Dirty System : Tel est le propre d'un froid de novembre précoce, que de nous glacer dans la chair et jusqu'à l'os

Linou MajorZero et Cédric Chaillol ne sont pas nouveaux sur la scène JdR francophone. Mais leur association et la naissance de leur label le sont davantage, puisqu'ils se sont associés comme Dirty Clean Crew il y a moins de deux ans. Mais ils nous fournissent déjà, en impression à la demande, une belle collection de scénarios de Linou.

Ces différents scénarios contiennent chacun une originalité qui est la marque de fabrique du label. En effet, chacun, sous une introduction ou des atours classiques, va apporter un regard, un point de vue très différent de ce à quoi nous sommes habitués. L'un des axes importants, qui est recherché systématiquement par l'autrice, ce sont les émotions que vont pouvoir vivre les joueurs. Afin de faciliter l'éclosion de ces émotions, Linou MajorZero s'appuie sur des personnages prétirés très bien définis, avec des historiques précis et fouillés qui vont faciliter les émotions. Une formule que cette équipe a ainsi développée sur Chromatopsie (bien qu’il précède la gamme en elle-même), Deepwater Horizon, Triage, et Orphans, mais aussi dans le Biome de Locus Solus.

Linou aurait pu s’en tenir à créer des scénarios agnostiques, ou liés à des mécaniques génériques. Mais, avec Cédric, ils ont également préféré leur y adjoindre gratuitement un système au sein de chaque ouvrage ; les rendant ainsi davantage indépendants, et totalement clef en main. Le système en question est disponible en deux versions : "To the Bone" et "In The Flesh". Si le premier est très succinct, avec la volonté de s'effacer derrière la narration, le second se veut plus détaillé et stratégique.

Ce système repose sur une base bien connue : une valeur de caractéristiques qui, si elle est supérieure à la difficulté de la tâche, ne nécessite pas de lancer de dés ; et, selon le profil du personnage, son domaine d'expertise, les conditions, etc, des bonus ou malus s'appliquent. Approche élégante : les capacités des personnages ne sont pas définies par des "compétences" mais plutôt en fonction des types d'actions communément entreprises par les PJ en jeu de rôle. Ainsi, sur la fiche de personnage, on ne trouvera pas "grimper", "nager", "sauter" mais un "franchir" plus global. Et pour ajouter du chaos et de l'incertitude, il y a le Dé de Tension qui ajuste le résultat final positivement… ou négativement.
Et dans le mode in the Flesh, ils introduisent également différentes jauges ou réserves qui permettent d'améliorer ses performances et d’ajouter ainsi une mécanique d’attrition propice aux ambiances recherchées par le scénarios.

Une mécanique simple, élégante, pour soutenir des scénarios inspirés. À l’heure de la multiplication des crowdfunding, de la quadrichromie et couverture dure systématisée, des gammes univers, et du jeu plus à lire qu’à jouer, la démarche du Dirty Clean Crew a quelque chose de rafraîchissant dans son accessibilité. Elle nous rappelle un peu la démarche de Yno sur Channel Fear, tout en multipliant les décors à explorer puisqu’elle nous a pour le moment fait parcourir différentes époques et lieux : la petite ville de la Côte est des USA en 1920, la plateforme pétrolière Deepwater Horizon en 2000, une administration aux relents de Brazil qui peut s'insérer dans n'importe quelle de vos parties de JdR, et un mix de contemporain (1980) et de fin 19ᵉ. Et, peut-être (est-ce cela le Fil Rouge dont ils nous parlent ?) dans chacun de ces scénarios, la découverte de possibles dimensions différentes, et de possibles points de contacts et percolations entre elles. On y retrouve les thèmes forts et qui tiennent à cœur l'équipe du Dirty Clean Crew : le respect de la personne, des idées, et de… la mort ?

Nous espérons qu'elle continuera de nous emmener dans les méandres de l'âme humaine et vous faire passer d'horrifiques moments... de jeu !