Livre de 240 pages accompagné d'une carte en couleurs (48 x 68 cm).
Comme l'annonce la quatrième de couverture, "Experience the revival", cet ouvrage est une nouvelle édition longuement attendue de Tékumel. Dans la continuité des éditions précédentes, celle-ci présente à la fois un système de règles, adaptation du Tri-Stat system, et l'univers du jeu en un seul ouvrage, avec un effort didactique pour aider le lecteur, fût-il joueur ou maître, à mieux appréhender ce monde exotique.
L'introduction occupe six pages, dont deux illustrations pleine page. Elle survole en quelques paragraphes les particularités de Tékumel, à la manière d'un avertissement enjoignant au lecteur d'oublier tous les clichés et toutes les habitudes qu'il pourrait avoir issues d'autres jeux médiévaux-fantastiques. Environnement, transport, climat, culture sont brièvement passés en revue avec quelques exemples pour donner le ton : absence de chevaux, nudité, castes.
Le deuxième chapitre, l'un des plus imposants (45 pages), concerne la création des personnages. Celle-ci est présentée de manière linéaire, chacune des onze étapes nécessaires venant avec les règles associées, à quelques exceptions près. À la fin de chaque étape, le lecteur retrouve deux exemples de personnage pour illustrer le tout : un prêtre et un maître d'armes. Pour créer un personnage, il faut répartir un certain nombre de points à chaque étape, le hasard n'intervenant pas. Après avoir défini le concept du personnage, le joueur choisit son nom - une liste d'exemple est donnée, par sexe - puis son clan, un des aspects les plus importants, en fonction du niveau de jeu fixé par le meneur. Les rapports sociaux jouant un rôle central dans la vie des personnages et au vu de la stricte hiérarchisation de la société Tsolyáni, le niveau social de la campagne est en effet à déterminer à l'avance. La section consacrée aux clans en donne une longue liste par niveau, du clan Impérial aux clans les plus méprisables. Il reste possible de jouer un personnage qui n'est affilié à aucun clan, mais cela équivaut à être méprisé par l'ensemble de la société, à l'image des intouchables en Inde ou au Japon. Le choix de la divinité principale du personnage est rapidement abordé, la description du panthéon étant reportée dans un chapitre suivant.
Arrive ensuite la détermination des six caractéristiques : deux corporelles, force et dextérité, deux mentales, intelligence et psychisme, et deux spirituelles, volonté et charisme. Le nombre de points disponibles dépend cette fois encore du niveau de la campagne : Héroïque, Moyen ou Implacablement Réaliste. L'étape suivante consiste à "acheter" avec les points restants de l'étape précédente des avantages et à des désavantages parmi les quatorze pages de la section. A côté de certains très classiques tels l'ambidextrie ou l'âge, on en trouve quelques-uns qui sont fortement reliés à l'univers, pour la plupart de nature sociale ou magique. Il faut ensuite choisir la carrière du personnage : militaire, gouvernementale, religieuse, ou simplement celle de son clan. Certaines carrières ne sont accessibles qu'aux personnages ayant certains scores minimaux dans certaines caractéristiques, tandis que le statut au sein du clan ne joue aucun rôle.
Autre étape d'importance, le choix des compétences occupe une quinzaine de pages, description de chacune des compétences comprise. Ici aussi, le nombre de points disponible dépend du niveau de jeu de la campagne, le coût d'une compétence dépendant du niveau désiré et de sa difficulté. Il est aussi possible de choisir de n'être que "familier" avec une compétence pour un moindre coût et de moindres chances de succès. Tout comme avec les avantages et désavantages, on trouve parmi une liste classique quelques compétences inhabituelles, comme les différents types de sexualité, dont certains temples font usage dans leurs cérémonies, ou la randonnée, étant donné l'absence de moyens de transport. Les quelques pages qui terminent le chapitre concernent le calcul des attributs dérivés : capacité de combat, points de vie, le rang du personnage au sein de son clan, de son administration, de son temple ou de sa légion, ainsi que ses ressources disponibles. Ces dernières sont mesurées en points de ressources et permettent à la fois d'acheter l'équipement de départ du personnage et de donner une idée de ce à quoi il a accès au travers de son clan.
Le troisième chapitre décrit les espèces extra-terrestres qui partagent la planète avec l'humanité. Certaines d'entre-elles sont même intégrées au sein de l'Empire, quelques clans allant jusqu'à accueillir ces créatures comme membres à part entière. Sont par exemple décrits l'ahoggyá, créature radiale qui a sans doute inspiré le Xorn du Monster Manual, au Tinalíya, sorte de petit quadrupède tri-sexué ressemblant à un croisement entre le Bibendum Michelin et Caliméro. Chaque description est accompagnée d'un dessin et présente brièvement les principaux traits de l'espèce, comme son mode de reproduction, sa mentalité ou ses coutumes sociales, mais aussi les clichés, vrais et faux, véhiculés par les humains. Adaptées du Tri-Stat system, ces caractéristiques sont traduites en termes de jeu avec leur coût en points, au cas où un joueur désire créer un personnage de l'espèce correspondante.
Le quatrième chapitre (27 p.) est consacré à l'équipement et à l'économie au sens large, puisqu'il aborde aussi bien les revenus, les différentes monnaies de l'Empire que les prix de tout ce qui peut s'acheter. Au fil du texte qui s'écoule entre les nombreux tableaux récapitulatifs - prix des esclaves, boissons alcoolisées extraites de la flore extra-terrestre, talismans, etc. - on trouve aussi une dizaine de pages de règles génériques de construction d'objets "spéciaux" ou "technologiques", tels les célèbres "yeux" de Tékumel. Ce système permet d'affecter des avantages et désavantages aux objets et d'en calculer le coût en points de ressources, et en espèces sonnantes et trébuchantes. Selon le style de jeu désiré, le chapitre propose aussi une façon abstraite de gérer les finances des personnages autrement qu'au qirgál (pièce de cuivre) près, en fonction de la richesse de leur clan d'affiliation.
Le système de résolution est présenté dans le cinquième chapitre (19 p.). Le succès ou l'échec d'une action est déterminé en comparant le jet d'un dé à dix faces à la somme d'une caractéristique, du niveau d'une compétence et de modificateurs de circonstance. Dans certains cas, la marge de réussite intervient pour qualifier le résultat, et il existe une notion de réussite critique. Les règles de combat occupent huit pages, dont cinq de règles avancées. En bref, après un jet d'initiative permettant de savoir qui "frappe" en premier, on compare les marges de réussite de l'attaquant et du défenseur. Les dégâts sont proportionnels à la différence entre les marges, le coefficient multiplicateur dépendant de l'arme et de l'armure. Sur ce principe simple se greffent de nombreuses options : surprise, manoeuvres, choc dû aux blessures, longueur des armes, etc. Le reste du chapitre est consacré à différents points de règles, comme la gestion de la réputation, à base de points de respect semblables aux points de On à Bushido, ou les poisons.
Dans la continuité du chapitre précédent, le système de magie est traité en trois pages suivies de vingt-sept pages consacrées à la description des sorts connus. On distingue la magie psychique, déclenchée et manipulée par le seul esprit du lanceur, de la magie rituelle, provoquée comme son nom l'indique par un rituel, et les sorts universels des sort sacrés ("Temple spells"). Les sorts sacrés font directement appel aux pouvoirs des dieux et sont jalousement gardés par les Temples. Ils sont aussi terriblement puissants : la plupart d'entre-eux provoquent la mort ou l'annihilation immédiate de la victime ou détruisent une région plus ou moins vaste. En pratique, les sorts sacrés ne sont accessibles qu'à un adepte du Temple auxquels ils appartiennent. En termes de jeu, les sorts ont un coût exprimé en "spell points", qu'il faut dépenser pour les acquérir, sachant que ce coût peut varier du simple au triple en fonction du "niveau de magie" de la campagne, fixé par le meneur de jeu. Pour lancer un sort, il suffit de réussir un jet de compétence et de dépenser un certain nombre de points d'énergie, que le magicien récupère chaque matin. Il est aussi possible de drainer de l'énergie en sacrifiant des créatures vivantes. Lancer un sort sacré peut, le cas échéant, abaisser la réputation d'un magicien déshonorable, car on n'invoque pas impunément les pouvoirs divins sans être irréprochable. La ou les victimes d'un sort on droit à un jet de résistance, la résistance aux sorts étant une caractéristique innée de toute créature vivante. Hormis leur type - rituel ou psychique - et leur affiliation - universel ou sacré - les sorts sont caractérisés par un niveau de difficulté, le temps nécessaire pour les lancer, la portée et l'aire d'effet, la durée, les sorts pré-requis et un certain nombre de variantes qui influent sur le coût du sort.
Le septième chapitre présente le monde (12 p.) du point de vue historique et géographique. Trois pages résument les trente mille ans d'histoire de la planète, présents en détails dans le premier volume de l'ouvrage originel. Une demi-page présente ensuite quelques événements récents. Il est aussi question dans ce chapitre des routes et des cités, du climat, de l'astronomie, etc. Rédigé de façon didactique, ce chapitre présente les connaissances élémentaires que les personnages sont censés connaître sur le monde et complète ainsi l'introduction.
Vient ensuite le bestaire (24 p.) illustré, divisé en trois parties : les créatures courantes et domestiques, les animaux et les plantes sauvages, les horreurs et les espèces ennemies de l'humanité. Chaque créature est décrite avec son habitat, une description objective, un texte d'ambiance généralement sous la forme d'un témoignage d'un malheureux ayant survécu à une rencontre, et ses caractéristiques en termes de jeu.
L'avant-dernier chapitre présente la vie quotidienne dans l'Empire Tsolyáni (38 p.). Après une courte description du panthéon en cinq pages et quelques pages concernant les valeurs culturelles (esclavage, honneur, sexualité, tolérance religieuse et polythéisme, la loi, entre autres), l'essentiel de cette partie décrit une journée type de représentants de chacune des différentes strates de la société impériale, du clan le plus misérable jusqu'au clan le plus prestigieux en passant par la journée de travail du fonctionnaire, du prêtre ou du légionnaire dans sa caserne.
Le dernier chapitre (9 p.) est destiné au meneur de jeu et contient quelques conseils et les règles de progression des personnages.
Enfin, cet ouvrage s'achève sur une annexe d'une page présentant l'alphabet Tsolyáni, une page bibliographique, une feuille de personnage et un index.
Cette fiche a été rédigée entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2009. Dernière mise à jour le 28 janvier 2012.
Très beau travail de réécriture du monde de Tékumel que cette réédition sous le système Tri-Stat. Pour la première fois, ce monde est présenté pour des débutants de façon cohérente, l'information est hiérarchisée clairement et très décemment illustrée. Les amateurs de Tékumel verront une belle synthèse et les néophytes une initiation plus facile à ce monde.
Bien que relativement générique et adapté dans ce cas, le système Tri-Stat n'est pas un outil spécialement inspirant. Néanmoins, il s'explique considérant que Guardians of Order a voulu utiliser son système maison pour un jeu qui est loin d'être une réussite financière assurée. Une version D20 est attendue pour octobre 2004, vraisemblablement plus près du système originel de 1977.
Belle étape, donc, pas parfaite mais un net progrès par rapport aux éditions extrêmement lourdes et peu conviviales des versions précédentes. Le focus "aventure active" versus "découverte passive du monde" serait par contre à développer.
Points forts :
- Belle présentation, illustrations du même artiste très vivantes
- Écriture claire, concise, précise
- Bonne synthèse du monde de façon globale
- Conseils de jeu multiples
- Un texte conçu pas seulement pour les afficionados fanatiques du genre, contrairement aux éditions précédentes.
À améliorer :
- Réduire les néologismes qui alourdissent le texte jusqu'à la rendre laborieuse (quoique moins que les éditions précédentes)
- Système de jeu plutôt lourd, assez peu inspirant
- Absence de campagne et véritables aventures
- Accent trop spécialisé sur la civilisation de Tsolyanu, au détriment des autres
- Éliminer les listes d'armées interminables, qui enlèvent de la place pour du contenu plus utile
- Abréger la section sur la magie, trop importante
- Certaines illustrations du bestiaire seraient à revoir
- Rajouter des espèces d'aliens hostiles et mettre plus l'accent sur la supertechnologie des anciens
- Renforcer le côté fantastique, aventureux, le "Que peut-on faire dans ce monde" et réduire conséquemment les descriptions passives d'observateur ethnologique.
Je ne vais pas être original : J'approuve la plupart des remarques d'Erick. Pour que ma critique fasse un peu avancer les choses, je me propose donc de comparer cette édition de Tékumel à d'autres jeux que je connais, et qui ont aussi pour vocation de renouveler le genre de la fantasy.
En effet, je viens de terminer une petite campagne de Tékumel et j'ai été ravi de découvrir ce monde réellement exotique, qui change du médiéval-fantastique classique. Je lui trouve un avantage sur Talislanta - je parle de la quatrième édition - auquel on peut le comparer pour son originalité, c'est qu'il présente quelques peuples détaillés et cohérents, là où l'autre semble accoler mille races différentes qui n'ont entre elles aucun échange et dont le nombre ne fait qu'embrouiller et retirer de la cohérence au monde. Ici, nous sommes face à un monde qui pourrait exister, avec sa logique dans laquelle il est possible d'entrer.
Mais alors que les règles de Talislanta donnent envie de jouer, celles de Tékumel sont plus sans saveur. Attention ! Je ne dis pas qu'elles empêchent de jouer comme c'est le cas dans certains jeux, par exemple Mechanical Dream que j'ai carrémment laissé tomber ! mais simplement elles n'apportent rien.
Enfin, je ne saurais pas vraiment l'expliquer, mais ce jeu est effectivement présenté comme une étude ethnologique et il manque de sel. Talislanta, lui, m'a tout de suite donné envie de jouer, comme Mechanical Dream.
Le reste est du détail : Je ne trouve pas, contrairement à mon prédécesseur, que les illustrations sont à revoir ; je suis entièrement d'accord quand il pointe l'inutilité de présenter toutes les légions du pays dans le détail ; j'apprécie, moi, que le chapitre sur la magie soit développé car je ne suis pas sûr qu'il faille attendre des suppléments ; je regrette aussi le peu d'informations sur le passé technologique de Tékumel ; de même, je regrette que seul l'empire Tsolyani soit vraiment décrit, mais il est si vaste et complet que ne créer que des personnages qui en sont issus et qui regardent l'étranger avec méfiance et ignorance colle très bien à l'univers.
Je ne mets pas 5 à cause d'un système de règles ennuyeux et d'un monde qui est certes complet mais n'appelle pas l'aventure.
Tékumel est un univers créé dans les années 30 par Muhammed Abd-ar-Rahman Barker, un linguiste qui publia plusieurs romans mettant en scène ce monde. Édité initialement chez TSR en 1975, Tékumel fait partie des univers fondateurs du JdR américain. Jamais traduit en français, c'est pourtant un jeu de science-fantasy complexe qui a connu une histoire éditoriale mouvementée lui donnant de multiples publications en 30 ans d'exploitation rôlistique. Guardians of Order a donc décidé de remettre cet ancêtre au goût du jour en l'adaptant à son système Tri-Stat.
A l'origine, Tékumel est une planète habitée qui se fait coloniser par des terriens qui ne se privent pas pour modifier sa géographie sans l'avis des autochtones. Mais quand la planète est soudainement aspirée dans une autre dimension, tout bascule pour ses habitants. Les civilisations s'effondrent, le niveau de technologie chute soudainement et la planète est de nouveau livrée à elle-même. Les siècles s'écoulent et donnent naissance à des civilisations proches de l'Egypte antique, de l'Inde mythologique et des Aztèques où les anciens colons terriens cohabitent avec les êtres natifs de Tékumel. Et les Dieux, créatures extra dimensionnelles et puissantes, pèsent de tout leur poids sur cette planète déchirée par les conflits.
Tékumel est donc un jeu qui se veut très éloigné des standards classiques du JdR. Les races indigènes sont ouvertement atypiques par rapport à nos habitudes de rôlistes, ce qui peut être autant une plaisante découverte qu'un désagréable sentiment de total égarement. C'est un univers ambitieux qui propose d'incarner aussi bien des humains que des créatures non humaines. Ce challenge est difficile à relever car certaines races sont à la limite du risible. Jugez plutôt : les Ahoggyà sont des créatures symétriques avec 4 jambes et 4 bras, avec un corps en forme de tonneau et une carapace de tortue en prime. Et comme ce livre de base ne déborde pas de renseignements pour correctement incarner ce genre d'êtres, il faut centrer le jeu sur les humains pour intéresser les joueurs à Tékumel.
Si le travail de présentation synthétique est très réussi et l'adaptation au Tri-Stat très efficace (on regrettera l'absence d'un scénario d'introduction), le lecteur qui ne connaissait pas Tékumel auparavant a devant les yeux un monde pétri de traditions et de coutumes dont il est difficile de faire le tour en une seule lecture. Il y a certes de quoi dépayser plus d'un PJ, mais cet univers nécessite d'être mis en scène par un MJ inspiré et capable de régurgiter ces spécificités peu communes. Tékumel est indiscutablement original mais les 50 ans de création de MAR Barker n'en font pas nécessairement un jeu jouable par le premier venu, à l'instar de son cousin Jorune.
Cédric Ferrand - Casus Belli n°32
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