant de faire vivre un petit local associatif de quartier où on cuisine, on débat, on chante, on réfléchit, on joue, on s'entraide, on partage tout simplement. C'est en soi déjà tout un programme.
Ce dont je suis le plus fier : ma cartographie d'Edimbourg pour le jeu Billet Rouge, parce que je n'aurais jamais cru faire encaisser plus de 200 calques photoshop à mon ordinateur et avoir la patience de dessiner durant plus de 200 heures le moindre détail des quartiers de cette ville qui m'a habité et que j'ai habitée fiévreusement, jusqu'à des heures indues.
Projets actuels (mai 2020) : continuer à enrichir l'antre chaleureux que nous bâtissons entre ami.e.s et voisins, parce que j'ai l'impression de jouer un peu ce rôle d'aventurier que j'ai incarné sous de multiples visages, des années de jeu durant. Après bien des périples militants, dignes de romans policiers et de fiction, je continue inlassablement de nourrir d'idéaux des projets de dernière maison simple pour les peuples libres dans le Grand Est où je réside (pour parodier l'appellation de Rivendell).
"Jouer son rôle c'est beau, le vivre c'est incomparable !"
Cette bio a été rédigée le 29 novembre 2009. Dernière mise à jour le 2 mai 2020.