Ma soeur et moi vécûmes une enfance défavorisée sur le plan matériel et désertique sur le plan émotionnel, voyant et expérimentant de nombreuses choses que les jeunes, sans parler des adultes, ne devraient jamais connaître. Les tensions majeures du développement artistique et personnel furent semées dans ces années formatrices, toutes mornes qu'elles fussent, en conséquence de quoi je ne pleure pas sur mon enfance mais je la vois plutôt comme le terreau fertile duquel moi-même, comme fleur ou mauvaise herbe, aie poussé.
Je dessine depuis aussi longtemps que je me souvienne. En l'absence des habituels jouets d'enfant, je déchirais du papier en bandes et je dessinais des silhouettes au crayon dessus. Ces petites silhouettes de bandes de papier étaient dotées de noms, de personnages, d'histoires, et pendant de nombreuses heures ma soeur et moi créions de petites scénettes tout en les faisant bouger physiquement.
Egalement, derrière la maison où nous demeurions autrefois, il y avait un bois. A côté du bois se trouvait une fabrique de poupées et un dépotoir. Malgré les pancartes portant des avertissements de "Danger" nous passions beaucoup de temps à fouiller dans les rebuts à la recherche de têtes, de bras, de jambes, etc., pour confectionner nos propres poupées. Bien sûr, elles avaient des formes assez étranges, comme nous n'avions jamais tout à fait les pièces correspondantes. Nous les gardions dans des "palais" que nous faisions dans les bois et dans des conditions si sombres et humides qu'elles virent bientôt pousser leurs propres vêtements de mousses et lichens. Quelques années plus tard on me donna une poupée achetée en boutique, une très jolie chose avec des petits anneaux, des rubans et boucles. Ce n'était guère la même chose et je l'aimais bien moins que mes crétures sylvestres faites main. Les racines de ma fascination pour le dessin, les histoires, le théâtre et la sculpture sont manifestes ici, dans ces années précoces. La peinture, la danse, etc., vinrent plus tard.
Mon esprit a toujours oscillé sur une balance - pas entre bien et mal, mais entre raison et absurde. Beaucoup de choses m'embrouillaient, et les questions "quoi" et "pourquoi" étaient incessantes et en plus grand nombre que chez les autres enfants (de tels questionnements continuent à l'âge adulte). La manière dont les gens étaient/sont et comment fonctionne la société m'ont toujours semblé un peu écoeurants et injustes, et j'avais donc un désir brûlant d'aider à apporter des changements. Politique de gauche, styles de vie alternatifs, vie en communauté et ainsi de suite, j'ai tout embrassé de tout coeur, jusqu'à ce qu'il me soit paru évident que le seul véritable changement qui pouvait être effectué était si l'on travaillait sur soi-même - et toutes choses étant liées, c'était vraiment le seul endroit où commencer le travail.
Aussi, de manière à contribuer à un changement de conscience planétaire, j'ai plongé dans l'examen de la psyché, dans l'ésotérique/le magique. Ayant semble-t-il une incroyable capacité naturelle à rapidement assimiler et aller au coeur des choses, je suis passée par divers systèmes et initiations. L'intérêt pour la philosophie et la psychologie a toujours suivi en tandem avec les pratiques ésotériques, magiques, shamaniques et de sorcellerie. Que j'utilise l'appellation "Sorcière du Chaos Shamanique multi-coloré avec des tendances jungiennes et thélémites" sert vraiment à indiquer que je n'adhère pas à une "voie" ou à un "système". Je prends les ingrédients que je souhaite et je les mélange tous dans un chaudron de ma propre création - en d'autres termes, je fais ce qui fonctionne selon mes propres études, essais et savoir expérimental, pas ce qui a été dicté par d'autres.
Le milieu universitaire a été tout à la fois étouffant et libérateur pour moi. Mais, à travers lui, j'ai pu découvrir des concepts et le travail d'artistes que je n'aurais peut-être sinon jamais rencontré. Antonin Artaud, Samuel Becket et Hijikata Tatsumi furent parmi ceux dont le travail eut une profonde influence sur moi et certaines de mes créations sont directement influencées par eux. Le travail de Hijikata Tatsumi m'amena à un thème que je n'avais pas encore personnellement exploré - celui de la danse. Ce fut une révélation pour moi et je continuerai toujours à danser, bien que pas toujours en public. Ma gratitude, par conséquent, va au Dr Tony Gardner qui m'a fait découvrir le butô alors que j'étais encore étudiante en théâtre. Ma gratitude éternelle va tout particulièrement à M. Mike Deegan, mon professeur d'anglais au début de mon adolescence, la première personne à me considérer entièrement comme un être humain, et sans les encouragements duquel ma vie aurait pu prendre une direction très différente et en être bien moins riche. A partir de cette rencontre, le poème "Je ne suis pas encore né" de Louis MacNeice sera toujours en moi.
Je suis, pour citer une phrase de Sartre dans son livre sur Genet, un "étranger ontologique", et j'ai passé ma vie en limite de la société. Créer, détruire, fouiller dans des royaumes que d'autres auraient peur de fouler, m'est aussi nécessaire que de respirer. Le dessin et la magie sont inséparables et un style de vie. Le puits/source de créativité ne s'assèche jamais en moi, je ne peux tout simplement pas m'en tenir à moi. J'espère seulement que je peux faire manifester, donner forme à plus d'une fraction de mes inspirations avant que mon temps sur Terre soit écoulé. La pensée qu'un jour, aujourd'hui, demain ou longtemps après que je sois partie, un autre puisse se saisir de quelque chose que j'ai créé, en être stimulé, enrichi et en tirer de la force, peut-être même ne pas se sentir si seul, m'enchante - ainsi soit-il !
Traduit (juillet 2010) d'après le site de l'auteur, avec son aimable autorisation.
Cette bio a été rédigée le 25 février 2010. Dernière mise à jour le 11 juillet 2010.