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Du Jdr au Roman, questions aux auteurs de Enfants de Lune

Par Jérôme, Le P'tit Timonier

Rubrique : Interviews
Date : 22 avril 2013

Hélène et Romain Rias viennent de publier chez les Ludopathes Enfants de Lune, le premier roman du cycle Héritages qui prend place dans le Monde de la Tour, issu de l'imagination de Romain... pour ses campagnes de Jeu de Rôle.

Ils ont acceptés de répondre à quelques-unes de nos questions sur cet exercice peu commun du passage du JdR à la littérature.

Bonjour, et merci d'avoir accepté de répondre à nos questions. Tout d'abord, est-ce que vous pourriez vous présentez, vous et votre roman, à nos lecteurs ?

  • Les auteurs : Romain et Hélène Rias, tous deux passionnés de fantasy, nous sommes mariés depuis bientôt 10 ans. Nous habitons Toulouse et nous avons écrit ensemble la trilogie Héritages, dont Enfants de Lune est le premier tome.
  • L'univers : l'histoire d'Enfants de Lune se déroule dans le Monde de la Tour. Cet univers, créé pour le jeu de rôle, est orienté "high fantasy". La magie est partout, les dieux et les dragons interviennent directement dans le destin des mortels.
  • Le roman : Enfants de Lune se déroule sur deux lignes temporelles, deux époques séparées par un cataclysme qui a changé la face du monde. La quête de reconnaissance d'un homme, dans un contexte médiéval-fantastique, va trouver un écho dans un âge d’or oublié, où des demi-dieux régnaient sur des sociétés humaines implantées sur le même continent. Les deux époques vont se répondre tout au long du roman, jusqu'à se rejoindre dans le dénouement final du récit.

C'est un peu une campagne qui a été jouée tous les vendredi soirs depuis 15 ans... Il va vous falloir combien de volumes pour retracer tout ça ?

Romain : De nombreuses campagnes ont été jouées dans le Monde de la Tour depuis 20 ans. Cependant le roman n'est pas du tout une retranscription de ces campagnes. Il se déroule plus de 10.000 ans avant l'ensemble des campagnes que j'ai pu faire jouer. C'est une sorte de retour aux origines. Notre souhait est d'écrire encore de nombreux romans sur cet univers, en avançant dans le temps au fur et à mesure. Il me paraît vraisemblable que nous abordions les thèmes des campagnes dans le futur.

A l'époque, ce n'était déjà pas les univers médiévaux fantastiques qui manquaient... pourquoi être parti sur une création plutôt que d'adopter un de ceux du commerce ?

Romain : je me suis toujours senti bridé par les univers du commerce dans le JdR, et ce n'est pas faute d'avoir essayé. J'ai beaucoup d'imagination, et j'aime improviser et partir sur des chemins improbables quand je maîtrise. Le Monde de la Tour a gagné énormément en maturité avec les années. Tout d'abord, c'est un monde non manichéen. Il n'existe pas de "bien" ou de "mal" édicté en règle. Ensuite, c'est un monde très haut en couleur, où l'on retrouve mages, dragons, élémentaires, dieux, démons et bien sûr les Ombres. Enfin, mon côté scientifique a fait de cet univers quelque chose de complet et de cohérent.

Comment avez-vous découvert le JdR ? Est-ce que vous avez le temps de jouer à autre chose que vos campagnes dans le Monde de la Tour ?

Hélène : je suis venue au JdR par la lecture. C’était pour moi un moyen de continuer à vivre des aventures dans des mondes que j’aimais (en premier la Terre du Milieu, puis Star Wars, Ambre et d’autres). Nous ne faisons en général qu’une seule campagne à la fois : en ce moment, un Warhammer maîtrisé par un ami où nous sommes joueurs tous les deux, avant ça une campagne de Nobilis et quelques incursions dans le Monde de la Tour.

Romain : j'ai découvert le JdR à l'âge de 13 ans. C'était l'Œil Noir et c'était déjà moi le MJ ! Depuis cette époque j'ai beaucoup joué mais j'ai encore plus souvent maîtrisé, en particulier dans la Terre du Milieu, puis dans le Monde de la Tour. Actuellement, après 4 campagnes successives que j'ai dirigées dont 3 dans le Monde de la Tour, je fais un break en étant joueur. En dehors du JdR, nous trouvons un peu de temps pour du jeu de plateau, du grandeur-nature ou des murders.

En pratique, vous avez donc écrit des scénarios de Jeu de Rôle et un scénario de roman dans le même univers. En quoi est-ce différent ? Est-ce que vous aviez tous les deux déjà eu l'occasion d'écrire et de maîtriser dans le monde de la Tour ?

Hélène : je n'ai jamais maîtrisé dans le Monde de la Tour, mais j'ai joué plusieurs des campagnes maîtrisées par Romain. Maintenant, il va m'être plus difficile d'être joueuse à part entière, car je connais les grands secrets de cet univers. J'ai maîtrisé par le passé quelques petites campagnes mais je préfère de loin être joueuse...

L'exercice d'écriture est totalement différent d'une expérience de jeu. J'ai un cadre très précis dans lequel inscrire et faire évoluer mes personnages, mais je suis libre de les faire agir à ma guise, je contrôle leur personnalité, leurs interactions, les épreuves qu'ils ont à affronter. C'est un travail d'équipe, car Romain est bien meilleur scénariste que moi et il connaît son monde sur le bout des doigts. Mes domaines d’action sont la création des personnages et l’écriture en elle-même. Enfants de Lune est mon premier récit dans le Monde de la Tour et c’est à présent mon cadre de prédilection. Je suis en cours d’écriture d’un cinquième roman et j’ai également une demi-douzaine de nouvelles à mon actif, le tout dans le Monde de la Tour. 

Romain : je vois beaucoup de similitudes entre imaginer l'histoire d'une campagne de JdR ou d'un roman. La cohérence du monde, la recherche de l'originalité, le souhait de maintenir le lecteur/joueur en haleine, par exemple. Par contre, dans un JdR on n'est pas seul pour construire. Les joueurs peuvent retourner le mieux préparé des scénarios et orienter la campagne sur tout autre chose, alors que le roman est fixé et correspond à la réalité du monde.

Parmi tous les personnages rencontrés dans le roman, y en a-t-il qui sont les personnages de vos joueurs ? Est-ce que vous leur avez demandé leur avis sur leurs réactions aux événements ? 

Hélène : comme il ne s’agit pas d’une campagne qui a été jouée, nous n’avons pas de souci à nous faire pour ménager la susceptibilité de nos joueurs. Les personnages des romans sont les miens et je ne me sens pas bridée par des souvenirs de jeu. Romain maîtrise des campagnes « à gros budget », où il ne lésine pas sur les révélations et les événements cruciaux. Chaque personnage doit trouver son compte dans ce contexte épique, ce qui donne des campagnes très riches en rebondissements et en événements grandioses. Nous gardons cette tonalité dans les romans. 

Romain : pour l'instant, aucun PJ n'a été réutilisé. Seulement quelques clins d'œil que certains de mes anciens joueurs pourront apprécier. Dans les futurs romans, il est probable que certains personnages soient utilisés. Cependant, je considère toutes les campagnes effectuées comme des uchronies, des variations par rapport à la réalité que nous décrivons dans les romans. Les PJ seront sans doute très différents dans les romans.

Est-ce qu'il y a des choses du Monde de la Tour que vous vous êtes résolus à modifier pour mieux coller à ce que vous vouliez dans le roman ? 

Hélène et Romain : les romans sont une manière pour nous de figer le monde et son histoire. D’une manière générale, on peut considérer les romans comme l’histoire officielle, au-delà de ce qui a pu être dit ou fait en jeu de rôle. Le Monde de la Tour a évolué depuis les premières campagnes, les anciens joueurs n’y retrouveront pas forcément tout ce qu’ils ont vécu en jeu mais l’esprit de ce monde demeure. Les grands concepts du Monde de la Tour perdurent depuis sa création. Ils deviennent simplement plus riches et plus complexes au fur et à mesure que nous les passons au crible pour leur donner toute leur épaisseur et leur intérêt.

Les grands concepts ? Tu peux nous en parler sans gâcher la lecture des romans ?

Hélène et Romain : il existe plusieurs grands concepts qui régissent le monde et ils sont plus ou moins influents en fonction de l’époque où l’on se place. A l’époque des romans, les deux puissances les plus influentes sont la Pureté et l’Altération.

La Pureté cherche à revenir à un état purement spirituel, débarrassé du corps physique et de ses contraintes. L’influence de la Pureté est en déclin sur le monde, mais reste encore prédominante à l’époque des romans. La Pureté est servie par les mages de la Tour, au centre du monde, ainsi que par les dieux anciens, représentant de l'ordre antique.

L’Altération prône la fusion du corps et de l’esprit, l’animation du physique par le spirituel. C'est aussi la dégénérescence des sociétés, les menant vers plus de diversité mais aussi plus de bestialité. Elle est représentée par les démons et les éléments, dont les 6 principaux (Eau, Air, Lumière, Feu, Terre, Ténèbres) ont été repoussés au bord du monde, par la puissance répulsive de la Tour, formant ainsi la Barrière Élémentaire.

La Pureté est représentée par un triangle d'or, alors que le symbole de l'Altération est un triangle violet.

L’époque des romans voit se profiler une troisième puissance, encore discrète mais qui sera amenée à grandir pour influencer à son tour l’histoire du monde. Et il en existe d’autres, de même niveau ou même de niveau supérieur, mais qui restent encore à découvrir…

Au final, est-ce que c'est une histoire qui s'adresse aux rôlistes uniquement ? Est-ce que vous n'avez pas peur qu'en lisant les livres, ils aient envie eux aussi de jouer dans cet univers, et qu'on vous demande d'en faire un ouvrage encyclopédique ?

Hélène et Romain : cette histoire s'adresse à tout le monde, de 12 à 92 ans. Nous avons déjà eu d'excellents retours de lecteurs qui ne connaissaient pas la fantasy. Par contre, l'univers et le scénario vont sans aucun doute parler aux lecteurs rôlistes.

En fait, nous adorerions que nos lecteurs aient envie de jouer à leur tour dans notre monde. Nous sommes édités par les Ludopathes, qui sont avant tout des éditeurs de jeu de rôle. Alors oui, forcément, l’idée de faire un JdR est vite arrivée et nous y sommes très favorables. Le monde est déjà là, tout prêt et construit. Il nous faut maintenant un système de jeu adapté (Romain y travaille) et du temps pour mettre tout ça en forme. Mais le jeu de rôle verra le jour, nous n’en doutons pas !

En parlant des Ludopathes, est-ce un pari risqué de choisir un éditeur qui jusqu'à présent se spécialisait dans le jeu ?

Hélène et Romain : le marché du livre est très concurrentiel, en particulier dans le domaine de la fantasy, qui voit fleurir des romans par dizaines. Notre premier livre a eu la chance d’être un coup de cœur pour les Ludopathes et nous sommes très heureux de vivre cette aventure avec eux. C’est un défi pour nous tous mais nous sommes très motivés. Le JdR fait partie intégrante de notre culture fantastique et les Ludopathes nous offrent l’opportunité de construire un JdR sur notre monde, ce que la plupart des éditeurs n’auraient jamais envisagé. Il nous reste à nous faire connaître mais nous avons tous les atouts en main pour y arriver : des livres de très belle qualité, avec des couvertures superbes, et une histoire originale et prenante qui, nous l’espérons, saura conquérir le cœur de beaucoup de lecteurs.

Merci pour cet échange, et bon courage pour cette aventure !

Merci à vous. A bientôt, et bonne lecture !!